Axelle Lemaire et le CNNum vent debout contre le fichier TES
Publié par La rédaction le | Mis à jour le
La fracture entre les tenants du tout sécuritaire au gouvernement et les représentants du numérique s'élargit. Le Conseil national du numérique appelle à geler le projet de fichier TES. Et Axelle Lemaire flingue l'Intérieur.
Mais dans quel guêpier est allé se perdre le gouvernement ? Comme le laissaient entendre les premières réactions de ses membres sur Twitter, le Conseil national du numérique s'oppose à la création du fichier TES, cette base de données censée collecter les informations biométriques de 60 millions de Français créée par un décret que le gouvernement a tenté de faire passer en toute discrétion lors du pont de la Toussaint. L'organisme consultatif, qui s'est auto-saisi du sujet, note que le fichier, que ses défenseurs présentent comme un moyen permettant de lutter contre les documents d'identité frauduleux, pourra « faire l'objet de réquisitions judiciaires ou être utilisé par les services spécialisés de renseignement ». Une pierre dans le jardin du gouvernement : en effet, en 2012, un projet similaire défendu par le gouvernement Fillon avait été retoqué par le Conseil constitutionnel en raison de ses multiples finalités, mélangeant authentification (afin de prévenir la fraude documentaire) et identification de suspects à partir de leurs traces biométriques. Le tout suite à la saisine de députés PS alors dans l'opposition !
Pas besoin d'une base centralisée
Le Conseil national du numérique appelle donc le gouvernement à suspendre la mise en oeuvre de TES, qui en pratique revient à étendre le fichier qui existe déjà pour les passeports aux cartes d'identité. