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Le Cloud est trop cher pour la plupart des besoins, selon Octave Klaba

Avec son franc-parler habituel, Octave Klaba, le fondateur d'OVH, revient sur les investissements que consent sa société pour devenir un acteur global du Cloud. Sans perdre son identité propre.

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Le Cloud est trop cher pour la plupart des besoins, selon Octave Klaba

Silicon.fr : AWS et Azure viennent tous deux d'annoncer l'ouverture de datacenters en France. Ce qui fait tomber l'argument de la localisation des données dans l'Hexagone que pouvait brandit OVH pour séduire les entreprises.

Octave Klaba : OVH reste très fort sur les métiers de la rationalisation des infrastructures, avec des offres comme les serveurs dédiés ou le Dedicated Cloud. Sur ces métiers, nos concurrents n'ont rien à proposer aux entreprises. Or, pour les grandes entreprises, sur la plupart de leurs besoins, le Cloud public se révèle trop cher. Remarquons d'ailleurs que des entreprises comme Apple ou Dropbox sont sorties au bout d'un certain temps d'Amazon, tout simplement parce qu'elles avaient besoin de rationaliser les coûts de leur infrastructure. Et c'est logique ; le Cloud public est adapté avant tout à la phase de scale-out, soit le passage du prototype à l'offre disponible mondialement, très rapidement, sans prise de risque. C'est sur ce segment que nous essayons aujourd'hui de nous renforcer via notre investissement dans 10 nouveaux datacenters répartis dans 9 pays. Notre déploiement actuel - 17 datacenters dans deux pays - ne permet en effet pas d'accompagner une entreprise souhaitant se positionner sur le marché mondial.

En parallèle, nous voulons aussi toucher des start-up dans leurs premières phases de croissance, en ciblant des développeurs n'ayant aucune connaissance du fonctionnement des datacenters, du Cloud ou des serveurs. En leur amenant dans le code la possibilité d'utiliser les ressources du datacenter sous forme de fonctions d'un SDK. C'est le sens de Mobile Hosting (un Paas mobile pour Android et iOS, NDLR). L'objectif d'OVH est donc bien d'accompagner les entreprises sur toutes les phases de leur vie et c'est ce qui nous différencie de nos concurrents américains.

Pour beaucoup d'analystes, le marché du Cloud sera largement un marché de Cloud hybride.

Octave Klaba à la guitare, lors du OVH Summit de 2016.

O.K. : Tout le monde est en train de se positionner sur ce marché, car, aujourd'hui, les grandes entreprises, qui représentent 90 % des revenus en matière d'infrastructure, ne sont pas encore dans le Cloud. Leurs besoins se concentrent surtout sur des infrastructures dédiées, privées. Via notre partenariat avec VMware, nous proposons un Cloud privé vSphere depuis déjà plusieurs années. Cette technologie, qui interconnecte via un lien privé nos infrastructures et celles de l'entreprise, est déployée à Roubaix, à Strasbourg, au Canada. Et on va l'étendre à nos 10 nouveaux datacenters. Nos concurrents vont d'ailleurs dans le sens d'une évolution vers le Cloud hybride (depuis cette interview, réalisée le 11 octobre, VMware et AWS ont d'ailleurs annoncé un partenariat en ce sens, NDLR), car ils réalisent que les entreprises ont besoin de ressources dédiées, accessibles via des réseaux séparés, avant d'envisager de sortir des données de leur datacenter. Aujourd'hui, on pense être en avance sur ce terrain via le travail que nous avons mené depuis 6 ans avec VMware. Pourra-t-on conserver cet avantage ? Nous verrons. Mais, pour l'heure, force de constater qu'aux Etats-Unis, aucun concurrent ne fait notre métier de consolidation et aucun prestataire ne sait déployer vSphere de façon automatisée, en 3 minutes, comme nous pouvons le faire.

Vous venez d'annoncer un partenariat avec Rogers, un opérateur télécoms canadien qui a retenu OVH comme fournisseur de ses solutions Cloud. Peut-on imaginer d'autres accords de ce type en Europe ?

