Yalta des mobiles: l'UFC confirme détenir 12.500 plaintes
Un nouvel épisode de taille dans l'affaire du 'Yalta des mobiles' s'ouvre aujourd'hui. L'association de consommateurs, l'UFC Que Choisir, a comme prévu décidé de saisir la justice et va déposer pas moins de 12.500 plaintes de clients abonnés.
L'addition sera salée pour pour les opérateurs: les consommateurs demandent 750.000 euros de dommages et intérêts, soit 60 euros par abonné lésé.
L'UFC aurait préféré mettre en place une 'class-action' qui lui aurait permis d'agir au nom de tous les plaignants. Mais cette procédure n'existe pas -pas encore- dans le droit français. Alors il a fallu recueillir une par une les demandes d'indemnisationn qui seront examinées une par une par le tribunal.
L'affaire remonte à décembre 2005. Le Conseil de la concurrence condamne les opérateurs mobiles reconnus coupables de s'être entendus sur le marché et les prix entre 1997 et 2002.
Bouygues Telecom, Orange et SFR sont condamnés à 534 millions d'euros d'amende. Du jamais vu. Jamais le Conseil n'avait infligé pareille sanction. Dans le détail, Orange, filiale de France Télécom, écope de la sanction la plus lourde avec 256 millions d'euros, suivis de SFR qui devra payer 220 millions d'euros, et de Bouygues Telecom condamné à verser 58 millions d'euros.
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Le Conseil de la concurrence a jugé que les trois opérateurs mobiles ont pratiqué des échanges réguliers d'informations sur les parts de marché et ont établi un accord secret portant sur une stabilisation, au cours des années 2000 à 2002, de leurs parts de marché autour d'objectifs définis en commun. Il y a donc bien eu un 'Yalta des opérateurs' pour contrôler le marché et fausser le jeu concurrentiel (lire notre encadré).
Au-delà des amendes, cette affaire va profondément écorner l'image des opérateurs comme le souligne le cabinet d'analyses Ovum qui évoque une perte importante de crédibilité.
Mais cette amende est allé directement dans les caisses de l'Etat, d'où l'initiative de l'association de consommateurs. Il s'agit ici de de dédommager les victimes. Au total, 22.600 dossiers avaient été constitués, mais la moitié d'entre-eux a été jugée irrecevable. Le jugement de ces 12.500 demandes ne devrait être rendu qu'en 2007.
Rappel des faits
Le 24 août dernier, Le Canard Enchaîné publie un rapport confidentiel de la Direction de la Concurrence qui donne les preuves d'une entente entre Bouygues Telecom, Orange et SFR. Ce rapport, qui date de mai 2004 révèle « un accord occulte sur une longue période qui vise à geler les parts de marché vis-à-vis des nouveaux clients afin d'aboutir à une très forte inertie des parts de marché ». Conclusion de la DGCCRF: un tel accord a permis à Bouygues Telecom, Orange et SFR de surperformer financièrement pendant la période.
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Rappelons qu'Orange et SFR se partagent plus de 80% du marché depuis de longues années. La Direction de la Concurrence donne des preuves. Des pièces et documents ont été saisis lors de perquisitions chez les opérateurs en 2003. Des documents encore une fois accablants. Une note de 2001 de SFR indique ainsi: « Michel Bon [président de France Télécom à l'époque] est OK pour reconduire l'accord parts de marché de 2000 ». On peut également lire dans une note de France Télécom: « Il faut que Bouygues remonte à 20% de parts de marché « .
Visiblement, l'entente était très bien organisée. Le Conseil évoque aussi deux notes manuscrites de M. Quillot, directeur général d'Orange dont l'une en date du comité exécutif du 28 octobre, dans lesquelles il évoque un « Yalta PDM (parts de marché) ». En effet, les trois opérateurs avaient convenu d'un rendez-vous secret mensuel afin de « d'adapter rapidement leur stratégie commerciale à l'évolution du marché ». Selon le rapport, ce petit manège aurait débuté en 1997 (!), lorsque le marché a commencé à décoller. Ces réunions ont été stoppées en 2003, les opérateurs sentant le vent tourner après les perquisitions de la DGCCRF. Côté réactions, les opérateurs nient en bloc (voir notre article). Le Conseil de la concurrence a adressé le 1er mai à la direction de France Télécom, de SFR et de Bouygues une « notification de griefs » dans laquelle les trois opérateurs sont accusés de s'être entendus pendant des années pour fausser la concurrence. Les magistrats avaient reçu en février 2002 une plainte pour entente illicite de l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir.
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