Budgets, délais, legacy... Air France-KLM, Amadeus et Coopérative U face à la réalité du move-to-cloud
À trois ans d'intervalle, Air France-KLM, Amadeus et Coopérative U ont nuancé leurs approches respectives de migration vers le cloud.
Le cloud, pas moins cher que l'on-premise ?
Amadeus est de ceux qui l'estiment. Tout du moins pour son cas. De la migration résultera cependant "un modèle différent, plus adapté aux besoins actuels".
L'entreprise en témoigne dans un "point d'étape" que vient de produire le Cigref. Point d'étape au sens où il s'inscrit dans la lignée d'un rapport publié voilà trois ans et intitulé "Stratégies de migration du SI dans le cloud". De l'un à l'autre, un constat : le décalage entre les promesses initiales et la réalité des expériences.
Une démarche "plus chronophage que prévu" pour Amadeus
Ce premier rapport comprenait déjà un retour d'expérience d'Amadeus. L'entreprise expliquait avoir décidé, à l'été 2020, de migrer toute son informatique dans le cloud public. Elle stockait et traitait alors les données de ses clients dans son centre de calcul en Allemagne. Une situation qui devenait difficilement tenable face aux exigences de ces clients en matière de localisation des traitements de données comme de temps de réponse. Amadeus devait en outre gérer des SLA de 99,95 % et s'approchait parfois contractuellement des 99,99 %. Il avait conclu avoir besoin d'une couverture mondiale que "seuls les hyperscalers" pouvaient proposer. Décision fut prise de confier au moins 50 % des volumes à un CSP unique. Après émission d'un appel d'offres pour un projet IaaS sur 7 ans avec 3 ans de migration, Microsoft avait obtenu le contrat.
Désormais, la migration tend plutôt vers une échéance de 5 ans. La construction de la plate-forme s'est révélée plus chronophage que prévu : elle a absorbé 70 % du temps et des ressources. Outre une sous-estimation des besoins, Amadeus évoque des coûts de sécurité plus élevés et des problèmes liés au manque d'automatisation. Il lui a aussi fallu renforcer ses équipes réseau et gérer la fin de contrats avec des fournisseurs historiques comme VMware. L'entreprise estime qu'environ 80 % des applications migrées nécessitent une replatformisation. Elle a toujours en ligne de mire une future stratégie multicloud.
U Tech (Coopérative U) ne migrera finalement pas son AS/400
En 2021, U IRIS (garant de l'informatique du groupement U) avait également apporté son retour d'expérience. Il avait alors récemment adopté une stratégie move-to-cloud. L'idée était d'utiliser au maximum les services managés (SaaS, PaaS) et de les proposer aux clients internes à travers un catalogue, à la manière d'un broker. La DSI était censée effectuer un découpage fonctionnel du système d'information, avec une ouverture par API et microservices.
U IRIS évoquait alors le défis du FinOps (perçu comme un coût supplémentaire) et de la réorganisation des équipes (pour éviter un SI à deux vitesses). Son choix s'était porté sur Google. Notamment "pour sa très bonne image dans l'entreprise après le déploiement de [G Suite]". Ainsi que pour son usage de "standards plus open source [sic]", dont PostgreSQL, permettant, dans le contexte du lancement d'un projet data important, d'envisager des repositionnements ultérieurs.
Ce projet data visait à créer un point central d'accès pour les travaux analytiques. Il s'agissait de remplacer une plate-forme jugée lourde : écosystème trop riche, délais de reprise d'activité trop importants, redondance de solutions SQL, croisements de données coûteux avec le SI décisionnel...
Fin 2020 avait été lancé le programme Data.Next, pour migrer ces deux plates-formes sur le cloud, à l'appui d'une équipe dédiée.
