P. Lejeune, Insight : « Pas d'audit dans le Saas, mais toujours des dépenses inutiles »
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
Pour cet expert en licensing, en annonçant l'arrêt de ses audits, Adobe a acté la fin de sa mutation vers le Saas. Ce qui ne signifie pas que les entreprises doivent relâcher leur suivi des droits d'usage du logiciel une fois dans le Cloud.
Expert en organisation et en gestion des licences chez Insight, un acteur de la distribution de logiciels et de matériel, Philippe Lejeune commente l'évolution du licensing chez les principaux éditeurs et revient sur l'annonce de l'arrêt des audits par Adobe.
Silicon.fr : Récemment, Adobe a annoncé qu'il mettait fin à ses audits de licences. Comment analysez-vous cette décision ?
Philippe Lejeune : Ce n'est pas réellement une surprise, car Adobe est passé à un modèle très orienté vers le Saas, une mutation facilitée par le fait que la plupart de ses produits sont orientés vers les utilisateurs. Durant la migration d'une base installée vers le Saas, un éditeur peut être tenté d'utiliser l'arme de l'audit pour accélérer la transition, en concentrant ses contrôles sur les clients hostiles ou réticents. Mais, une fois cette dernière achevée ou quasi-achevée, l'arrêt des contrôles est logique. C'est par ailleurs très habile de communiquer sur ce type d'annonces.
Car les audits continuent à susciter le mécontentement des entreprises utilisatrices.
P.L. : Ce n'est pas la démarche elle-même qui est critiquée, car elle est légale et pleinement justifiée. Plutôt son instrumentalisation. Les éditeurs s'appuient sur des règles illogiques et très complexes de licensing pour aligner leur position concurrentielle. Et ces règles sont très variables d'un éditeur à l'autre et, pour chacun d'entre eux, ont qui plus est des durées de vie bien différentes. Ainsi, chez Microsoft, les licences passent d'un décompte par processeurs, à un décompte par coeurs de processeurs. Les conséquences sont très lourdes sur les choix d'investissement des entreprises, en particulier, dans ce cas-là, pour l'industrie de l'hébergement.
Vous attendez-vous à voir d'autres éditeurs annoncer la fin des audits ?
P.L. : Je ne suis pas convaincu qu'un Oracle ou un SAP soient aujourd'hui dans cette optique. Chez Microsoft, on observe non pas une disparition des audits, mais plutôt leur industrialisation. Leur organisation en charge de la conformité s'est vu confier des objectifs de chiffre d'affaires très ambitieux - avec une croissance à deux chiffres d'une année sur l'autre -, mais associée à une diminution des audits complexes et lourds, au profit d'audits automatisés. Or, ces derniers sont souvent moins traumatisants pour les entreprises qui les subissent. D'autant que certains éditeurs contribuent parfois au coût de ces vérifications, proposent des outils pour les réaliser ou incluent ces contrôles dans les contrats.
Est-ce que le Saas signifie la disparition de toute zone d'ombre dans la gestion des licences ?
P.L. : En théorie, tout risque de piratage disparaît, puisque l'éditeur peut tracer le usages de ses logiciels. Mais le Saas ne fait pas disparaître les problématiques classiques de la gestion du licensing dans les entreprises. Elle les déplace simplement vers une logique d'usage. Or, pour l'instant, les organisations SAM (Software Asset Management, de petites cellules montées par les entreprises utilisatrices et chargées de vérifier la conformité aux règles de licensing, NDLR) sont très concentrées sur la collecte d'informations sur les déploiements au sein du SI et sur la gestion du risque à court terme. Leur métier doit évoluer vers une logique d'optimisation du coût des licences, en commençant par fermer les droits d'usage qui n'ont plus d'utilité. C'est là que résident les gisements d'économie avec des modèles comme le Saas. Certes, le risque est plus faible qu'avec les audits, mais on parle tout de même de factures se chiffrant en milliers d'euros. Or, cette mutation des cellules SAM vers le suivi des droits dans le Cloud n'est qu'embryonnaire à ce jour dans les grandes organisations françaises. La gestion des nouvelles infrastructures reste clairement leur maillon faible.
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