Réforme de l'Icann : Paris se sent floué
La réforme de l'Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) prévoit l'abandon de la tutelle américaine au profit d'une gouvernance du registre technique assurée par une communauté multipartite internationale. en théorie. Le plan dévoilé le 10 mars dernier porte essentiellement sur le transfert du rôle de supervision des fonctions clés du système des noms de domaine (DNS), rôle assuré aujourd'hui par la Iana (Internet Assigned Numbers Authority) au sein de l'Icann. Ce plan était attendu depuis des mois. Il semble pourtant déplaire au Quai d'Orsay, selon Les Échos.
La France, rappelons-le, défend une gouvernance de l'Icann par l'ensemble des parties prenantes (États, société civile, acteurs économiques). Or, ces dernières semaines, le lobbying des Gafa aurait joué à plein. L'implication des États dans le pilotage de l'organisation réformée serait limitée, la réforme donnant davantage de poids aux acteurs privés qu'aux gouvernements, selon la France.
Pas de consensus international
Paris observe que les États, réunis au sein d'un comité consultatif, devront se prononcer à l'unanimité pour espèrer influencer les décisions du conseil d'administration de l'Icann. Un impératif difficile à atteindre au sein d'une organisation toujours très « américano-centrée ».
Faute de plan négocié en 2015, Washington avait annoncé l'été dernier prolonger le contrat de supervision qui lie le Département américain du Commerce à l'Icann au moins jusqu'au 30 septembre 2016, soit en pleine course à la présidentielle américaine. Les démocrates au pouvoir, comme les républicains qui souhaiteraient reprendre la Maison Blanche, ont d'emblée rejeté l'hypothèse d'un contrôle par l'ONU du registre. Ils ne veulent pas non plus d'une mainmise sur l'Internet mondial de gouvernements étrangers, chinois et russe en particulier.
Le proposition dévoilée lors de la réunion Icann 55 doit encore être validée par le Congrès des États-Unis pour entrer en vigueur. Le Royaume-Uni et les États d'Europe du Nord se sont déjà alignés sur la position américaine. D'autres, comme l'Europe du Sud et le Brésil, sont réfractaires.
Mise à jour le 24/03/16 à 18h15 : Bercy a communiqué la réaction d'Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du Numérique, à la conclusion de la 55e réunion de l'Icann. En voici l'extrait :
« Malgré les efforts continus de la société civile et de nombreux gouvernements pour arriver à un compromis équilibré, certains éléments de ce projet de réforme auront pour conséquence de marginaliser les États dans les processus de décision de l'ICANN, notamment en comparaison du rôle accordé au secteur privé », explique Axelle Lemaire. « En effet, la mise en oeuvre de ce projet de réforme limitera la capacité du Comité Consultatif des Gouvernements (GAC, Governmental Advisory Committee) à faire valoir ses positions en imposant des conditions particulières à la prise en compte de ses avis par le conseil d'administration de l'ICANN - c'est l'objet de la 11ème recommandation. Par ailleurs, les États ne se voient pas reconnaître les mêmes droits que les autres parties prenantes dans l'exercice des nouveaux mécanismes de recours contre les décisions du conseil d'administration de l'ICANN - c'est l'objet des limites imposées dans les deux premières recommandations. » Dans ce contexte, « la France appelle l'administration américaine, qui doit désormais examiner ce projet de réforme, à accorder la plus grande attention aux préoccupations exprimées par de nombreux États. Elle sera par ailleurs particulièrement attentive à la poursuite des travaux visant à améliorer la redevabilité de l'ICANN dans le cadre du « Work Stream 2 », notamment concernant le renforcement de la diversité géographique et la lutte contre les conflits d'intérêts. »
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