J. Marzin, DSI de l'Etat : « moins de 20 datacenters pour l'Etat »
Parmi les chantiers du directeur de la Disic, le DSI interministériel, figure la consolidation des multiples salles informatiques exploitées par l'Etat. Objectif : passer sous la barre des 20 datacenters en activité dans 10 ans. contre plus de 120 aujourd'hui.
Directeur de la Disic (Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication), Jacques Marzin pilote les chantiers de mutualisation de l'informatique de l'Etat, des chantiers qui doivent permettre d'économiser entre 25 et 40 % sur les coûts en prestations, matériels, logiciels, réseaux et télécoms. Soit un total de 2 milliards d'euros par an de dépenses aujourd'hui. La masse salariale (1,8 milliards) restant, elle, inchangée.
Après la mise en ouvre du réseau interministériel de l'Etat (RIE), qui sera prochainement inauguré à l'occasion du raccordement du 1000ème site de l'administration, la Disic doit s'attaquer à un autre chantier, la consolidation des salles informatiques. Jacques Marzin détaille sa méthode pour réduire par plus de 6 le nombre de salles informatiques exploitées par l'administration d'Etat.
Silicon.fr : à l'automne 2011, un audit recensait 128 salles informatiques au sein de la fonction publique d'Etat. Où en êtes-vous du chantier de consolidation de ces datacenters, chantier qui fait partie des mesures d'économies sur les budgets informatiques ?
Jacques Marzin : Dans le courant de l'année 2013, nous avons mis au point le schéma directeur de consolidation des datacenters de l'Etat, un schéma qui a été accepté par les secrétaires généraux des ministères en décembre dernier. Ce plan prévoit de descendre en 10 ans sous la barre des 20 datacenters, sans recréer de nouvelles salles mais en misant sur l'existant. L'idée consiste à se focaliser sur certaines plaques où seront regroupées les ressources : Bercy, la Défense, l'Intérieur, le regroupement entre l'Ecologie et l'Agriculture essentiellement.
Excepté quelques « bijoux », la plupart des salles informatiques sont trop petites - 75% font moins de 200 m2 - et affichent des PUE (coefficient d'efficacité énergétique, NDLR) élevés. Notre projet consiste à mutualiser les infrastructures sur des datacenters allant de 800 à 1 000 mètres carrés.
On attend au moins 30 % d'économies sur un budget annuel de 80 millions d'euros. Ce n'est donc qu'une toute petite partie du plan d'économies sur les budgets informatiques, l'ambition globale portant sur une assiette totale 2 milliards d'euros par an, hors masse salariale. A titre d'exemple, le coût de la fonction de production, hébergement et exploitation, représente un budget de près de 600 M?, masse salariale comprise.
Que manque-t-il pour mettre ce plan de consolidation des datacenters en ouvre ?
Il faudrait dégager des budgets d'investissement. Notre plan prévoit un mécanisme en deux temps. D'abord, l'identification des espaces libres disponibles pour y transférer des ressources et commencer à fermer des centres. Concrètement, ces espaces sont aujourd'hui très peu nombreux. Et la plupart des salles nécessitent des travaux de mise à niveau pour supporter les nouvelles architectures très denses. La seconde étape du plan vise à dégager des économies nous permettant d'investir dans la modernisation des infrastructures.
En parallèle, nous nous apprêtons à déposer un dossier de financement auprès du programme Investissements d'Avenir pour financer une ou deux salles nous permettant de libérer de l'espace pour les ministères désireux de fermer leurs propres installations, de ré-internaliser certaines prestations ou de trouver une solution pour leur PRA (ministères de la Culture, de la Santé, de l'Education Nationale ou de la Justice).
Ce travail sur les datacenters proprement dit s'accompagne de la construction d'une offre de services, portant sur la qualité d'hébergement, la sécurité ou encore les gestes de proximité. La question de la prise en charge des applications par des équipes qui ne les connaissent pas doit en effet être traitée avec beaucoup de vigilance. La Disic aide les ministères à apprendre ce nouveau métier qu'est pour eux la fourniture de services à un tiers, même interne.
Quel rôle pourrait jouer le Cloud dans votre stratégie ? Vous menez une expérimentation en la matière au sein de la Dila (direction de l'information légale et administrative).
Plutôt que de parler de Cloud, je préfère parler d'infrastructures virtualisées. Car les mécanismes de refacturation internes à l'administration, et donc de paiement à l'usage, sont très complexes à mettre en ouvre. Notre plan est très orienté vers les techniques permettant l'ubiquité du dépôt des applications. Nous voulons que l'applicatif soit totalement indépendant des ressources matérielles sur lesquelles il est implanté. Le pilote mené au sein de la Dila donne de bons résultats techniquement, même si le succès « commercial » de l'offre en interne est plus mitigé.
Le Cloud public peut-il être un recours pour libérer de l'espace dans les salles existantes et retrouver des marges de manouvre ? Les initiatives financées par l'Etat, Cloudwatt et Numergy, ne sont-elles pas des partenaires naturels pour l'administration ?
D'abord ils ne sont pas seuls sur le marché à pouvoir répondre à nos attentes. Et j'attends également que leurs offres décollent et se stabilisent en niveaux de service. De ce point de vue, on assiste à de réelles avancées en matière de travaux de sécurisation. L'Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, NDLR) prépare une labellisation Cloud Secure. Nous examinons avec nos collègues de l'ANSSI si cette certification est de nature à réviser notre politique consistant pour l'heure à proscrire tout recours au Cloud public, pour des raisons de sécurité. Avoir cette option pourrait s'avérer intéressant, pour du débordement, la montée en charge de projets ou comme solution transitoire, afin de libérer de l'espace dans les datacenters en déplaçant dans le Cloud des applications peu critiques.
La Grande-Bretagne se targue d'avoir réduit ses coûts IT de façon importante grâce au Cloud notamment. La France n'est-elle pas en retard sur ce chantier ?
Nous sommes surtout très admiratifs de la façon dont nos homologues britanniques vendent leurs plans d'économie ! Il faut avoir en tête que les dépenses informatiques de l'Etat britannique sont plus de deux fois supérieures à celles de la France et des autres pays européens. Leur IT a été trop massivement sous-traitée et leur coûte très cher.
Le nouveau Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé une accélération dans le plan d'économies que doit réaliser l'Etat. Cela va-t-il changer la répartition des rôles entre la Disic et les DSI des ministères ?
Je prépare les propositions que le Premier ministre m'a demandées pour orchestrer les économies attendues. Ces propositions abordent cette question des prérogatives et des leviers de la Disic. Et je suis en pleine discussion avec les DSI des ministères pour accroître l'efficacité des mesures de mutualisation.
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