Didier Colombani (Return Path) : « Près d'un e-mail sur quatre n'atteint pas son destinataire »
Le nombre d'e-mails commerciaux qui n'atteignent pas leur destinataire a encore augmenté au deuxième semestre 2011. Selon l'étude bisannuelle de Return Path, le taux de « délivrabilité » (la distribution d'un message jusque dans la boîte aux lettres du destinataire, et pas seulement au niveau du serveur de son fournisseur d'accès) tombe désormais à 76,5 % fin 2011. « On constate un déclin depuis 3, 4 ans, avance Didier Colombani, directeur Europe de la société spécialisée dans la certification des processus d'authentification des courriels ainsi que dans la gestion de l'e-réputation. Mais ce qui était une tendance à la baisse ces derniers temps se confirme. »
Précisons que l'étude porte sur l'activité des agences de marketing, des sociétés spécialisées dans les envois massifs de messages électroniques et autres routeurs auquel elle s'adresse avant tout, et non pas sur les e-mails du tout venant échangés de personne à personne. Par ailleurs, l'étude, initiée en 2004, a porté sur l'analyse de 1,1 million de messages, auprès de 142 FAI dans 34 pays à travers le monde, de juillet à décembre 2011. Soit une représentativité mondiale. Les résultats sont ensuite couplés aux données des flux récupérés par les opérateurs.
Les e-mails bloqués en hausse de 20 %
L'étude constate ainsi une augmentation de 20 %, d'un semestre à l'autre, des mails bloqués et marqués comme spam par les FAI, soit des hausses respectives de 8,4 % et 15,1 %. Le secteur vit un paradoxe. La démocratisation de l'outil, et sa capacité de personnalisation, poussent les marques (et leurs prestataires) à recourir de plus en plus au mode de communication électronique néanmoins pollué par les campagnes de spam. Du coup, les FAI tendent à durcir les règles de distribution en rejetant ou classant dans les indésirables nombre de courriels légitimes augmentant ainsi le taux de faux positifs.
Notons cependant que les disparités régionales donnent des résultats assez distincts d'une zone à l'autre. Alors que l'Amérique du Nord plafonne à 79 % des e-mails qui atteignent la boîte de réception du destinataire, l'Europe affiche un résultat bien supérieur à 85 %. Sur les 15 % des courriels perdus dans la nature, 5 % sont marqués comme spam et 10 % restent bloqués par les FAI. Avec 90 % de distribution, la France se classe même un cran au-dessus.
Une moyenne qui ne détaille cependant pas les disparités du secteur. « Les banques enregistrent un chiffre inférieur à nos attentes, commente en exemple Didier Colombani, mais cela devrait évoluer avec les projets de dématérialisation à venir et qui provoque une réelle prise de conscience de la nécessité que le message arrive au destinataire. L'enjeu pour elles est aussi de répondre efficacement au phénomène du phishing. »
Quel avenir pour l'e-mail ?
On peut néanmoins s'interroger sur l'avenir de l'e-mail (celui, insistons, des campagnes d'envois massifs) si celui-ci n'est plus en mesure de tenir son rôle de messager et tend à se voir toujours plus arrêté aux frontières de l'infrastructure du FAI. « Il y a un risque pour qu'il devienne contre-productif, reconnaît le responsable, mais ce risque reste très faible, car les professionnels ont des capacités d'adaptation face au durcissement des filtrages. Et de plus de plus en plus d'acteurs certificateurs comme Return Path émergent pour évangéliser les pratiques. Et soulignons que l'e-mail reste exceptionnellement performant. Les expéditeurs n'ont pas intérêt à ce que les mauvaises pratiques continuent même si tout n'est pas parfait avec certaines méthodes de certains expéditeurs à la limite de l'acceptable. Mais beaucoup d'acteurs s'engagent dans de bonnes pratiques et changent leur modèle économique en conséquence. » 2012 sera-t-elle l'année du renversement de la tendance ?
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