Comptabilité carbone : nécessaire réforme chez les Big Tech ?
Sur fond d'actualisation du protocole GHG, l'usage que les GAFAM ont des certificats d'énergie renouvelable fait débat.
Jusqu'où les Big Tech font-ils preuve de "créativité comptable" lorsqu'il s'agit de communiquer l'empreinte carbone de leurs datacenters ?
Le Guardian s'est penché sur la question en étudiant - essentiellement - les rapports environnementaux annuels des GAFAM. Sa démarche s'inscrit dans la lignée d'une analyse du Financial Times plus globale... mais centrée sur le même phénomène. En l'occurrence, l'usage des REC, ces certificats attestant de l'achat d'énergie issue de sources renouvelables.
En l'état, le protocole GHG impose que les REC proviennent de la même région géographique (Europe, Amérique du Nord...) que les émissions qu'ils compensent. Mais pas forcément du même réseau électrique ; ni que l'un et l'autre aient la même temporalité.
Dans un contexte de révision du protocole (la première depuis près d'une décennie), Google demande que ces deux dimensions soient prises en compte. Il a le soutien de Microsoft. Amazon et Meta s'y opposent, préférant la "flexibilité" d'un système sans restrictions sur l'origine géographique.
Des données fournies... indirectement
Les chiffres que communiquent Apple & Cie incluant les REC sont dits "basés sur le marché". Lorsqu'on enlève les initiatives de compensation, on obtient les émissions "basées sur la localisation". C'est-à-dire engendrées à l'emplacement où a lieu la consommation finale.
En 2023, les émissions "localisées" furent supérieures de 120 % aux émissions "marché" chez Apple, d'après les estimations du Guardian. La différence fut de l'ordre de 90 % chez Meta. Et de 40 % chez Google comme chez Microsoft... au bas mot, ces deux derniers ne publiant pas de données "localisation" sur leur scope 3.
Aux termes du protocole GHG, les organisations sont censées communiquer leurs chiffres "localisés" en complément des chiffres "marché". Parmi les GAFAM, aucun ne le fait pour tous ses scopes dans son rapport environnemental annuel. Seuls Google et Meta fournissent des données directement - au sens où elles ne se trouvent pas dans des documents tiers, ni dans des notes de bas de page.
De gros écarts sur le scope 2
Ces données ne valent que pour le scope 2 (émissions indirectes liées à la consommation d'énergie). Celui-ci inclut la plupart des émissions associées à l'exploitation des datacenters en propre.
Ils sont deux à communiquer des chiffres spécifiques aux datacenters : Meta et Microsoft. Chez le premier, cela correspond à l'intégralité du scope 2 "marché". Chez le second, à 97,4 %.
Avec la méthode "marché", Meta a émis, en 2022, environ 273 tonnes de CO2 sur son scope 2. Avec la méthode "localisée", cette valeur avoisinerait les 4 millions de tonnes. Chez Microsoft, on passerait d'environ 280 000 tonnes à 6,1 millions.
C'est sans compter les datacenters tiers. Lesquels représentaient, en 2022, la moitié de la capacité des hyperscalers (Synergy Research). Ils entreraient dans le scope 3. Un périmètre d'émissions beaucoup plus large, ce qui limite les écarts entre les méthodes "localisée" et "marché" (x 1,1 chez Amazon ; x 1,2 chez Meta ; x 2,1 chez Apple).
L'Agence internationale de l'énergie estime que d'ici à 2026, la consommation d'électricité des datacenters aura plus que doublé. Elle sera alors équivalente à celle du Japon.
Illustration © monsitj - Adobe Stock
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