Applications : pourquoi l'approche low-code s’impose
Comme dans bien d’autres domaines, la crise sanitaire aura servi de détonateur au phénomène du low/no code. Tendance lourde avant la pandémie, elle est devenue aujourd’hui incontournable. Créer des applications avec le moins de code possible (low code) voire sans une ligne de code (no code) permet aux entreprises d’accélérer leur transformation numérique et de gagner en productivité en automatisant leurs processus. [caption id="attachment_415179" align="alignleft" width="314"] Olivier Eyraud, business solution manager chez Hardis Group.[/caption] C’est aussi une réponse aux situations d’urgence. « En sortie de premier confinement, il a fallu organiser le retour sur site des collaborateurs, se souvient Olivier Eyraud, business solution manager chez Hardis Group. Quelques jours ont suffi, avec le low code, pour concevoir une application leur permettant de déclarer leur présence ou signaler s’ils étaient cas contacts. Un développement classique aurait été trop long et les organisations seraient restées au stade du mail, du tableur Excel voire du parapheur. » L’approche low-code / no-code réduit non seulement le time to market mais aussi le shadow IT. Rebaptisés « citizen developers » les experts métiers développent en toute autonomie des applications répondant précisément à leurs besoins. Ils peuvent ainsi créer des applications simples telles qu’un outil de pose de jours de congés ou des workflows complexes comme la gestion de stocks, le suivi de commandes voire un CRM maison. Ce qui permet à la DSI de se concentrer sur des projets à plus haute valeur ajoutée. « Le low-code répond à des enjeux forts qu’éprouvent actuellement la plupart des DSI, avance Thomas Repolt, directeur du développement commercial de Simplicité Software. Elles n’arrivent plus à répondre aux demandes métiers, recrutent difficilement avec la pénurie de compétences et souffrent du poids de leur dette technique. » Plutôt que de sentir court-circuitées ou concurrencées, les DSI voient donc plutôt d’un bon œil ces plateformes de low/no code. Elles reviennent de toutes façons dans la boucle une fois l’application crée pour l’intégrer au back-end et garantir l’urbanisation du système d’information. En soi, les technologies d’optimisation du code ne sont pas nouvelles. Les méthodes de développement rapide (RAD), les langages de programmation de quatrième génération (L4G) ou les ateliers de génie logiciel comme WinDev ou Visual Studio, remontent aux années 80 et 90. Le concept a pris un tour nouveau en 2014 avec le lancement de Force.com par Salesforce. L’année suivante, Gartner et Forrester popularisent le concept en parlant pour le premier d’aPaaS (Application Platform as a Service) et pour le second de low-code.
Sommaire
1 Process centric versus data centric
Aujourd’hui, les cabinets s’accordent à prédire un avenir radieux à ses plateformes.
Selon Gartner, le marché du seul low-code devrait croître cette année de 22,6% pour atteindre 13,8 milliards $. Une croissance qui attire les convoitises d’une multitude d’acteurs venus d’horizon très divers. Les historiques de la gestion des processus métiers (BPM) et du case management comme Appian, Pega ou Bonitasoft se concentrent sur l’orchestration d’activités transverses comme le suivi du dossier RH collaborateur.
A cette approche « process centric », d’autres éditeurs ont choisi un positionnement « data centric » porté sur la manipulation de la donnée comme Simplicité Software, Outsystems, Mendix, ServiceNow ou Progress.
Leurs plateformes de low-code dites AD&D (Application Development and Delivery) sont dédiées aux professionnels de l’informatique qui souhaitent gagner en productivité.
D’autres solutions low code – Tibco, Zoho, Caspio, FileMaker – s’adressent, elles, aux experts métiers ayant une connaissance avancée d’Excel et Access et maitrisant les principes de modélisation. Certains sont spécifiquement dédiée aux développeurs d’applications mobiles comme appey.io, Magic, Alpha Software ou Capriza.
A l’autre bout du spectre, on trouve les plateformes de no code éditées par Weebly, Caspio, Bubble ou Zapier. Depuis une interface entièrement visuelle, l’utilisateur fait glisser-déposer des boîtes et des flèches pour concevoir une application à la manière d’un Lego. Ces solutions peuvent aussi, comme Airtable, reprendre l’organisation familière d’un tableur avec ses tables, ses lignes et ses colonnes.
C’est sur ce dernier créneau du no code que les GAFAM ont investi avec Power Apps de Microsoft, Honeycode d’AWS et AppSheet, société rachetée par Google. SAP a, lui, récemment fait l’acquisition d’AppGyver Oy, un spécialiste finlandais du développement no code.
Enfin, les acteurs du RPA (Robotic process automation) comme UiPath ou Automation Anywhere s’invitent à la fête. Le lien est, en effet, naturel entre l’automatisation des processus et le low/no code. Des bots logiciels vont, par exemple, remplir les champs et valider automatiquement certaines étapes d’un workflow nouvellement créé.
2 Microsoft et AWS jouent la carte de l’écosystème
Chaque famille d’acteurs fait valoir ses atouts. Comme toujours, Microsoft met en avant la richesse de son écosystème. Power Apps s’intègre au sein de Power Platform à Flow, pour automatiser les processus et interconnecter les applications, et à Power BI, pour analyser les données. Comprise dans les versions entreprise d’Office 365, Power Apps s’interopère nativement à SharePoint ou Dynamics 365 et, via des connecteurs, à des plateformes tierces comme Salesforce.
