Solutions RH : 5 acteurs qui transforment la gestion des talents avec l'IA
Sommaire
Et si un algorithme était moins discriminant qu’un chargé de recrutement ? Comme tout personne humaine, un recruteur peut introduire dans le process d’embauche des biais conscients – privilégier telle école prestigieuse ou un parcours de carrière type – ou inconscients.
Plutôt que de lever une armée de clones en cherchant des profils d' »employé modèle », un algorithme bien entraîné va à l’inverse repêcher des candidatures atypiques en occultant l’âge, le sexe, voire la formation initiale.
Cette approche par les compétences est le dénominateur commun à la nouvelle génération de solutions RH qui mettent l’accent sur les « soft skills ». C’est-à-dire les compétences comportementales comme l’autonomie, l’esprit d’initiative, la capacité à travailler en équipe, le sens de la communication ou la rigueur.
Un savoir être précieux avec la transformation numérique en cours qui fait la part belle au collaboratif et à l’open innovation. Cette approche permise par l’intelligence artificielle, on le retrouve au stade recrutement puis, ensuite à toutes les étapes de la vie du collaborateur afin de favoriser la mobilité interne et l’évolution de carrière.
1 1- Jobijoba : un chatbot pour préqualifier la candidature
A la première étape, celle du sourcing, on trouve CV Catcher de Jobijoba. Basé sur des technologies d’analyse sémantique et de machine learning, cet outil analyse automatiquement les CV et en extrait les données porteuses de sens – l’état-civil, le métier exercé, la formation, les expériences, les compétences – quel que soit le format de document texte ou sa présentation. Ces informations sont ensuite injectées dans le logiciel de gestion de candidatures (Applicant Tracking System, ATS).
« La solution ne reproduit pas les comportements du recruteur qui pourrait être tenté de ne retenir que les candidats qui ont suivi tel cursus, avance Thomas Allaire, PDG Fondateur de Jobijoba.
Elle analyse tous les CV, donnant une chance à chacun. Ce qui serait impossible à faire manuellement au sein d’un grand compte au regard du volume de candidatures reçues. »
Pour coller à la réalité du terrain, Jobijoba entraîne ses algorithmes sur des références métiers spécifiques comme ceux d’EDF. En ce qui concerne les compétences avancées par les candidats, CV Catcher va enrichir ce déclaratif en le comparant à une base comprenant des millions d’offres et de candidatures.
Pour aller plus loin, Jobijoba a couplé CV Catcher à un chatbot, suite au rachat de JAI (The Jobs Artificial Intelligence) en janvier. L’agent conversationnel répond aux interrogations du candidat et pousse des offres auxquelles ce dernier n’aurait pas spontanément pensé. Il va aussi qualifier le profil en lui demandant sa disponibilité, le type de contrat recherché, ses prétentions salariales. Des informations qui vont enrichir la candidature au sein de l’ATS.
En mars, le cabinet Mazars sera le premier client de Jobijoba à coupler CV Catcher et chatbot.
2 2 -Easyrecrue : du machine learning pour analyser un entretien vidéo
Toujours dans la présélection automatique des candidatures, Easyrecrue expérimente les apports de l’intelligence artificielle de manière originale.
Créée en 2013, la startup est le leader européen de l’entretien d’embauche en vidéo différé. Ce concept remplace le traditionnel coup de téléphone du chargé de recrutement avant la rencontre de visu. Un appel qui peut poser problème à un candidat en poste.
Avec le concept de l’entretien vidéo différé, le recruteur envoie ses questions et le candidat y répond tranquillement chez lui face à sa webcam.
Pour aider les recruteurs dans leur prise de décision, Easyrecrue a mis au point un algorithme de machine learning qui analyse le contenu verbal (richesse lexicale, vocabulaire choisi) et non verbal (rythme, intensité, ton…) du candidat afin de déceler ces compétences comportementales.
« Les hésitations, les répétitions, la précision du propos ou l’emploi d’un vocabulaire technique ou courant sont pris en compte », décrit François Vimond, VP Product & Growth.