Début 2023, le Cigref avait actualisé son rapport "Stratégies de migration du SI dans le cloud". Et le retex U IRIS avec. On y apprenait que GCP, sélectionné après comparaison avec Snowflake, allait remplacer une infra Cloudera. Il était question d'avoir achevé la migration du big data fin 2022. Celle du SI coeur de métier devait quant à elle être progressive, selon une trajectoire à horizon fin 2028.
U IRIS étudiait alors trois scénarios pour la transformation de son code AS/400 : conversion, lift & shift ou les deux. Sur la conversion, il attendait le bilan des tests de GCP avec Converge, les outils Base 100 et G4 ne bénéficiant pas de suffisamment de retours d'expérience. La fermeture des deux datacenters était à l'agenda à moyen terme. Considéré comme faible sur cet aspect, le ROI était en cours d'estimation pour le run.
Système U s'appelle désormais Coopérative U, et sa DSI a pris le nom de U Tech. Le groupement dispose toujours de deux datacenters - dans la région de Nantes - et son parc compte quelque 600 applications.
Souhaitant s'étendre dans le commerce et le retail, Google a proposé en 2023 un "partenariat avantageux" à U Tech. Ce qui a accéléré la migration des apps centralsées (environ 300). Il a en revanche été, finalement, jugé peu rentable de migrer les systèmes AS/400 et IBM i : ils seront hébergés dans des datacenters en région parisienne.
Budget revu à la hausse pour Air France-KLM
Air France-KLM avait lancé sa stratégie cloud public en 2019. L'année suivante, il l'avait ancrée, aux côtés de ses projets private cloud, dans un programme NGDC (Next Generation Datacenter). Lequel avait débuté en 2020, mobilisant trois intégrateurs avec lesquels le groupe travaillait en "mode miroir". L'objectif était de migrer 300 applications par an, avec des abaques pour typologies.
En 2021, la majorité des apps furent ouvertes, chaque release permettant de migrer un certain nombre d'apps éligibles. Air France-KLM cherchait alors à se donner une "ambition claire" sur les 4 ans à venir. Il s'était donné quelques règles d'or, parmi lesquelles :
- Priorité au cloud public
- D'abord SaaS, sinon PaaS, sinon CaaS, sinon IaaS
- Cloud-ready unless (le lift & shift est un dernier ressort)
- Cloud provider agnostic
- Engineering très limité (pour ne pas avoir à redéfinir et redévelopper)
En dépit des gains importants, le budget est finalement plus important qu'anticipé. De fait, "plusieurs transformations ont été bloquées, rendant nécessaire une remédiation". La première version du MVP avait démarré sur le cloud public en 2022.
Aux dernières nouvelles, les deux compagnies aériennes opèrent trois datacenters, à Amsterdam, Valbonne (un bâtiment dédié, un autre en colocation) et Toulouse. Elles entendent les avoir fermés d'ici à décembre 2027. Des échéances plus proches ont été déifinies, notamment avec la vente du datacenter d'Amsterdam. Le move-to-cloud concerne 1000 applications, dont environ un quart fonctionnent sur Azure (objectif de 370 pour fin 2024). Le cloud de Microsoft est privilégié pour les applications transactionnelles. GCP l'est pour la partie analytique et reporting, dont la migration a démarré en septembre 2024.
Air France-KLM utilise un référentiel fondé sur des "archétypes". Regroupant des services cloud clés, ils permettent de migrer des apps en fonction de leurs caractéristiques spécifiques et de leurs besoins techniques. Une approche qui favorise l'utilisation de services managés. Pour les workloads qui ne peuvent être déplacés vers le cloud public, un cloud privé est maintenu via Equinix. Un plan d'optimisation des coûts mis en place mi-2023 a permis de réduire de 15 % le montant des factures Azure. Principaux leviers : stratégies de réservation, savings plans et ajustements automatiques de type arrêt des ressources non essentielles pendant les périodes creuses. Un basculement s'est effectué vers l'IaC (GitHub + Terraform).
Illustration générée par IA
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