SAP : « notre croissance ne vient pas des audits »
Étant déjà directeur des opérations de SAP France depuis 2012, vous avez une bonne vision du fonctionnement de la filiale. Comptez-vous le modifier pour partie maintenant que vous en prenez la direction ?
Marc Genevois : la priorité sera évidemment donnée au quatrième trimestre, qui reste le trimestre à ne pas rater dans l'année fiscale de la filiale. Mais, en parallèle, je souhaite mettre un focus plus important sur la conquête de parts de marché, via une priorité donnée à l'innovation SAP - autour du Cloud, de l'industrie 4.0, etc. -, à une meilleure couverture des entreprises où nous ne sommes pas présents et, chez les comptes SAP, des périmètres qui nous échappent à ce stade. Cette approche nécessitera de faire appel à de nouvelles compétences, la filiale française étant suffisamment grande pour disposer d'une équipe dédiée sur ce sujet. A partir du 1er octobre, nous allons nous différencier sur ce terrain, qui me paraît essentiel sur un marché où les entreprises se posent beaucoup de questions. Or, selon IDC, SAP France ne couvrirait qu'environ 5 % de son marché adressable. Même en admettant qu'IDC se trompe d'un facteur deux, le potentiel est donc considérable.
Récemment, une étude du club utilisateurs britannique montrait que les entreprises peinent encore à évaluer les bénéfices de Simple Finance. De même, la base installée comprend assez mal le chemin de migration vers la nouvelle génération d'ERP, S/4 Hana.
M.G. : Sur cette offre, nous avons un gros effort d'information à mener, même s'il faut souligner que, pour l'instant, tant sur Simple Finance que sur S/4 Hana, l'accent a, avant tout, été mis sur les entreprises qui ne font pas partie de notre base installée. Pour l'instant, nous n'avons pas cherché à faire du volume sur cette offre. Aujourd'hui, les intégrateurs suivent et nous annoncerons Simple Logistics en novembre (module logistique de la génération S/4 Hana, NDLR).
Des entreprises françaises sont-elles passées en production sur Simple Finance ?
M.G. : Pas à ce stade.
Dans quelques jours, vous serez sur la convention USF, la manifestation annuelle du club des utilisateurs SAP francophones, où il devrait être une fois de plus question des audits menés par SAP et, plus généralement, de sa politique de licences.
M.G. : Ce sujet reste passionnel. Et pas seulement entre SAP et ses clients mais plus largement entre les éditeurs de logiciels et les entreprises utilisatrices. Sur le fond, un éditeur comme SAP vend sa propriété intellectuelle. Si on baisse les bras là-dessus, on met notre modèle économique en péril.
Les entreprises critiquent surtout le fait que les éditeurs utilisent l'audit pour faire de la croissance quand ils n'y parviennent plus de façon 'naturelle'.
M.G. : Et il faut bien dire que cette critique n'est pas totalement injustifiée. Mais la pression qu'exercent les éditeurs est plus ou moins forte en fonction de leur capacité à innover et à gagner des parts de marché. En 2014, SAP France a réalisé 22 % de croissance sur son portefeuille on premise (logiciels installés sur site, NDLR). Et je peux vous affirmer que cette progression n'a pas été réalisée via la compliance (en jargon éditeur, respect des règles de licences, NDLR). La part de notre chiffre d'affaires qui en est issue n'est pas significative par rapport à celle d'autres éditeurs.
J'ajoute que SAP fournit à ses clients des outils performants de gestion des licences, solution qui délivre des informations fiables évitant ainsi les litiges. Bien sûr, l'extension de notre portefeuille, qui s'accompagne de licences basées sur des logiques différentes (le chiffre d'affaires, le nombre de sites logistiques.), peut déboucher sur des points de vue davantage soumis à interprétation.
Les utilisateurs font aussi état de difficultés sur les accès indirects.
M.G. : D'abord, pour SAP, l'accès indirect n'existe pas. Aucun contrat n'y fait référence, même si certains clients font semblant de le découvrir. Pour nous, il y a simplement un usage quel que soit le moyen d'accès. Attention, cela ne signifie pas forcément que tout utilisateur nommé doit posséder une licence professionnelle à 3200 euros ! D'autres licences, plus légères, existent pour des usages plus limités.
Les difficultés sur ce que les clients appellent les accès indirects sont souvent liées aux projets de CRM, sur lesquels certains éditeurs démarchent directement le service commercial en omettant d'inclure le coût du raccordement à l'ERP dans l'équation économique du projet. Or, ce système d'information n'a de valeur pour l'entreprise que s'il récupère les données de l'ERP. On ne peut quand même pas nous reprocher les conséquences de tactiques employées par nos concurrents !
SAP mise largement son avenir sur sa base de données In-Memory Hana, alors que vos utilisateurs emploient aujourd'hui en grande majorité la base de données Oracle. Comment convaincre les entreprises de migrer, alors qu'il s'agit au moins dans un premier temps d'un projet avant tout technique ?
M.G. : C'est vrai que passer à la Business Suite sur Hana (la migration de l'ERP sur la base In-Memory, NDLR) n'est que la première étape de la transformation que nous proposons. Prise de façon isolée, et en se limitant aux seuls coûts IT, la migration ne se justifie pas forcément sur un plan purement économique. Mais il faut considérer l'impact sur l'activité qu'aura cette transition. Par ailleurs, les clients ont compris que notre stratégie d'innovation reposait sur Hana et qu'il fallait donc nous accompagner dans cette direction pour bénéficier de nos derniers développements. D'ailleurs, cela vaut aussi pour les entreprises qui ne font pas encore partie de notre base installée : elles ont aujourd'hui davantage confiance dans notre stratégie à long terme que dans celle de nos concurrents, dont Oracle. Ce qui explique pourquoi nous affichons un taux de succès très élevé par rapport à la concurrence sur ces affaires. Enfin, la migration vers Hana est aussi poussée par un facteur psychologique : depuis mars dernier, Oracle a remonté le coût de sa base de données pour les utilisateurs SAP. A chaque fois qu'un client dépense 100 euros en licences SAP, il est facturé 19 euros par Oracle, contre 15 auparavant. Et bien évidemment la maintenance suit. Ce taux avait déjà été relevé il y a trois ans, passant alors de 11 à 15.
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