En revanche, la startup n’a pas (encore) intégré la reconnaissance faciale pour analyser l’expression, statique ou dynamique, du candidat.
Pour ce chantier initié il y a deux ans, Easyrecrue s’est appuyée sur des recherches menées par des psychologues qui définissent les compétences interpersonnelles dans une organisation comme l’empathie, l’écoute, le leadership. Le projet est aussi encadré par un comité scientifique composé d’enseignants chercheurs du CNRS, de Télécom ParisTech et de CentraleSupelec.
Pendant la phase pilote, l’algorithme a été entraîné sur un échantillon de 9 000 vidéos en français vierges de toutes les données personnelles des candidats (nom, prénom, genre, origine…). Des modèles spécifiques ont été bâtis pour les candidats s’exprimant en anglais et italien. Le POC a été conduit auprès d’un échantillon représentatif d’entreprises clientes dans la banque, l’assurance, l’industrie, la distribution.
Aujourd’hui commercialisée sous le nom de Smart Ranking, la solution est destinée aux entreprises qui ont un gros volume de candidatures comme le voyagiste Marco Vasco.
« Le recruteur retrouvera en haut de la liste les candidats qui ont les meilleures soft skills, métier par métier, poursuit François Vimond. L’algorithme n’est qu’une aide à la décision et nous conseillons aux entreprises de regarder 100 % des candidatures vidéo ».
3 3 – You-Trust : du matching affinitaire pour gérer les talents
Autre éditeur innovant, You-Trust intervient plutôt en fin du process de recrutement.
La startup propose au candidat d’auto-évaluer ses soft skills puis d’interroger ceux avec qui il a travaillé – pairs, managers, subordonnés, clients, partenaires – afin de réaliser une évaluation à 360°.
En rachetant en novembre dernier Monkey tie, You-Trust complète son dispositif en mettant la main sur les tests de personnalité (Big 5) et de motivation (Culture Fit) de ce dernier. En les rendant disponibles gratuitement sur son site grand public, Monkey tie dispose d’un historique de plusieurs centaines de milliers de tests réalisés depuis 2013.
Cette base vient enrichir le produit phare de Monkey tie, Career Profiler. Cet outil de matching affinitaire qui a séduit France Télévisions, SNCF, PageGroup ou L’Oréal vise à « fluidifier » la mobilité interne en prenant en compte la personnalité et les leviers de motivation des collaborateurs. C’est à dire valoriser – à nouveau – les compétences comportementales, au-delà des seules compétences fonctionnelles.
Pour cela, Career Profiler va établir des corrélations fortes entre les profils des collaborateurs et le poste à pourvoir en se référant à sa base historique.
L’outil va aussi aller chercher les aptitudes cachées ou dormantes auxquelles l’employé ne pense pas spontanément comme les compétences extra professionnelles. « Un conducteur de train peut durant ses loisirs présider un club de foot amateur, illustre Nicolas Morel, président de You-Trust. Ce qui suppose une aptitude au management et à la gestion. »
Selon lui, « il faut avant tout permettre au collaborateur d’être acteur de sa transformation en lui montrant le chemin, les écarts qui existent entre son poste actuel. La DRH met en place derrière le plan de formation et de montée en compétences. Cela suppose de l’intelligence managériale à côté de l’IA. »
Mais le coup d’après la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), c’est le strategic workforce planning. « C’est-à-dire la capacité à prédire le besoin en compétences dans quelques années sachant que 50 % des métiers de demain n’existent pas encore, poursuit Nicolas Morel. Cela ne peut passer que par une approche par les compétences puisque ce sont les gens d’aujourd’hui qui seront amenés à occuper les métiers du futur. Un comptable peut devenir data analyst. »
4 4 – Clustree : des algorithmes pour la gestion de carrière
Fondée en 2014, Clustree veut lui aussi rendre la gestion de carrière accessible à tous les employés.
Career Coach, sa solution, se présente comme un coach de carrière personnel qui, en s’appuyant sur des algorithmes sans biais et du machine learning, va détecter les compétences et les appétences du collaborateur et lui suggérer des possibilités d’évolution, des formations ou des parcours de carrière.
