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OVHcloud fait appel de sa condamnation : rappel des faits

OVHcloud fait appel de sa condamnation de fin janvier dans un litige face à un client victime de l'incendie de Strasbourg.

Publié par Clément Bohic le - mis à jour à
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OVHcloud fait appel de sa condamnation : rappel des faits

On ne s'arrêtera donc pas là entre OVHcloud et France Bati Courtage. Le premier, condamné fin janvier par le tribunal de commerce de Lille, vient de faire appel.

Quel est le fond de l'affaire ?

Le litige a pour toile de fond l'incendie survenu en mars 2021 dans plusieurs datacenters OVHcloud à Strasbourg.

Basé à Sceaux (Hauts-de-Seine), France Bati Courtage est à la tête d'un réseau commercial de courtiers en travaux. Des indépendants franchisés qui exercent sous l'enseigne La Maison des Travaux. L'entreprise développe son activité essentiellement au travers du site internet lamaisondestravaux.com.

France Bati Courtage avait souscrit, auprès d'OVHcloud, un contrat de location de VPS (serveur virtuel privé). Ainsi qu'une option contractuelle complémentaire de « sauvegarde automatisée » pour ce VPS. Un backup qui, selon les termes de l'offre, était planifié quotidiennement, exporté puis répliqué trois fois, avec un espace de stockage physiquement isolé de l'infrastructure du serveur.

Après l'incendie, la récupération des données a été impossible. VPS et backup se trouvaient tous deux dans le datacenter SBG1, non remis en marche.

Tous effets confondus (perte de trafic, coûts de restauration, etc.), France Bati Courtage avait évalué son préjudice à environ 6,5 M€.

Qu'avançait France Bati Courtage ?

L'entreprise considérait que l'incendie ne pouvait être considéré comme un cas de force majeure. En particulier parce que dans un tel environnement, le risque est « évident et prévisible ».

Elle estimait en outre qu'on ne pouvait invoquer la force majeure sans avoir pris toutes les mesures requises pour éviter que l'événement se réalise. Ici, ce ne serait pas le cas, que ce soit de par l'absence de système d'extinction automatique, l'usage de containers maritimes doublés de planchers en bois ou le stockage des batteries dans le même local que les serveurs.

France Bati Courtage dénonçait aussi une faute, en l'objet du stockage des sauvegardes sur une machine voisine du serveur principal.

Elle invitait aussi le tribunal à déclarer non valables ou non écrites les clauses de limitation de responsabilité présentes dans le contrat. Son argument, dans les grandes lignes : s'agissant d'un contrat dit « d'adhésion » (rédigé par le fournisseur et non négocié), il y a lieu de considérer comme nulle toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Qu'avançait OVHcloud ?

Pour sa défense, OVHcloud invoquait autant la force majeure que les clauses limitatives en question. Il expliquait par ailleurs avoir correctement exécuté le contrat, ayant une obligation de moyens et non de résultat.

L'hébergeur affirmait, en particulier, ne pas avoir été tenu de mettre à disposition un espace de stockage de sauvegarde dans un datacenter distinct ou à une distance éloignée. Motif : selon lui, France Bati Courtage avait souscrit une offre de « sauvegarde locale ».

Qu'a jugé le tribunal ?

Deux affaires similaires

Le 21 juin 2022, le même tribunal avait considéré que la responsabilité d'OVHcloud ne pouvait être mise en cause au titre des conséquences dudit incendie. Mais cette affaire, relève-t-il, est différente sur un point essentiel : la société plaignante - ADOMOS - avait souscrit uniquement un contrat d'hébergement de deux serveurs. Pas d'option de sauvegarde automatique.

Le 30 juin 2022, le tribunal de commerce de Villefranche avait rendu une ordonnance de référé de la même teneur. Mais là aussi, la société plaignante - CINETIC-IT - n'avait pas souscrit de contrat de sauvegarde.

Les éléments favorables à OVHcloud

Le tribunal a considéré que les contrats relevaient effectivement d'une obligation de moyens et non de résultat. Il n'est pas démontré, ajoute-t-il, que l'hébergeur a commis une faute lourde ou de graves manquements à l'égard de la sécurité anti-incendie. Ni que ses choix techniques ont un lien de causalité.

Les éléments favorables à France Bati Courtage

Le tribunal a effectivement fait « sauter » les clauses limitatives que pointait France Bati Courtage. En point d'orgue, celle inscrite à l'article 7.7 du contrat. Elle pose, estime le juge, tout sinistre comme un cas de force majeure. Avec elle, OVHcloud n'est donc jamais tenu de réaliser sa mission au moment où, pourtant, celle-ci est nécessaire.
Réaliser les copies de sauvegarde et les mettre en sécurité étant une obligation essentielle du contrat, cette clause la prive de sa substance et doit donc être réputée non écrite.

Sur la question de la « sauvegarde locale », la conclusion est la suivante : OVHcloud ne démontre pas qu'il a proposé à son client une offre spécifique de sauvegarde sur site distant. Ni même que cette offre existait lors de la souscription.
Plus généralement, l'hébergement avait une obligation de moyens... et avait les moyens de stocker les backups dans une autre datacenter « pour réaliser sa mission conformément aux règles de l'art ».

Le tribunal a aussi retenu la faute liée au stockage des sauvegardes au même endroit que le VPS. Tout en écartant une autre clause par laquelle OVHcloud limitait sa responsabilité aux six derniers mois précédant la demande d'indemnisation.

Une indemnisation loin des 6 M€ demandés

France Bati Courtage reste néanmoins loin de l'indemnisation qu'il recherchait : le tribunal lui a accordé environ 100 000 € de dommages-intérêts. Entre autres parce qu'il :

- N'a pas perdu la totalité de ses sites internet et a pu récupérer de vieilles sauvegardes
- N'a pas prouvé l'existence d'URL qu'il disait avoir été détruites
- A soutenu moins de coûts que prévu pour restaurer ses sites internet
- N'a pas justifié de la désorganisation qu'aurait causée la perte de ces sites
- Fait face à un préjudice incertain autant pour 2022 que 2023

À consulter pour davantage de contexte :

OVHcloud : la bataille se joue aussi en justice
OVHcloud : dans l'ombre du recours collectif, des actions contentieuses

Photo d'illustration © OVHcloud

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