Protection des mineurs: les opinions divergent sur la procédure automatique
Quelques lignes à modifier dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), mais du monde à réconcilier. Le débat sur la mise en place par les FAI de filtrage s'envenime.
D'un côté se trouvent l'association E-Enfance et la délégation aux usages de l'Internet (DUI) qui milite pour obliger les fournisseurs d'accès à installer un système de contrôle parental, sur leur réseau. Et de l'autre, il y a le collectif Iris, « Imaginons un réseau Internet Solidaire » qui est aussi, bien entendu pour la protection des mineurs, mais qui souhaite voir une autre logique que celle de la répression s'imposer. Pour Benoît Sillard, directeur de la délégation aux usages de l'Internet, « il y a urgence » car 83% des parents disposant d'un accès Internet à domicile ne possèdent pas de logiciel de contrôle parental. D'après le patron de la DUI, les FAI doivent impérativement réagir. Une opinion partagée par E-Enfance, dont l'objectif est que les enfants et les adolescents puissent « communiquer en toute sécurité ». Le point de vue de l'association se base notamment sur une récente étude de Médiamétrie publiée jeudi dernier par la Délégation aux usages Internet (DUI) Selon cette étude, 71% des parents d'enfants âgés de 6 à 15 ans ne donnent « pas accès librement » à Internet à leur progéniture, estimant que la navigation peut être dangereuse. Près d'un parent sur trois 31% ayant Internet à domicile ne connaît pas l'existence de logiciels de contrôle parental, et parmi ceux qui connaissent ce type de protection (69%), seulement 25% déclarent en avoir installé, toujours selon Médiamétrie. Parmi les freins à cette installation figurent le prix, mais aussi le manque de compétence technique et le défaut d'information sur ces logiciels. Le point de vue de l'IRIS La présidente d'IRIS, Meryem Marzouki, interrogée par l'AFP, a estimé que cette initiative était « directement liée à la question de l'exposition des mineurs à la pornographie sur Internet et que la présence des parents vaut bien mieux que tout filtrage, car les critères de ce procédé sont différents selon les parents, le milieu, l'éducation, l'origine. » Le collectif déplore que le texte de l'amendement indique que les FAI : « mettent en oeuvre auprès de tous leurs abonnés, de manière automatique, des dispositifs techniques performants et activés par défaut qui permettent de restreindre l'accès aux services de communication au public en ligne mettant en péril les mineurs ». Mais selon l'association, créée en 1997, le caractère « obligatoire, automatique et par défaut » du filtrage envisagé est anormal. D'après la présidente du collectif qui ne mâche pas ses mots, cette disposition trouve son origine « dans une offensive accrue de l'ordre moral qui n'envisage comme méthode qu'une censure digne des pires pays sécuritaires ». IRIS n'est pas la seule association à s'élever contre cet amendement. Propositions et réactions de la ligue Odebi La Ligue Odebi juge « totalement inqualifiable la manoeuvre de récupération de la Délégation aux usages de l'internet (DUI) qui consiste à utiliser le thème de la protection des mineurs pour essayer d'imposer par la loi un système de filtrage de l'internet français techniquement comparable à celui demandé avec insistance par le lobby des majors. » « Ce cheval de Troyes législatifde la DUI tendrait à imposer aux FAI d'installer a priori pour tous les abonnés un système de filtrage sur leurs réseaux, au prétexte que le Ministère de la culture aurait prétendument estimé possible de faire filtrer le trafic P2P par les FAI. » précise t-elle dans son communiqué. La Ligue propose donc au gouvernement français « d'assumer ses responsabilités les plus élémentaires en matière de protection de l'enfance au lieu de se défausser sur le secteur privé. Pour cela, le gouvernement peut agir très logiquement au vu de l'étude de la DUI » : -1 en développant un logiciel libre et gratuit. -2 en rendant ce logiciel le plus simple d'emploi possible. -3 en menant une campagne d'information sur ce logiciel, et en le diffusant largement. Au passage, la Ligue s'interroge avec l'ironie qui lui est propre sur les actions de la DUI qui a servi de caution pédagogique gouvernementale au guide de propagande pro-majors « net-attitude » que François Fillon et Renaud Donnedieu de Vabres ont tenté de diffuser dans les établissements scolaires. Dans ce guide consacré à la lutte contre le P2P, le gouvernement français menaçait les jeunes de 300.000 euros d'amende : Rappelons que la violence sur mineur de 15 ans « coûte » 45.000 euros. » « Enfin, à toutes fins utiles, la Ligue rappelle à Benoît Sillard que l'internet français n'a pas besoin de la tutelle du CSA : cela a largement été débattu lors de la LEN. Vouloir revenir sur ce point est une provocation inutile. » C'est donc là le c?ur du débat. Faut-il déléguer oui ou non ce rôle de surveillance de nos chères têtes blondes aux FAI ? Plutôt que de donner ce droit supplémentaire aux FAI il semblerait plus judicieux que ces associations concentrent leurs actions sur les auteurs de sites dangereux. Quoi qu'il en soit, dans cette bisbille entre adultes ce sont encore les enfants qui trinquent. Étude comparative sur l'offre des FAI en matière de filtrage
AOL et MSN sont les « précurseurs », le logiciel étant compris dans le forfait et le filtrage des sites « inappropriés » est fait automatiquement par le logiciel. De plus, l'option de contrôle parental est clairement affichée, selon cette étude. Cegetel et Wanadoo présentent les mêmes caractéristiques que les deux sites précédents sauf que le logiciel est en option payante, relève e-enfance. Alice, Club Internet, Nc Numéricable, Neuf Telecom et Noos proposent aussi le contrôle en option payante, regrette l'association, qui souligne que l'option est difficile à trouver sur leurs pages d'accueil. En outre, chez Noos et Neuf Telecom, le filtrage est compliqué pour les parents. Depuis 2000, les FAI ont l'obligation d'informer les parents sur les logiciels de contrôle parental.
Sur le même thème
Voir tous les articles Business