Les Allemands aidaient la NSA à espionner la France
En Allemagne, le scandale de la collaboration active des services secrets du BND avec la NSA américaine s'étend, mettant chaque jour Angela Merkel, la chancelière, un peu plus en difficulté. Celle qui s'était offusquée de l'espionnage de son téléphone portable - se déplaçant même à Washington pour demander à Barack Obama « d'arrêter l'espionnage entre amis » - est désormais accusée par la presse de son pays d'avoir couvert les pratiques du BND, les services de renseignement extérieurs de l'Allemagne.
Or, comme l'a révélé Der Spiegel, le BND aurait aidé la NSA à espionner des entreprises européennes (comme EADS ou Eurocopter) et des responsables politiques. Selon la presse allemande, les services américains transmettaient des identifiants (IP, e-mails ou numéros de téléphone) et le BND communiquait à ses homologues outre-Atlantique les informations dont il disposait sur les individus ou organisations concernés.
Plus de 8 millions de requêtes
Aujourd'hui, le journal Süddeutsche Zeitung se fait même plus précis affirmant que le BND a espionné des fonctionnaires de haut rang au ministère français des Affaires étrangères, à l'Elysée et à la Commission européenne. Ainsi que des entreprises européennes ciblées. Le quotidien précise que les données étaient collectées par les systèmes d'écoute du BND, situés dans la ville bavaroise de Bad Aibling. Entre 2002 et 2013, des recherches sur 690 000 numéros de téléphone et 7,8 millions d'adresses IP auraient été effectuées par le BND pour le compte de la NSA. Un accord spécifique, signé en 2002, protégeait les personnes et entités allemandes et américaines de ces requêtes.
Bref, bien avant les révélations d'Edward Snowden, la chancelière n'ignorait rien des pratiques de la NSA, et particulièrement de sa propension à cibler les intérêts économiques et les décideurs politiques de ses alliés, selon la presse allemande. Selon Bild, Angela Merkel connaissait cette collaboration entre le BND et la NSA depuis 2008 - y compris l'espionnage de sociétés européennes comme Airbus -, mais a préféré étouffer l'affaire de peur de remettre en cause la collaboration avec les Etats-Unis sur la lutte contre le terrorisme. Le scandale touche également Thomas de Maizière, le ministre de l'Intérieur, un des plus proches alliés de la chancelière, lui aussi accusé d'avoir masqué la vérité sur cette affaire, alors qu'il aurait été informé en février 2008 que le BND aidait la NSA à se procurer des informations sur les sociétés européennes des secteurs de l'aviation, de l'espace et de la défense. Le photomontage publié par Bild est à ce titre édifiant.
Les services secrets allemands ne font pas partie de l'alliance dite Five Eyes, liant les services des Etats-Unis, de l'Australie, du Canada, du la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni, alliance qui découle du traité secret Ukusa, signé au lendemain de la seconde guerre mondiale. Voir le BND allemand contribuer aussi activement à l'espionnage par les Etats-Unis de ses alliés européens constitue donc une surprise, même si l'implication de ce service semble, à ce stade, ne pas atteindre celle du GCHQ britannique (accusé, rappelons-le, d'être impliqué dans le piratage actif d'intérêts européens, voir les affaires Belgacom ou Gemalto). Il n'en reste pas moins que le BND était connu pour être un allié proche de la NSA figurant, comme les services secrets français d'ailleurs, dans le second cercle des organisations avec lesquelles la NSA échange des données.
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