Musique en ligne: le décollage a-t-il eu lieu en Europe?
Le salut de l'industrie musicale européenne passera-t-il par les sites légaux de téléchargement? C'est en tous cas l'objectif des grandes maisons de disque qui observent avec effroi leurs ventes baisser. Néanmoins, face à la concurrence gratuite et sans limite du 'peer-to-peer' (Kazaa, eDonkey.), la lutte semble difficile. Exemple: aux Etats-Unis, le service iTunes d'Apple vend des millions de fichiers. Un bon résultat mais une goutte dans l'océan des échanges de fichiers illégaux.
Qu'en est-il en Europe? Le marché commence à enfin à se structurer même si des géants comme Napster (Roxio) ne sont pas encore présents partout. Fin juin, iTunes Europe d'Apple annonçait avoir vendu 800.000 titres en une semaine. Un chiffre qui est passé à 5 millions après 10 semaines d'exploitation. Correct mais pas exceptionnel. D'autant plus que la moitié de ses ventes sont réalisées dans un seul pays, la Grande-Bretagne. De son côté, OD2, qui vient d'être racheté, ne donne pas beaucoup de détails sur les résultats européens de son « Sonic Selector » vendu à différents partenaires comme Packard Bell, Tiscali ou MTV. Loudeye, son propriétaire évoque une activité en progression de 28% dans les semaines postérieures au lancement d'iTunes. Néanmoins l'optimisme est au rendez-vous. « Ces résultats montrent que le marché européen est en train d'amorcer une phase de croissance explosive », explique Charles Grimsdale, président et directeur général de l'international pour Loudeye. « L'industrie toute entière a bénéficié de ce lancement en même temps que l'arrivée d'iTunes et de Napster sur le marché européen. » Napster, justement, revient sur le devant de la scène: il est désormais présent en Grande-Bretagne après avoir débuté aux Etats-Unis. La plate-forme mythique, devenue payante, est néanmoins très très loin derrière iTunes: 10 millions de morceaux vendus contre 100 millions pour le service du constructeur à la pomme. Conséquence: 2,6 millions de dollars de perte pour Roxio, son propriétaire. Bref, si le marché se structure, on ne peut pas encore parler de succès. Les exploitants de ces plates-formes sont prudents. Tout comme le cabinet d'études Forrester qui ne voit pas de décollage de ce secteur avant. 2007! Selon cette étude, le marché atteindra un milliard d'euros à cette date et 3,5 milliards en 2009, année où 20% des internautes téléchargeront légalement de la musique en ligne. Pour le moment, Forrester estime que ce marché génèrera 53 millions d'euros de revenus dont l'essentiel se fera en Grande-Bretagne et en Allemagne. En 2009, le marché sera encore dominé par ces deux pays avec, dans une moindre mesure, la France. Mais, souligne le cabinet Forrester, le marché devra évoluer pour atteindre cette croissance. Car de nombreux problèmes existent. L'interopérabilité d'abord: aucun service n'est compatible avec un autre et tel fichier téléchargé sur tel service ne pourra pas être transféré sur n'importe quel baladeur numérique. Un frein important selon Forrester, surtout face à la mode 'peer-to-peer'. « Si le marché reste tel qu'il est, alors le 'peer to peer' restera important », prévient l'un des auteurs de l'étude. Autre frein, le prix des morceaux. Tous les observateurs s'accordent à penser que les tarifs pratiqués, 0,99 euro dans la plupart des cas, sont bien trop élevés. Les Majors et les exploitants de ces sites devront revoir franchement leur marge à la baisse. Forrester évalue le juste prix à 0,79 euro. En France, Laurent Petitgirard, président du conseil d'administration de la Sacem (l'organisme qui collecte et reverse les droits d'auteur) estime, lui, qu'un morceau devrait être vendu à 50 centimes pour rendre la musique légale attractive face au 'peer-to-peer' absolument gratuit.
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