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USA : la Justice protège les 'bloggeurs' anonymes

La Cour Suprême du Delaware défend les hébergeurs de 'blogs': ils ne sont pas contraints de révéler l'identité des auteurs anonymes de contributions sur leurs 'blogs', même s'il y a diffamation.

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USA : la Justice protège les 'bloggeurs' anonymes

L'espace de liberté ouvert par Internet réveille les passions chez les censeurs, les moralisateurs ou marchands de tous bords. Certains aimeraient avoir accès aux sources d'information pour poursuivre les auteurs, qu'il s'agisse d'individus qui téléchargent des programmes illégalement ou, comme ici, de fournisseurs de contenus de sites personnels ou associatifs appelés '

blogs' (web logs) qui acceptent des propos diffamateurs, non signés ou signés de pseudonymes. Deux principes ont guidé les 'blogs' jusqu'ici: la libre expression de leurs auteurs, dans la limite du respect des individus et des libertés inscrites dans la loi ? ce qui prend des tournures bien différentes selon le pays où réside l'internaute (il suffit de constater ce qu'un chinois peut écrire ou consulter?) Le second principe est celui de la libre réponse, ou libre participation, sur les 'blogs' qui sont ouverts aux commentaires et à la critique des lecteurs. Là aussi, les mêmes règles s'imposent, avec un principe éthique qui domine, la non-diffamation ou non-atteinte à la réputation des personnes, physiques ou morales, érigée en principe dans tous les pays du globe. La justice du Deleware vient de faire preuve d'une vision plutôt ouverte de la diffamation. Elle a eu à instruire une plainte déposée par un élu de la ville de Clayton, mis en cause par les écrits signés d'un certain 'Proud Citizen': ce dernier a mis en doute les capacités de conseiller municipal de l'élu, en s'épanchant sur le 'blog' d'un site Web. La plainte déposée contre le 'bloggeur' couvert par un pseudonyme le surnomme 'John Doe N°1', reprenant le terme générique qui permet de nommer un parfait inconnu. Le cas méritait attention, car au delà des accusations de 'caractère malade' d »absence de leadership' et de 'détérioration mentale' qui qualifiait l'élu, le discours a dérapé sur les 'relations homosexuelles extra maritales'. Un vrai corbeau ! L'affaire a pris une autre tournure lorsque, sans en avertir ses utilisateurs, l'opérateur Comcast a révélé au plaignant l'identité du 'bloggeur' et de trois autres internautes qui sont venus confirmer les affirmations de 'John Doe N°1' par leurs propres contributions. Comment résister à une telle menace ? Pas de difficultés aux Etats-Unis, qui disposent d'un argument libertaire unique, le fameux premier amendement protégeant le « free speech » (liberté de parole) de tout citoyen américain. C'est bien sûr à cet amendement quasi sacré que les 'bloggeurs' poursuivis se sont référés. Ces derniers ont fait appel et l'affaire a été portée devant la Cour Suprême du Delaware: celle-ci s'est réfugiée derrière le Premier Amendement pour annuler la décision des Cours inférieures qui avaient intimé l'ordre au fournisseur d'accès de révéler l'identité des internautes. La décision des cinq juges suprêmes est toute en ambiguïté? Elle minimise la diffamation, qui cependant est avérée, et se concentre sur la capacité d'un individu à s'exprimer anonymement sous le couvert du premier amendement. En réalité, la décision de la Cour Suprême américaine rappelle qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les b?ufs, et qu'avant d'obtenir les coordonnées de contributeurs anonymes, mais vers qui les technologies d'accès Internet permettent de remonter, il faut d'abord obtenir une décision de justice qui reconnaisse la faute - en l'occurence un cas de diffamation. Mais la Cour Suprême du Delaware est allée plus loin encore. Ainsi son président a-t-il rappelé que les 'blogs' et 'chats' sont des espaces de libre expression, mais que de par leur nature ils ne peuvent pas être considérés comme une source de faits et de données qu'une personne raisonnable puisse considérer avec sérieux. Les contributions sur les 'blogs' ne peuvent donc être interprétées comme factuelles. Partant de cette analyse, les affirmations de 'Proud Citizen' ne sont donc pas diffamatoires. De quoi rendre un peu plus flou le principe de diffamation ! Il sera donc désormais difficile à l'élu de Clayton de continuer à poursuivre 'John Doe N°1'. En revanche, toute la communauté est désormais au courant de ses dérives extra conjugales, et plus, mais ce n'est plus de la diffamation. La Justice américaine réserve d'étonnantes surprises?

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