Les applications spécifiques face à l'extinction du réseau cuivre
Si le basculement du réseau de communication cuivre vers le tout optique n'aura quasiment aucune incidence sur les usages résidentiels (une fois les questions de la desserte optique du point d'accès et de la box compatible réglés), il n'en va pas de même pour certaines applications professionnelles spécifiques. C'est notamment le cas pour celles qui exploitent la télé-alimentation du terminal usager via la paire de cuivre, ou la détection de coupure de ligne difficile à réaliser en fibre.
C'est dans la perspective de mieux connaître les barrières à la migration vers les réseaux très haut débit tout IP que l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a commandé une étude auprès du cabinet Cogisys en 2014 afin de recenser les applications aujourd'hui incompatibles avec les usages numériques IP. Le rapport, qui permet de recenser les usages, a été effectué à partir de rencontres menées auprès de 40 acteurs, tant chez les utilisateurs (principalement des grands comptes et organismes publics de l'énergie, de l'environnement, des transports, de la défense et sécurité), que les opérateurs télécoms et leurs équipementiers.
L'étude, rendue le 6 octobre, recense 2,2 millions de lignes boucle locale cuivre (BLC) dédiées à des applications spécifiques, dont 89% d'applications professionnelles (téléalarme d'ascenseur, télésurveillance, monétique, machines à affranchir) et 10% consacrées aux usages industriels de l'énergie (télérelève, téléconduite, téléalarmes.). Dans 8 cas sur 10 (79%), les besoins s'appuient sur l'interface RTC (le réseau commuté analogique) tandis que les services d'accès haut débit xDSL sont utilisés par 19% des applications. Les services de communication RNIS et les liaisons louées restent marginaux (2%, moins de 32?000 lignes).
Incidence technique et économique
De toute évidence, l'extinction de la BLC aura une incidence technique et économique sur ces applications. Pour celles qui utilisent le RTC, un simple changement d'équipement terminal, compatible avec les technologies optiques et IP, devrait suffire à conserver la fonctionnalité. Néanmoins, certaines applications industrielles (téléalarme d'ascenseur, télémesure de compteurs industrielles, télé-conduite d'automates industriels) ne disposent pas encore de solutions qualifiées. Par ailleurs, le remplacement du parc des terminaux aura un impact financier et de temps sur l'entreprise selon le volume des appareils à traiter. En revanche, le surcoût éventuel lié au fonctionnement resterait négligeable.
L'étude note néanmoins que les opérateurs peuvent fournir des interfaces analogiques dans leurs équipements pour les applications branchées sur les lignes optiques. Mais « l'utilisation de ces interfaces analogiques par des applications industrielles peut générer des dysfonctionnements » dans le cadre des applications de télérelève et téléalarme (DTMF) et de transmission de données en bas débit au-delà de quelques minutes de communication. Pour les industriels exploitant ces applications, point de salut. Il leur faudra inévitablement migrer leur terminal vers une solution compatible IP/Ethernet. Il faudra également s'assurer que ces appareils bénéficieront d'une batterie permettant de palier toute coupure d'énergie. Celle-ci est en effet aujourd'hui apportée par le réseau analogique cuivre ce qui n'est pas le cas en optique.
10 ans minimum de délais de migration
Enfin, autre défi à relever et pas des moindres, la disponibilité de l'infrastructure optique. Les locaux techniques exploitant des applications spécifiques ne figurent pas nécessairement dans le plan de déploiement des boucles locales optiques des opérateurs. Les industriels concernés devront donc faire une demande spécifique de raccordement auprès de l'opérateur de boucle locale optique, voire demander un raccordement en fibre dédiée. Des déploiements complexes à mener opérationnellement et économiquement.
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En conséquence, en prenant en compte la mise à disposition des équipements de nouvelle génération et leur validation technique, le basculement sur le tout optique pourrait nécessiter des délais de remplacement de minimum 10 ans (chez les ascensoristes) ou 15 ans (secteurs de l'énergie et l'environnement) voire 20 ans. Autrement dit, l'extinction de la BLC n'est pas pour demain chez ses acteurs.
Rapport et conclusion d'expérimentation attendus
Cette étude s'inscrit dans le contexte du plan Très Haut Débit du gouvernement qui entend remplacer l'ensemble du réseau cuivre actuel par de la fibre optique (FTTH) d'ici 2022 à l'exception de quelques zones difficiles à atteindre où des technologies très haut débit alternatives seront proposées. Mais la suppression d'un réseau d'ancienne génération au profit d'un autre de nouvelle n'est pas sans poser un certain nombre de question sur l'héritage applicatif des industriels et de l'écosystème. C'est dans ce contexte que le gouvernement avait confié, en juin 2013, à Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique et ancien président de l'Arcep, une mission d'évaluation sur l'extinction du cuivre dont on attend toujours les conclusions.
De son côté, Orange mène une expérimentation d'extinction du réseau cuivre à Palaiseau en banlieue parisienne. Si, dans une première étape, les résidences des particuliers avaient quasiment toutes basculé sur le réseau optique fin 2013, il restait à l'opérateur de mener l'expérience sur les réseaux des entreprises. Une opération qui devait démarrer début 2014. Là encore, on attend toujours les résultats. Le rapport du cabinet Cogisys qui permettra à l'Arcep de mieux appréhender les futures questions de régulation, apporte aujourd'hui quelques éléments de réponse.
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