P2P en France: un phénomène de société
Alors que les députés examinent actuellement la très controversée loi DADVSI sur les droits d'auteur en ligne (voir nos articles), l'UFC Que Choisir publie une nouvelle étude qui fait le point sur l'échange de fichiers en France et sur ses conséquences.
Depuis de longs mois, l'association de consommateurs dénonce les vues des industriels du divertissement qui estiment que le P2P est la source de tous leurs maux (financiers) et qui veulent jouer la carte de la répression. Au point de brider les libertés individuelles, notamment en ce qui concerne le droit à la copie privée qui va être remis en cause avec cette loi. L'UFC, comme de nombreuses associations d'artistes, milite au contraire pour une légalisation des échanges en P2P, pour l'instauration d'une licence globale. Surtout, elle critique vivement la vision du P2Piste délinquant qui met à mal la création musicale et l'économie du secteur. Dans cette étude, menée avec l'Université Paris XI (laboratoire ADIS) et réalisée à partir d'un échantillon national de 4.000 personnes, il apparaît que l'échange de copie est une pratique très répandue qui concerne pratiquement toutes les catégories sociales. Les copieurs ne peuvent pas uniquement être assimilés à des jeunes irresponsables ou à des resquilleurs, explique l'UFC. En fait, près de 11 millions d'internautes en France téléchargent de la musique sur Internet (soit plus de 40% des internautes). Les causes de cet engouement sont nombreuses selon l'étude. On observe un effet d'imitation et de contagion sociale (amis, familles, relations de travail?), l'accès à une diversité culturelle plus importante (notamment face aux offres légales qui restent encore très limitées au niveau des références), le prix perçu des originaux, considéré comme cher. Pour l'association: il ressort donc que la politique répressive est particulièrement inefficace et ce d'autant plus qu'elle n'est pas fondée d'un point de vue économique si l'on considère les effets du copiage sur les achats de CD et de DVD. Autre pavé dans la marre, l'UFC estime que le P2P n'a pas d'effets importants sur les ventes physiques de CD et de DVD. Les Majors risquent de s'étrangler. En effet, la baisse des ventes de disque est leur principal argument pour justifier la répression. Or, tous les spécialistes soulignent que cela n'est pas aussi simple. Pour l'UFC, cela peut s'interpréter comme une indépendance des deux pratiques ou, plus vraisemblablement, par la neutralisation de deux logiques contradictoires : substitution des achats d'originaux par le copiage, complémentarité/ »cumulativité » de la pratique de copiage et de l'achat d'originaux. Mieux, l'étude met en avant le pouvoir d'achat des grands adeptes du P2P: l'intensité de copiage de musique toutes techniques confondues s'avère un facteur favorable aux achats de CD et de DVD. Les « gros » copieurs achètent donc relativement plus de biens culturels que les autres, explique l'UFC. L'étude démontre une nouvelle fois que les internautes sont en majorité prêts à payer un forfait mensuel (licence globale) pour pouvoir télécharger librement de la musique: 6,66 euros pour la musique, 8,44 euros pour les films et 12,62 euros pour les deux. Une autre étude nous apprenait récemment que 75% des internautes sont d'accord pour ce principe de licence globale. Cela suggère que les consommateurs estiment que le prix actuel des originaux est trop élevé. Un argument souvent oublié par les Majors. La conclusion de l'UFC est donc sans appel: l'étude permet de largement relativiser les a priori qui circulent sur les pratiques de copiage : les conséquences économiques graves ou l'atteinte à la diversité culturelle. Pour sa part, l'UFC-Que Choisir considère donc que les principales dispositions du projet de loi DAVSI, qui ne sont fondées sur aucune étude fiable des comportements, ne sont ni légitimes sur le plan éthique ni justifiées économiquement. Pourtant, cette loi, qui vérouille les échanges sur Internet et qui pénalise le contournement des DRM, sera votée en urgence et à toutes les chances d'être votée en l'état. Une loi que le gouvernement estime « équilibrée ». Equilibrée pour les industriels ?
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