O.K. : Dans l'informatique, le marché va devenir bipolaire, avec d'un côté les prestataires d'infrastructures et, de l'autre, les intégrateurs, qui sortent peu à peu de ces métiers de fourniture de Cloud. Et les opérateurs télécoms ne sont pas loin d'arriver à la même conclusion. Rogers a tenté d'aller seul sur ce marché, investissant plusieurs centaines de millions de dollars pendant 3 ou 4 ans. Sans grand résultat. Au vu des difficultés des telcos à gérer ces infrastructures, je pense que les partenariats de ce type vont se multiplier, y compris en France où Bouygues s'est déjà rapproché de Microsoft. Et, aujourd'hui, OVH est le seul fournisseur de Cloud européen, ce qui reste un paramètre important pour les enjeux de souveraineté. Notre futur déploiement, dans 7 pays européens avec près de 20 datacenters sur le continent, nous place dans une position intéressante.

Avec votre plan de déploiement de 10 nouveaux datacenters, vous êtes sur une échelle très différente de tout ce que vous avez fait jusqu'alors, avec beaucoup de chantiers à mener en parallèle. Comment êtes-vous organisés pour y faire face ?

O.K. : Entre 2011 et 2013, nous avons créé trois nouveaux datacenters, à Strasbourg, au Canada et à Gravelines. A cette occasion, nous avons déployé notre technologie sur ces trois destinations, ce qui comprend la gestion de l'énergie, le réseau, la sécurité, les serveurs, un ERP interne. Ce sont les bases de notre standardisation. Cette dernière s'appuie sur nos propres lignes de fabrication de serveurs, à Roubaix et au Canada. Une troisième unité de production est d'ailleurs à l'étude, aux Etats-Unis. Le serveur qui va être installé dans notre datacenter de Pologne, par exemple, est produit à Roubaix.

Ces serveurs sont intégrés dans des baies horizontales - et non verticales -, intégrant le refroidissement à eau, les batteries, les onduleurs, les câbles. La standardisation est poussée assez loin et nous permet de gérer des baies proposant de 16 à 20 KW de puissance électrique. On sait ainsi héberger 16 serveurs avec des GPU dans une seule baie ; c'est considérable en termes de densité. Derrière, nos technologies d'extraction de chaleur nous permettent d'évacuer l'énergie dégagée à un coût intéressant. Ce sont l'ensemble de ces technologies que nous déployons dans nos nouveaux datacenters. C'est pourquoi nous pourrons aller assez vite dans l'ouverture de nos nouvelles implantations : en Virginie, où nous allons ouvrir notre premier datacenter aux Etats-Unis, nous avons acheté le bâtiment le 7 octobre et les premiers serveurs seront proposés aux clients, en mode découverte, dès décembre.

Au sein de notre organisation, nous avons mis en place une nouvelle équipe de 30 personnes travaillant uniquement sur le déploiement des nouveaux datacenters. Cette dernière, que dirige mon frère Miroslav, est chargée des chantiers jusqu'à ce que les nouveaux datacenters arrivent à un seuil de ventes correspondant à un niveau satisfaisant de remplissage des salles. Cette équipe gère aujourd'hui les chantiers des 10 nouveaux datacenters officiellement annoncés ; en interne, on parle d'ailleurs plutôt de 12 nouvelles implantations.

Quelle est la capacité de ce premier datacenter américain, situé en Virginie ?

O.K. : 80 000 serveurs au total. Mais, très probablement, dès que nous atteindrons 20 000 ou 30 000 machines, nous construirons un autre datacenter toujours en Virginie ou dans un autre Etat situé côte Est. L'objectif est donc de construire, aux Etats-Unis, 3 datacenters dans 3 régions, en commençant par 2 implantations : une côte Est (en Virginie donc, NDLR), l'autre côte Ouest.

En parallèle de VMware, vous proposez aussi des infrastructures sur OpenStack. Mais vos besoins semblent s'écarter de ceux de cette communauté Open Source.

O.K. : D'abord, nous voulons proposer à nos clients des standards, en particulier une API standard. C'est ce qui garantit la réversibilité, ce qu'aucun autre fournisseur ne propose réellement. Mais il est vrai qu'OpenStack est conçu pour le Cloud privé. Peu de fournisseurs proposent aujourd'hui du Cloud public sur la base de cette technologie, tout simplement parce que c'est loin d'être évident. Au sein d'OVH, je milite pour qu'on place en Open Source l'ensemble des développements que nous avons réalisés pour y parvenir. Mais, en interne, certains ont peur de la réaction de la communauté, qui pourrait interpréter nos adaptations comme une espèce de fork d'OpenStack. Le point central, c'est que la communauté où dominent les IBM ou HPE n'est guère intéressée par l'intégration de nos développements pour le Cloud public : ils font fonctionner des clusters de 200 machines par exemple, là où nous tournons avec 10 000 ou 20 000 serveurs physiques. Les besoins ne sont simplement pas les mêmes.

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