Fin de la neutralité du Net : ce qui change aux États-Unis
Aux États-Unis, l'abrogation de la neutralité du Net est entrée en vigueur lundi 11 juin. L'initiative contestée fait suite au vote en décembre de la FCC (Federal Communications Commission). Le régulateur américain des télécommunications avait alors décidé la suppression du cadre adopté en 2015 par l'administration Obama.
C'est une victoire pour le président de la FCC, Ajit Pai, opposant de la première heure à la neutralité du Net et ancien conseiller de Verizon. L'opérateur américain et d'autres (AT&T, Charter, Comcast, CenturyLink.), militent pour l'autorégulation et la priorisation payante du service d'accès. Elle permet, selon eux, de financer l'innovation et la modernisation des infrastructures réseaux.
De leur côté, les défenseurs de la neutralité du Net pensent que garantir l'accès non discriminatoire à Internet profite à tous, internautes et entreprises. Notamment celles qui n'ont pas les moyens de s'offrir de « voies rapides ».
Mais la bataille n'est pas encore terminée pour les partisans d'un internet « ouvert ». Le 16 mai dernier, le Sénat américain s'est prononcé en faveur du maintien de ce principe fondateur. Mais ce vote à lui seul ne suffit pas à changer la donne. La Chambre des représentants, qui forme avec le Sénat le Congrès des États-Unis, doit elle aussi se prononcer. Or, pour le moment, aucun vote sur ce dossier n'est prévu.
Pour imposer ce vote, 218 représentants doivent en faire la demande, observe Le Monde. Cependant, une cinquantaine de parlementaires ne sont toujours pas décidés.
Par ailleurs, si le vote avait lieu, il est peu probable que la majorité républicaine de la Chambre s'oppose à la décision de la FCC. De surcroît, si les représentants américains votaient tout de même pour le maintien de la neutralité du Net, le président des États-Unis pourrait s'y opposer. Or, la perspective d'un veto présidentiel n'est pas écartée. Donald Trump ayant lui-même placé aux commandes de la FCC, en janvier 2017, Ajit Pai.
Lundi, celui-ci déclarait : « [L'annulation de la neutralité] signifie un meilleur accès Internet, plus rapide et moins cher pour les clients, et plus de concurrence ».
La loi du marché, vraiment ?
Comme dans l'Union européenne, où la neutralité du Net s'applique, les règles édictées à l'ère Obama interdisaient aux opérateurs et fournisseurs d'accès de prioriser, bloquer ou limiter l'accès à certains sites Web et applications. Elles sont désormais annulées.
Certains États américains, dont le Montana, New York, Washington et l'Oregon, ont déjà pris des dispositions pour maintenir la neutralité du Net sur leur territoire. Il n'empêche, l'annulation du principe par une agence fédérale suscite les craintes de ses défenseurs.
Ils redoutent entre autres :
- un internet à vitesses multiples et des abonnements à la carte (le pack médias sociaux ou vidéos, par exemple). Pour ceux qui en ont les moyens ;
- le renforcement des puissants : d'un côté les opérateurs en charge des tuyaux, de l'autre les plateformes et services de contenus dominants (Amazon, Google, Facebook, Netflix.). Ces derniers, gros consommateurs de bande passante, se disent favorables à la neutralité du Net. Mais ils laissent les organisations de défense des libertés numériques monter au créneau ;
- une marge de manoeuvre réduite pour des TPE/PME et start-up ;
- L'augmentation du coût du travail connecté à distance pour les indépendants et autres travailleurs de l'économie des petits boulots (« gig economy ») ;
- un frein à la liberté d'expression, la diversité et l'innovation.
Ces craintes ont été balayées par Ajit Pai, souligne le New York Times. Quant aux opérateurs télécoms, plusieurs ont déclaré lundi qu'ils ne ralentiront ni ne bloqueront les contenus. Selon eux, la loi du marché peut réduire les effets négatifs potentiels de l'abrogation. À terme, les clients choisiraient le FAI le plus performant au meilleur prix.
(crédit photo © asharkyu - shutterstock)
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