P2P: amende avec sursis pour l'enseignant 'pirate'
Alors qu'une pétition signée par 70 personnalités appelle à l'arrêt des poursuites contre les internautes qui téléchargent illégalement de la musique via le peer-to-peer (voir notre article), la justice a rendu son verdict dans le premier procès visant un de ces adeptes.
La sanction est plutôt modérée. Alain O., un enseignant de 28 ans, a été condamné mercredi à une amende de 3.000 euros avec sursis par le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d'Oise). Néanmoins, la Société civile des producteurs phonographiques, la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) et deux organisations représentant l'industrie musicale, parties civiles, se sont vu accorder en réparation un total de 10.200 euros de dommages et intérêts. A l'audience le 15 décembre, leurs avocats en avaient réclamé environ quatre fois plus. Le parquet avait alors requis une amende de 1.500 euros, sans sursis. La peine maximale encourue était de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende. Le jeune homme a été reconnu coupable de « contrefaçon », notamment pour avoir mis la musique téléchargée à la disposition d'autres internautes. Le sursis prononcé signifie qu'il ne paiera pas l'amende s'il ne récidive pas. De plus, le tribunal a décidé que la sanction ne serait pas inscrite à son casier judiciaire. L'enseignant aurait téléchargé et mis à disposition sur internet 10.000 titres, soit l'équivalent de 614 albums. A l'audience, il a nié avoir partagé les titres téléchargés. Les poursuites avaient été déclenchées après une enquête d'une unité spéciale de la gendarmerie qui avait surveillé sur internet des forums de discussions et localisé un site, France Troc, sur lequel 302 internautes connectés échangeaient des fichiers musicaux. Le prévenu, qui était l'une de ces 302 personnes, semble avoir été pris au hasard. « Il y en a 301 autres, et ça tombe sur vous ; vous n'avez pas de chance » avait dit à l'audience le président du tribunal. C'est justement ce côté hasardeux qui provoque la colère des internautes, des associations de consommateurs et même de certains ministres et députés. Nombre d'entre-eux souhaitent que l'Industrie musicale change de méthode face au P2P accusé de tous les maux. Les personnes visées ne sont en effet pas des trafiquants, ils ne vendent pas la musique qu'ils téléchargent. Ils se contentent, comme des millions d'Internautes, d'utiliser des outils: haut débit, graveurs, réseaux d'échange, qui sont mis à leur disposition pour un usage personnel. L'annonce de ce procès en octobre dernier avait suscité une vive émotion. L'UFC-Que Choisir dénonçait ainsi des actions « brutales et disproportionnées (qui) ne sont pas acceptables. Elles ne s'accompagnent d'aucune proposition qui permettrait, en contrepartie du paiement d'une rémunération aux artistes interprètes, aux auteurs, mais aussi aux producteurs, d'inscrire les échanges de fichiers musicaux sur Internet entre consommateurs dans un cadre légal, offrant à ces derniers la possibilité de bénéficier du progrès technique ». La clémence du tribunal illustre cette tendance. La répression systématique est mal perçue et l'internaute apparaît de moins en moins comme le coupable idéal. Les Majors devront trouver d'autres méthodes. Certaines sont déjà expérimentées, comme la coupure sur décision judiciaire des connexions internet des grands consommateurs de P2P. L'Industrie satisfaite, même si elle espérait plus.
Marc Guez, directeur général de la SCPP, qui obtient 3.000 euros de dommages et intérêts, s'est dit satisfait du jugement.
« La personne est sanctionnée et reconnue clairement comme contrefactrice. Le tribunal a cherché à avoir un jugement éducatif. Une telle somme en réparations et frais, ça nous paraît insuffisant mais ça reste dissuasif », a-t-il dit à Reuters. La Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) s'est « félicitée du caractère proportionné et exemplaire du jugement ». « La SPPF est convaincue que de telles actions vont amener progressivement la majeure partie des internautes, utilisant des logiciels P2P, à cesser de pratiquer l'échange de fichiers musicaux sur Internet et à se tourner vers les offres légales », a estimé dans un communiqué la SPPF, qui était partie civile. Dans un communiqué, la Sacem estime que le tribunal « n'a pas manqué de préciser qu'il avait procédé à une application modérée de la loi pénale à titre d'avertissement. Et a rappelé que les pratiques d'échanges via des systèmes P2P étaient illicites et qu'il appartenait, par conséquent, aux internautes de prendre conscience du respect des droits d'auteur et de ceux des producteurs sur Internet. ». UFC-Que Choisir, qui est opposée aux poursuites judiciaires contre les utilisateurs de P2P, a estimé que « les producteurs de disques doivent immédiatement sortir de leur logique purement répressive et ne plus faire obstacle à l'ouverture d'un grand débat national » sur la musique numérique.
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