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La Hadopi opérationnelle mais pas opérante

Décret de procédure d'application en attente, date indéterminée d'envoi des e-mails d'avertissement, absence de critères pour le renvoi des affaires devant la justice. La Haute Autorité pour la protection des oeuvres fait ses débuts dans un relatif flou artistique. 

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La Hadopi opérationnelle mais pas opérante

« Hadopi devient opérationnelle, le travail préparatoire se termine [.], on en arrive à la finalisation des aspects techniques », commence Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) lors d'une conférence de presse donnée ce 28 juin. Oui mais voilà, si Hadopi « devient » opérationnelle, elle n'est pas prête d'opérer.

Certes, le décret de négligence caractérisée est publié au Journal Officiel depuis le 26 juin, comme nous l'avons expliqué ici. Ce décret permet à la Commission de protection des droits (CPD) d'examiner les cas d'internautes accusés de négligence caractérisée lors de téléchargement illégal en P2P depuis leur adresse IP et, éventuellemement, de transmettre leurs dossiers à la justice. Mais pour le reste. patience ! La Hadopi attend que le décret relatif à la procédure applicable devant la CPD soit publié. Il détermine les règles applicables à l'instruction des dossiers.

Pas de date pour l'envoi des premiers e-mails aux

personnes « négligentes »

A ce jour, pas de date pour l'envoi des e-mails aux internautes dont les adresses IP auront été flashées par Trident Media Guard, prestataire des sociétés d'ayants droit chargé d'installer les radars sur les réseaux P2P. « La CPD n'a pas encore décidé de la date à laquelle elle enverra les premiers courriels». Motif ? « La Commission veut avoir des certitudes [.] et se montrer d'une extrême rigueur. » Rappelons que les sociétés d'ayants droit sont autorisées depuis le 11 juin par la CNIL à collecter les adresses IP. Bernard Miyet (président du directoire de la Sacem) qui trouvait déjà le temps long la semaine dernière ne va pas être rassuré.

Du côté des critères établis par la Commission pour transmettre les dossiers des internautes soupçonnés de téléchargement illégal à la justice, là encore, peu d'éléments communiqués, pour ne pas dire aucun. La CPD a « quelques idées » au sujet de ces critères, indique Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la CPD.

« La Commission décidera seule de transmettre les dossiers [des téléchargeurs] au parquet une fois qu'elle est sûre que l'abonné est l'auteur de la contravention. » Sur quels critères d'évaluation? Pas de réponse. « La CPD n'est pas au service des ayants droit », poursuit-elle arguant que la CPD n'est pas un « radar automatique ». « Quelques idées » définies par quelques personnes (les membres de la CDP sont au nombre de trois, sans compter « les 23 agents en cours d'installation et de recrutement d'ici à la fin de l'année »), nous voilà renseignés.

50 000 adresses IP par jour

À écouter la Hadopi, c'est presque à se demander si la case juge fait partie de son dispositif ? En effet, si Mireille Imbert-Quaretta précise qu'elle ne peut pas savoir si les internautes concernés par les missives de l'Autorité réagiront de la même manière, elle cite une étude américaine selon laquelle «80 % des cas de négligence caractérisée disparaîtraient après le premier mail, et 90 % après la deuxième lettre recommandée. » À en croire cette étude, seuls les vrais pirates iraient devant le juge.

De toute façon, la Hadopi n'a « pas pour but d'envoyer les internautes en masse devant les juridictions pénales », rappellent les membres de la Haute autorité. Sa mission touche à la «pédagogie et à la sensibilisation» des internautes face au téléchargement illégal.

Pas non plus de données chiffrées quant au nombre de dossiers que traitera la Commission alors que les sociétés d'ayants droit prévoient d'envoyer 50 000 adresses IP collectées par jour. « On ne peut pas savoir, il faut attendre de voir les saisines », martèle Mireille Imbert-Quaretta.

Hadopi, le garage, l'arme nucléaire et l'accident

Reste encore la publication d'un décret sur « la labellisation des sites de téléchargement légaux et sur la sécurisation de l'accès Internet », mais il n'est pas «indispensable à la mise en route de la CPD». L'internaute peut sécuriser son abonnement avec un logiciel qui n'est pas estampillé Hadopi, la Commission «[appréciera] la pertinence des moyens de sécurisation [utilisés] et des motifs invoqués par l'abonné ». Et les internautes apprécieront la pertinence des logiciels proposés par les FAI, à l'image de celui d'Orange, piraté deux jours après sa mise en service.

Comme l'a fait remarquer un journaliste au cours de la conférence, un petit parfum de « flou artistique » flottait cet après-midi là rue du Texel, au sous-sol de la Haute autorité. Là encore, nous n'y sommes pas, rassure Mireille Imbert-Quaretta, qui indique qu'elle n'a «pas le souvenir d'avoir vu quelque chose d'aussi subtile dans sa carrière ». Et, confidence pour confidence, ajoute-t-elle, « en février, lorsque nous avons commencé à travailler, je trouvais moi aussi que c'était compliqué, mais maintenant je suis beaucoup plus confiante ». Pédagogie quand tu nous tiens.

De cette conférence, on retiendra également la bonne humeur des membres de la Hadopi, qui s'affichent résolument confiants, à défaut de nous convaincre, mais aussi quelques comparaisons pédagogiques quelque peu décalées en guise d'explications.

Par exemple, celle de la ligne Internet piratée (par un voisin peu scrupuleux par exemple) que la présidente du CPD compare à « un garage dans lequel on trouverait des montres et des sacs volés. et sur lequel il faut mettre une serrure ». Comprenez installer un logiciel de sécurisation de sa connexion Internet. Ou celle, plus explosive, assimilant les possibilités de la Commission et celle de l'arme nucléaire . « L'arme nucléaire ne doit jamais servir, il y a un bouton mais on ne s'en sert pas. Ici, les sanctions pénales doivent servir un peu [.] pour la sensibilisation. » On garde celle de « l'accident » bien au frais, pour la prochaine fois, au cas où la Hadopi n'est toujours pas prête.

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