La solution s’adresse aux grandes entreprises, comme Sanofi, Orange, SNCF Canal+ ou Carrefour. « La mobilité est un enjeu clé pour un groupe de 100 000 employés qui a 5 000 offres en permanence à pourvoir, estime Cyril Le Mat, responsable Data & IA. Il s’agit de dénicher dans l’organigramme les collaborateurs compétents afin de limiter le recrutement externe. »
Dans ces grandes entreprises, le service RH n’a matériellement pas les moyens de suivre individuellement tous les salariés. Classiquement, on compte un responsable RH pour 300 collaborateurs. Il va donc se concentrer sur le « haut du panier », les 20 % de hauts potentiels. L’IA permet de s’intéresser aux 80 % restants. « Beaucoup de personnes démissionnent par manque de visibilité sur les opportunités qui s’offrent à elle », constate Cyril Le Mat.
Pour comprendre les liens entre les compétences et établir des corrélations – si j’ai la compétence A, il y a de fortes chances que j’ai aussi la compétence B – Clustree entraîne son IA sur les données clients et 250 millions de parcours de carrière sur LinkedIn ou Monster.
A l’avenir, Clustree entend proposer des parcours de carrière par l’exemple. De type : « ce collègue occupait le même poste que vous il y a 5 ans, il est arrivé là en suivant tel chemin ».
Comme le note Cyril Le Mat, définir ce qu’est une compétence alors que les intitulés de poste différent d’une entreprise à l’autre, d’un pays à un autre quand ils ne changent pas au fil des ans relève du casse-tête. « Seule la technologie peut résoudre le problème. En faisant au deep learning, on peut « lire » un CV comme le ferait un humain en le replaçant dans son contexte. Toute la difficulté, c’est de faire la chasse aux faux positifs en éliminant les compétences qui ne sont que du bruit. ». La fonction de chef de projet peut, par exemple, revêtir des réalités très diverses.
Enfin selon Clustree, seule l’IA en adoptant sa vision centrée sur les compétences peut lutter contre les biais. Une IA « aveugle aux stéréotypes ».
5 5- 365Talents : l’IA au service de l’autoévaluation
Sur le même segment de marché, 365Talents entend mettre fin aux référentiels de compétences figés.
L’IA va s’alimenter auprès des sources de données RH et métiers puis interagir avec le collaborateur pour lui demander quelles sont ses compétences, expériences, appétences.
« Le collaborateur devient acteur de son parcours, explique Loic Michel, PDG. Nous lui donnons plus de visibilité sur ce qu’il peut devenir ou faire dans l’entreprise. A lui de valider ou non les suggestions qui lui sont faites ».
Cette auto évaluation peut être complétée par l’évaluation managériale via les entretiens annuels hébergés dans la SIRH. « Une compétence pouvant s’exprimer de façons très différentes, l’IA va analyser l’occurrence d’une expérience dans un parcours, complète Loic Michel. Intervient-elle une seule fois ou bien s’agit-il d’une ligne directrice de ce parcours ? Il s’agit aussi de contextualiser cette expérience en la rattachant par exemple à un projet. »
A la différence des solutions précédentes, 365Talents tente davantage d’évaluer les hard skills, liés à un apprentissage technique, que les soft skills sauf si ces dernières sont mesurables et quantifiables, comme la capacité à gérer plusieurs projets en même temps, ou à parler en public.
En revanche, appréhender les savoir-faire transverses n’est pas chose aisée. « La gestion de projet s’exprime de 14 façons différentes, note Loic Michel. Face à cette complexité, nous avons recours à l’analyse sémantique et au traitement du langage naturel. »
En captant toutes ces données non structurées pour matcher profils et opportunités, 365Talents accompagne ses clients sur trois cas d’usages : la mobilité interne (April, Allianz), la GPEC (Société Générale), le staffing de projets et de missions (Adéo, EY, Sofrécom). Loic Michel conclut en estimant que l’IA est une aide pour les trois parties prenantes : une aide à la décision pour les RH, une aide au débat pour le collaborateur et une aide pour évaluer côté manager.
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