Mise sous tutelle de l'Arcep: le gouvernement persiste et signe
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
Du côté de Bruxelles comme de l'UMP, la fronde grogne quant à la nomination d'un commissaire que le gouvernement compte imposer au régulateur. Lequel y voit une mise sous tutelle pure et simple.
L'affaire a fait grand bruit en début d'année : le gouvernement français veut bénéficier d'un « droit de regard » sur les travaux de l'Arcep (autorité de régulation des communications électroniques et des postes) en imposant au régulateur un commissaire du gouvernement. Un moyen de renforcer le dialogue entre l'Autorité et le gouvernement aux yeux d'Eric Besson, ministre délégué à l'Industrie et à l'économie numérique. Une mise sous tutelle selon Jean-Ludovic Silicani, président de l'Arcep.
Le gouvernement a mis en avant cette idée dans le « projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques » à la surprise générale. Lors du passage du texte à l'Assemblée nationale, des députés ont exprimé leur réticence ou leur franche opposition à cet amendement surprise du gouvernement. Mais en vain. Le texte a été adopté le 13 janvier, rappelle ITespresso.fr.
Malgré les avertissements de la Commission européenne qui suit ce dossier avec une grande attention, le gouvernement entend persister dans cette voie. Mais les derniers échos sont discordants. Selon Le Monde, Bruno Retailleau, sénateur de Vendée, a proposé un amendement en commission au Sénat visant à encadrer le rôle du commissaire à l'Arcep. Il s'agit d'éviter que le commissaire du gouvernement « ait accès à des informations confidentielles de concurrents de France Telecom ». Au passage, rappelons que l'État possède toujours 27 % du capital de l'opérateur historique et ce dernier domine toujours le marché de l'accès à Internet et de la téléphonie mobile en France.
Il en faudra plus pour changer les intentions du ministère. Le 8 février, il a demandé que le Sénat s'attache au texte initialement voté à l'Assemblée nationale. Pas moins. Motif officiel : « le fonctionnaire de l'État est déjà soumis au secret professionnel dans l'exercice de ses fonctions. »
Pour de nombreux observateurs du secteur des communications électroniques, l'enjeu est pourtant considérable : c'est l'indépendance du régulateur national qui pourrait être remise en question. Une disposition contraire aux lois européennes qui prônent justement l'indépendance des régulateurs. La Commission européenne s'est emparée du dossier et a menacé l'Etat français d'une procédure d'infraction à la législation de l'Union si le gouvernement persistait dans cette voie.
Pour sa part, Eric Besson a envoyé un courrier à Neelie Kroes, commissaire européenne en charge du Numérique, pour réaffirmer « le respect de l'indépendance de l'Arcep ». Tout en soutenant mordicus que la fonction de commissaire au gouvernement associée au régulateur des télécoms n'était pas incompatible avec le droit européen. Difficile à avaler, même du côté de l'UMP que la proposition du gouvernement fait grincer des dents. Plusieurs députés et sénateurs rattachés au parti de la majorité présidentielle n'ont pas caché leur malaise.
Ainsi, Philippe Leroy, sénateur de Moselle (qui s'implique sur des sujets télécoms et collectivité comme la montée en débit), a déposé un amendement visant à supprimer purement et simplement la fonction de commissaire au gouvernement auprès de l'Arcep. Pas sûr qu'il soit entendu par le gouvernement ou soutenu par son groupe politique. Réponse aujourd'hui, jeudi 10 février, où le texte doit être soumis pour vote du Sénat.