Amazon Web Services joue également de la richesse de son portefolio. Honeycode se présente comme une solution « stand alone » avec son site dédié. « L’utilisateur peut commencer à créer une application, explique Sébastien Stormacq, developers advocate chez AWS. Ensuite s’il veut passer à l’échelle, il rattachera le service à un compte AWS pour consommer des services cloud.
Par exemple, App Flow connectera l’application à des flux de données issues de solutions tierces comme Salesforce ou Marketo. L’utilisateur peut aussi appeler des modèles prédictifs d’IA d’AWS ».
Le modèle freemium retenu pour Honeycode – gratuit jusqu’à 20 d’utilisateurs et 2 500 lignes de données – répond à cette logique de montée en puissance progressive.
Encore en version bêta, le service devrait s’étendre progressivement.
Alors que la plupart des acteurs du low/no code sont américains. Thomas Repolt met en avant l’origine de sa société. « Simplicité Software est un éditeur 100% français et, à ce titre, non soumis au Patriot Act et au Cloud Act. » Sa tarification serait aussi de trois à cinq fois à la moyenne du marché.
Référencée par l’UGAP, le ministère de la Défense ou la Dinum, la société, créée en 2006 – bien avant que le low code ne devienne tendance – réalise 60 % de son chiffre d’affaires avec le secteur public et sur des environnements essentiellement on-premise. Elle compte, parmi ses références, IT-CE (GIE du groupe BPCE), l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la région Bretagne ou Alstom.
3 Les acteurs du BPM font de la résistance
Les acteurs historiques du BPM ont d’autres arguments à opposer. Plus qu’une simple solution de développement low code, Appian se présente « comme une plateforme d’orchestration des processus métiers intégrant des moteurs de règles et des briques d’IA et de RPA », selon Thierry Ormancey, directeur des alliances de l’éditeur pour la France et la péninsule ibérique.
Le traitement intelligent des documents (IDP) et le machine learning permettent de trier les documents et de les adresser automatiquement aux bons interlocuteurs. Appian fait aussi appel à l’analyse de sentiments pour déceler la tonalité générale d’un message.
Et si l’éditeur a développé sa propre technologie de RPA, elle peut aussi recourir à celle d’UiPath ou d’Automation Anywhere. Enfin, son App Market recense des applications déjà créées e t pouvant être reprises telles quelles ou personnalisées. Parmi les clients d’Appian, on peut citer GRDF, Aviva, Groupama, BNP Paribas Cardif ou le Conseil départemental des Yvelines.
Pega tient un discours analogue. L’éditeur américain ne veut pas être réduit à la dimension low code mais s’inscrire dans un ensemble plus vaste que Gartner appelle l’hyperautomatisation. Soit la capacité à automatiser tout processus qui peut l’être. « Pega a une antériorité dans l’automatisation des processus avec le BPM et le case management, rappelle Romain Delalande, manager solutions consulting. Il s’agit aujourd’hui de capitaliser sur la RPA, l’IA et les interfaces conversationnelles (chatbot, voiceboit emailbot) pour gagner en productivité et en agilité. »
Pega s’est spécialisé dans les cas d’usage atour de l’expérience client (parcours client, relation client). Orange Business Services utilise sa solution pour gérer les commandes de ses clients BtoB. La Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) fait aussi partie de ses clients.
« Pega s’adresse principalement à des grands comptes qui ont un système d’information complexe et de gros volumes de développements, poursuit Romain Delalande. Ils ont besoin de rapidement se transformer pour ne pas être disruptés par de nouveaux entrants au SI agile et nativement cloud. »
Lire aussi : Un avant-goût de norme AFNOR pour le low-code
4 Portabilité du code et pérennité de l’éditeur
Si les plateformes de low/no code ont, sur le papier, tout pour plaire, il convient de prendre quelques précautions d’usage. A commencer par le choix de l’éditeur. « La portabilité du code n’est pas possible, alerte Olivier Eyraud. Les applications développées sur AppSheet de Google ne pourront migrer vers Power Apps de Microsoft et inversement ».
Se pose aussi la question de la pérennité du prestataire. « J’aurais tendance à conseiller de prendre un grand éditeur, bien installé, poursuit Olivier Eyraud. Le marché est en voie de consolidation. Un nouvel acteur peut exploser en vol ou être racheté et voir sa feuille de route R&D et son pricing changés. » Il s’agit aussi de poser, en interne, un cadre de gouvernance afin d’arbitrer quelle application est éligible ou non au low/no code. Au risque sinon de voir se créer une forêt amazonienne d’applications chaque expert métier développant dans son coin.
« Au-delà de 30 jours-hommes, l’intérêt du modèle tombe et un développement spécifique se prête davantage », estime Olivier Eyraud. Ce comité de gouvernance ou centre d’excellence (COE) a aussi pour vocation d’harmoniser les pratiques – standards, charte graphique – et capitaliser sur ce qui a été produit. Le cas d’usage type : une application de réservation de salles de réunion. Cet outil développé sur un site doit profiter au reste du groupe.
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