Microsoft et le mobile : quand les emmerdes volent en escadrille
Une agence fédérale envisage d'interdire certains smartphones Nokia aux Etats-Unis. Cette activité, rachetée par Microsoft en avril 2014, est déjà en difficulté, Redmond n'excluant plus une perte exceptionnelle liée à une dépréciation d'actifs.
Nouvelle tuile pour la division mobile de Microsoft. Le premier éditeur mondial a perdu une bataille dans la bataille de brevets qui l'oppose à la société InterDigital, un troll de brevets. Dans une décision rendue le 27 avril, l'International Trade Commission (ITC), une agence fédérale qui gère les affaires de concurrence sur le marché américain, envisage d'interdire, à l'échelle du pays, la commercialisation de plusieurs smartphones distribués sous la marque Nokia - du nom de l'entreprise finlandaise dont Microsoft a racheté, en 2014, l'activité de production de terminaux mobiles pour 7,2 milliards de dollars.
Selon le juge Theodore R. Essex (dont la décision préliminaire est soumise à l'approbation du collège de l'ITC pour fin août au plus tard), les produits en question exploitent illégalement deux brevets issus du portefeuille d'InterDigital.
Basé à Wilmington, dans l'Etat du Delaware, ce fournisseur de solutions sans fil pour les coeurs d'architectures mobiles (réseaux, appareils, services) a mis en place un « programme complet de développement et de protection de [sa] propriété intellectuelle par le dépôt de brevets dans le monde entier ». Il entre par là même dans la catégorie des 'patent trolls' actifs.
Comptant plusieurs milliers de brevets dans son escarcelle, dont certains utilisés dans le coeur même d'Android ou encore dans l'iPhone d'Apple, InterDigital a déjà négocié avec de grands groupes comme Intel, qui lui a racheté, en 2012, pour 375 millions de dollars d'actifs immatériels.
253 millions déjà versés par Nokia
La plainte associée à cette procédure contre Microsoft (dossier répertorié 337-613 dans les registres de l'ITC) remonte à 2013. Mais la situation vis-à-vis de Nokia était déjà tendue depuis des années. En 2006, l'industriel finlandais avait ainsi accepté de verser 253 millions de dollars à InterDigital. Lequel était rapidement revenu à la charge, échouant néanmoins dans ses autres tentatives d'obtenir une nouvelle compensation financière.
La stratégie utilisée cette fois-ci semble prête à payer. Elle se concentre sur deux brevets relatifs à la gestion de l'énergie et des interférences sur les réseaux cellulaires de type 3G-CDMA (Code Division Multiple Access), détaillent nos confrères de ITespresso.
La décision finale de l'ITC est attendue pour fin août au plus tard. Elle pourra faire l'objet d'un pourvoi en appel. En l'état actuel, le juge Theodore R. Essex estime qu'une interdiction de vente des terminaux incriminés n'irait « pas contre l'intérêt public ».
Ce n'est pas, loin s'en faut, le seul nuage à s'amasser au-dessus de l'activité mobilité de Microsoft. Dans son dernier rapport trimestriel remis à la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme des bourses US) la semaine dernière, le premier éditeur mondial reconnaît que la division matérielle héritée du rachat de la branche terminaux mobiles de Nokia perd de l'argent. Sur chaque téléphone vendu, Microsoft perd 12 cents, et ce avant même de comptabiliser les dépenses marketing, de R&D et autres. La société reconnaît que cette branche n'a atteint ni les volumes de vente, ni le chiffre d'affaires espérés. « Le mix de produits vendus affiche des marges inférieures à ce qui était prévu », a ajouté la firme.
Perte exceptionnelle en vue
Dans ce document, la société de Redmond avertit les investisseurs que, compte tenu de l'évolution de cette activité, une dépréciation d'actifs n'est pas à exclure. En termes plus clairs, l'éditeur envisage de passer une perte exceptionnelle dans ses comptes pour ramener la valeur de cette activité à un niveau plus réaliste. L'éditeur aligne dans ses comptes 5,46 milliards de dollars d'écarts d'acquisition issus du rachat des terminaux Nokia, pour l'instant affectés à « des synergies renforcées qui doivent être dégagées de l'intégration de NDS (Nokia Devices and Services, NDLR) ». S'y ajoutent 4,51 milliards de dollars d'actifs immatériels. Le groupe reconnaît aujourd'hui qu'il n'est pas en mesure d'affirmer qu'il va atteindre les prévisions qu'il a dressées lors du rachat de cette activité.
La dernière perte exceptionnelle liée à une acquisition passée par Microsoft remonte à juillet 2012, suite au rachat de aQuantive. L'éditeur avait alors rayé 6,2 milliards de dollars, sur une acquisition effectuée 5 ans plus tôt pour. 6,3 milliards.
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