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Pourquoi il est nécessaire de repenser le contrat de travail

Emergence d'une économie des « petits boulots » portée par la technologie, disparition de la frontière entre travail et vie privée : l'Etat n'a guère d'autre choix que de repenser le contrat de travail, selon David Stoikovitch et Nicolas Glady, respectivement étudiant et professeur à l'Essec.

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Pourquoi il est nécessaire de repenser le contrat de travail

Les 8 et 9 avril derniers, le ministère du Travail a organisé un hackathon avec des étudiants de l'Ecole 42, de l'Essec et de l'ENA autour du Compte Personnel d'Activité (CPA). L'objectif est de lancer une plateforme qui sera mise à disposition de tous à partir du 1er janvier 2017 et qui visera à nous donner plus de visibilité sur notre parcours professionnel et nos droits en matière de travail.

Les étudiants, accompagnés d'experts des agences gouvernementales, d'associations et d'entreprises se sont donc regroupés autour de ces thématiques pour produire des prototypes d'applications qui facilitent la formation, la transition professionnelle, et le financement de projets. Ce hackathon fait donc d'une pierre deux coups : il lance une dynamique participative de génération d'idées et inclut directement dans la réflexion ceux à qui est destiné ce service.

Ce processus a été initié depuis l'année dernière lorsque le Ministère du Travail et France Stratégie ont lancé une réflexion sur les nouvelles formes de travail. L'Etat prend donc acte de  la révolution numérique en décidant de lancer la réflexion sur un nouveau rapport au travail et donc sur la nécessité d'un nouvel encadrement de ce dernier.

S'adapter aux mutations du travail et l'ubérisation de l'économie

Force est de constater que le travail ne peut plus être conçu comme il l'était il y a 10 ans. Les actifs ont de plus en plus de périodes d'inactivité et changent de plus en plus souvent d'emploi dans leur parcours.

Et, depuis quelques temps, le phénomène d'ubérisation de l'économie accélère encore cet état de fait en multipliant les possibilités de cumul d'emplois. Les plateformes d'intermédiation en ligne permettent en effet à tout un chacun de proposer un service ou d'en bénéficier. On pense aux transports évidemment - puisque la société Uber a donné son nom au phénomène - mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Des sites comme Leboncoin.fr proposent depuis plusieurs années des petits jobs de courte durée. Et avec l'explosion des technologies mobiles, nous avons dorénavant en permanence dans notre poche un accès à ces plateformes d'emploi et de services. Uber n'est qu'un des exemples de ces véritables marchés du travail parallèle, où les employés sont des auto-entrepreneurs, et peuvent cumuler des métiers différents dans la même  journée. Ceci alors que le nombre d'auto-entrepreneurs augmente par ailleurs de 9% par an depuis 3 ans.

L'Etat doit donc prendre acte rapidement de cette nouvelle réalité. Ce qui le pousse d'ailleurs aussi à revoir son rôle en matière de protection de l'employé ainsi que la définition même de l'employeur. Dans le cas d'Uber, un conducteur est techniquement auto-entrepreneur et n'a donc de comptes à rendre qu'à lui-même. Mais est-ce vraiment le cas dans le rapport de force qui pourrait l'opposer à la plateforme de mise en relation ? Plateforme qui en pratique représente souvent son unique accès à ce marché de l'emploi.

Protéger l'individu, sans entraver la nécessité de flexibilité ?

De manière plus générale, c'est la relation au travail de chacun qui change au gré des évolutions technologiques. La frontière entre nos vies professionnelles et personnelles devient de plus en plus tenue pour ne pas dire inexistante ! Le fait d'être joignable en permanence et n'importe où du fait de notre téléphone portable (et de plus en plus en dehors du cadre de notre lieu de travail) rend la séparation entre vie privée et vie professionnelle de plus en plus difficile.

Pour l'Etat la problématique est double. D'une part, il doit protéger l'employé contre de potentiels abus. Sans empêcher la flexibilité quotidienne que permettent ces pratiques. Mais d'autre part, c'est souvent l'employé lui-même qui est demandeur, dans une mécanique qui peut parfois être très complexe : mêlant à la fois un sentiment d'importance (« mes collègues doivent pouvoir me joindre ! »), une envie de connexion permanente, ou tout simplement un goût pour la technologie.

Cette réflexion est d'ailleurs déjà engagée, notamment par des syndicats comme la CFDT, la CGC, Cinov-IT et le Syntec Numérique, qui proposent depuis 2 ans un "droit à la déconnexion", déjà appliqué dans certaines entreprises comme Orange ou Volkswagen. Mais quel est l'intérêt d'être déconnecté le week-end, si nous savons qu'en rentrant le lundi, le volume de mails n'en sera que plus important ? Le reste du monde ne s'arrête pas de tourner.

L'enjeu pour l'Etat est donc double : adapter son action à l'évolution actuelle du marché du travail et aux nouvelles technologies, mais aussi se mettre au service des citoyens pour encadrer

positivement la gig economy (l'économie des "petits boulots") et le nouvel équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Par Nicolas Glady, professeur à l'Essec et titulaire de la chaire Strategic Business Analytics de l'Essec, et David Stoikovitch, étudiant à l'Essec.

A lire aussi, les précédentes tribunes de N. Glady :

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Crédit photo : GERARD BOTTINO / Shutterstock

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