Mobiles: les trois opérateurs pris la main dans le sac!
Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs et même le gouvernement s'étonnaient du manque de concurrence du marché français dans la téléphonie mobile. Malgré un nombre toujours plus important d'abonnés, malgré l'arrivée, certes tardive, de nouveaux acteurs comme les MVNO (opérateurs « virtuels »), les parts de marché des trois opérateurs restaient et restent étrangement stables, ou presque. Et les tarifs de chacun, très proches. Une particularité française? Non, il s'agirait bien d'une stratégie d'entente illicite agencée entre les trois grands -ce que révèle ce mercredi 24 août
Le Canard Enchaîné. Si les soupçons d'entente circulent depuis de nombreuses années, personne n'avait pu prouver la faute. L'hebdomadaire satirique s'est procuré un rapport accablant de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et parle d'un « Yalta des parts de marché ». Il y aurait donc bien eu accord secret entre les trois grands pour stabiliser le marché et attribuer une part à chacun! Ce rapport, qui date de mai 2004 révèle donc « un accord occulte sur une longue période qui vise à geler les parts de marché vis-à-vis des nouveaux clients afin d'aboutir à une très forte inertie des parts de marché ». Conclusion de la DGCCRF: un tel accord a permis à Bouygues Telecom, Orange et SFR de surperformer financièrement pendant la période. Même si un doute plane sur le rôle de BouyguesTel. En effet, pourquoi l'opérateur aurait-il accepté une entente occulte qui le cantonne depuis des années à une part de marché marginale. Rappelons qu'Orange et SFR se partagent plus de 80% du marché. La Direction de la Concurrence donne des preuves. Des pièces et documents ont été saisis lors de perquisitions chez les opérateurs en 2003. Des documents encore une fois accablants. Une note de 2001 de SFR indique ainsi: « Michel Bon [président de France Télécom à l'époque] est OK pour reconduire l'accord parts de marché de 2000 ». On peut également lire dans une note de France Télécom: « Il faut que Bouygues remonte à 20% de parts de marché ». Visiblement, l'entente était très bien organisée. Position délicate pour Thierry Breton En effet, les trois opérateurs avaient convenu d'un rendez-vous secret mensuel afin de « d'adapter rapidement leur stratégie commerciale à l'évolution du marché ». Selon le rapport, ce petit manège aurait débuté en 1997 (!), lorsque le marché a commencé à décoller. Ces réunions ont été stoppées en 2003, les opérateurs sentant le vent tourner après les perquisitions de la DGCCRF. Cette affaire met dans l'embarras Thierry Breton, actuel ministre de l'Economie et ancien administrateur de BouyguesTel avant de devenir président de France Télécom. A Bercy, on tente d'éteindre l'incendie: « Thierry Breton n'est concerné par cette affaire ni avant qu'il soit ministre, ni après », a déclaré le ministère à Reuters. « Le Conseil de la concurrence s'est autosaisi en 2003 et son enquête porte sur la période 1997-2002, c'est-à-dire avant la nomination fin 2002 de Thierry Breton à la présidence de France Télécom ». Tout ce qui concerne une implication de Thierry Breton dans un Yalta présumé des opérateurs téléphoniques et l'annulation de la table ronde du 16 juin est un « tissu d'erreurs », conclut-on à Bercy. Amende probable Sauf que, selon le Canard Enchaîné, le rapport vise directement l'ancien patron. C'est Thierry Breton lui même qui aurait parlé d'un « Yalta des parts de marché » lors d'un comité exécutif réunissant le 28 octobre 2002 les principaux opérateurs. Côté réactions, les opérateurs nient en bloc (voir notre article). Le Conseil de la concurrence a adressé le 1er mai à la direction de France Télécom, de SFR et de Bouygues une « notification de griefs » dans laquelle les trois opérateurs sont accusés de s'être entendus pendant des années pour fausser la concurrence. Les magistrats avaient reçu en février 2002 une plainte pour entente illicite de l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir. Le Conseil devrait rendre son verdict d'ici à la fin de cette année, précise l'hebdomadaire. Il peut infliger une amende allant jusqu'à 10% du chiffre d'affaires des trois sociétés mises en cause. La note risque d'être salée.
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