Angus.ai amène l'intelligence des robots dans l'IoT
Et si les objets connectés héritaient de l'intelligence développée pour la robotique. C'est un peu l'idée centrale qui a présidé à la naissance de la start-up Angus.ai, créée en 2015 par deux anciens d'Aldebaran Robotics, Aurélien Moreau (son ex-responsable du Web et du Cloud) et Gwennael Gate (son ex-directeur de l'ingénierie logicielle et de l'AI). L'objectif de cette jeune société consiste « à fournir des services d'intelligence artificielle en mode Saas », résume le premier des deux co-fondateurs.
Angus.ai ambitionne avant tout de travailler sur les images et les sons, pour y détecter des expressions, des émotions, des localisations, des caractéristiques de genre ou d'âge. « La société est issue de notre expérience dans la robotique de services humanoïde », raconte Aurélien Moreau. Sans toutefois se cantonner à ce seul marché. Une des premières commandes d'Angus.ai émane ainsi de la grande distribution, via un partenariat avec une autre start-up spécialisée dans l'analytique en magasin. L'objectif ? Analyser les images des caméras des magasins pour optimiser la disposition des rayons. Dans un premier temps, Angus.ai fournira des rapports de suivi. « Mais, très vite, on peut imaginer des écrans permettant de faire du retargeting en temps réel. »
AWS : « 50 euros par ci, par là »
Pour l'heure, Angus.ai se base sur un modèle 100 % Saas, clef en main, basé sur le Cloud d'Amazon Web Services (AWS). « Par exemple, on envoie via notre API des images sur la plate-forme et cette dernière retourne un ensemble de données, par exemple exploitées par un Raspberry Pi dans une application IoT », illustre le co-fondateur. Déjà rodé à AWS via son passage chez Aldebaran - la société robotique y a déployé ses infrastructures Cloud -, Aurélien Moreau savait que le Iaas du cyberlibraire était en mesure d'accompagner la montée en charge des services de sa start-up.
« AWS sait accompagner une société de zéro à des dizaines de milliers de robots : je l'ai vécu chez Aldebaran », dit-il. Le tout avec un coût d'entrée très attractif pour une start-up. « Les coûts du Cloud sont pour l'instant marginaux pour Angus.ai, nos besoins en calcul ayant été dimensionnés pour entrer dans les offres gratuites d'Amazon, détaille le co-fondateur de la start-up. Par ailleurs, via notre incubateur Agoranov, nous bénéficions de crédits utilisables sur AWS. » Bref, pour Angus.ai, le recours au Cloud s'est avéré quasiment gratuit pendant un an, Aurélien Moreau expliquant avoir payé « 50 euros par ci, par là ».
Le Deep Learning ne suffit plus
Mais le choix d'AWS n'empêche pas Angus.ai de garder son indépendance vis-à-vis de cette plate-forme. Ne serait-ce que parce qu'à l'avenir, la start-up envisage de migrer vers des architectures hybrides. « Quand les robots perdent leur connexion, ils disposent encore de capacités de calcul locales pour des réflexes ou des réactions de type insectoïde », dit Aurélien Moreau, qui imagine des comportements similaires dans l'IoT. Raison pour laquelle Angus.ai a choisi d'exploiter AWS comme un simple Iaas (via des services comme EC2 ou S3), sans glisser vers les services logiciels clefs en main que propose le leader du Cloud. « Comme on veut déployer nos technologies chez nos clients, nous ne souhaitons pas devenir dépendants de ces services », argumente Aurélien Moreau. La start-up mise sur Python, C++ et des bibliothèques spécialisées, avec une architecture basée sur les conteneurs Docker. Pour l'instant, sur un traitement d'images simple, sous les 10 frame/seconde, le calcul et la transmission de données requièrent moins de 100 m. « Le calcul est en moyenne deux fois plus rapide que les informations qu'on capture », résume ce docteur en informatique.
Comme d'autres jeunes pousses, la start-up mise sur l'intégration de différents algorithmes d'IA, dont des algorithmes dits de Deep Learning. « Il y avait une carte à prendre : le Deep Learning amène des sauts de performances de 5 à 10 % dans les applications qui nous concernent », explique Aurélien Moreau. Avant de reconnaître que ce seul élément ne suffit plus à se différencier du fait du nombre de sociétés qui se sont jetées sur l'aubaine. Et des investissements réalisés sur ce marché par les grands noms que sont IBM, Google ou Microsoft.
Angus.ai pousse le son
Angus.ai mise sur son choix d'architectures hybrides et sur sa focalisation sur l'image et le son. En particulier sur le son. « Il existe une grande variété d'offres sur l'image et des géants de la high-tech investissent massivement sur l'interprétation de la parole (free speech). Mais nous pensons pouvoir obtenir des résultats intéressants en ciblant des marchés et des cas d'usage », explique le co-fondateur de la jeune société. Et de citer notamment la reconnaissance des paroles prononcées loin du micro (far speech), domaine où on se heurte à des problèmes nés de la réverbération, de la latence. « Des applications capables de venir à bout de ces difficultés seraient très utiles dans la robotique. Or, c'est un facteur de blocage que nous avons rencontré chez Aldebaran. Nous pensons que les mêmes questions se posent dans l'IoT. »
Après une première année qui lui a permis de mettre sur le marché de premières offres, Angus.ai s'attelle désormais à affiner son modèle de prix. « Aujourd'hui, nos offres ne sont pas encore en libre-service car notre pricing demeure complexe. Il est basé sur la combinaison de 10 règles. C'est un des challenges non techniques que la société doit encore relever », reconnaît Aurélien Moreau. Tout comme les questions relatives à la sécurité des données et aux aspects juridiques et éthiques qui naîtront de l'usage de sa technologie. Un dossier bien épais que la société doit débroussailler, même si ses partenaires ou clients ont déjà abordé ce sujet sur les premières applications testées. Avec la montée en charge de la plate-forme, l'architecture technique devra aussi être adaptée pour faciliter le scaling horizontal (autrement dit l'augmentation de capacités par ajout de serveurs).
Autofinancée pendant un an, Angus.ai a remporté 400 000 euros (moitié en avance, moitié en subvention) dans un concours d'innovation et devrait prochainement lever une somme équivalente en amorçage. « Ces fonds vont nous servir à lancer de premiers recrutements et à financer la R&D, que nous voulons centrer sur l'analyse des sons et de la voix », précise Aurélien Moreau.
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Crédit photo : agsandrew / shutterstock
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