Cloud : entre Google et Microsoft, le torchon brûle... ouvertement
Microsoft ne digère pas le lancement de l'Open Cloud Coalition, en laquelle il perçoit un véhicule de discrédit de ses activités au profit de Google.
Google aura-t-il plus de succès avec l'autorité de la concurrence britannique (CMA) qu'avec les fournisseurs de services cloud du CISPE ? Il semble en tout cas s'être donné les armes avec l'Open Cloud Coalition.
Cet organisme vient de lancer officiellement ses activités. Lesquelles vont consister, dans les grandes lignes, à "prôner, au Royaume-Uni et dans l'Union européenne, une industrie des services cloud juste, concurentielle et ouverte".
L'initiative n'est pas passée inaperçue chez Microsoft, qui la critique vertement, estimant qu'elle vise à le discréditer auprès des autorités de la concurrence et des législateurs. Avec, à la baguette, Google, qui tente de minimiser son implication en recrutant quantité de fournisseurs et de clients européens.
En toile de fond, l'échec essuyé cet été auprès du CISPE. Alors que celui-ci approchait d'un accord à l'amiable avec Microsoft, Google avait effectivement tenté la dissuasion, mettant près de 500 M€ sur la table, essentiellement en licences logicielles. Une offre qu'il aurait faite quelques jours avant l'annonce dudit accord. Il s'agissait de convaincre le CISPE de maintenir sa plainte déposée fin 2022 auprès de la Commission européenne. Il l'avait finalement retirée, en échange d'un dédommagement - que les estimations chiffrent entre 10 et 20 M€ - et de l'engagement à développer une version d'Azure Stack HCI spécifiques aux CSP européens.
L'Open Cloud Coalition, à point nommé au Royaume-Uni ?
L'agence de conseil en relations publiques et en communication DGA Group est intervenue dans la mise sur pied de l'Open Cloud Coalition. Au comité exécutif, Google est représenté par son directeur des affaires publiques Benoît Tabaka. Neuf autres membres ont pour l'heure été annoncés. Parmi eux, un hébergeur cloud espagnol... et huit entreprises du numérique basées au Royaume-Uni.
La coloration très britannique de l'organisation se reflète jusqu'à sa directrice Nicky Stewart. L'intéressée eut un rôle important dans l'initiative G-Cloud, que Londres mit en place au début des années 2010 pour favoriser l'usage du cloud dans le secteur public. Par la suite, elle fut entre autres membre, à la Commission européenne, d'un groupe d'experts sur les contrats cloud.
Le choix de Nicky Stewart interpelle d'autant plus Microsoft qu'elle s'est impliquée dans l'enquête que la CMA (autorité de la concurrence britannique) mène depuis un an sur le marché des services cloud. L'une de ses contributions, appelant à examiner des points tels que les crédits, les formations gratuites et le débauchage à la concurrence, pointe des pratiques d'AWS et de Microsoft, mais ne fait jamais référence à Google.
"Campagnes de l'ombre" et fausses informations
Microsoft reproche plus globalement à Google de mener des "campagnes de l'ombre" à son encontre. Qu'il s'agisse de financer des "études", de suggérer des questions à des législateurs avant des auditions ou de diffuser de fausses informations. Sur ce dernier point, Microsoft donne l'exemple du tractage, à Washington, d'une notice sur ses pratiques au sein du marché chinois.
Du point de vue de Microsoft, Google aurait, de surcroît, tendance à lever la voix comme rarement auparavant. Il en veut pour preuve la rélévation publique, en septembre, de la plainte déposée auprès de la Commission européenne sur la question des pratiques de licences. Une manière, considère-t-il, de détourner l'attention à l'heure où Google fait face à nombre d'enquêtes de concurrence.
Parmi ces enquêtes, il y a celle que conduit la CMA - même si elle n'est pas spécifique à Google. Interrogé, le groupe a notamment expliqué que s'il fallait prendre des mesures au sujet des remises contre engagement, il conviendrait de les limiter à AWS et Microsoft, chez qui elle ont beaucoup plus d'effet vu leurs parts de marché respectives.
Dans le même esprit, Google prétend être généralement choisi en tant que fournisseur secondaire, en lift & shift comme en cloud-native. Son témoignage s'est axé sur les barrières que Microsoft aurait posées à l'utilisation de ses logiciels sur des clouds concurrents. Il regrette par exemple que sur les machines fonctionnant chez lui ou chez AWS, les clients ne puissent pas gérer les politiques de sécurité à partir d'Entra ID dans Azure. Il souligne, plus globalement, l'horizontalité de l'IAM... et le poids des décisions associées : une fois passé d'AD à Entra ID, il n'y a "pas de retour", tant la stack est propriétaire et l'ouverture des API, "limitée". Il est complexe et cher de moderniser les systèmes Microsoft, glisse-t-il en complément : une fois qu'on les déplace sur Azure, on se retrouve verrouillé.
Illustration © sdecoret - Adobe Stock
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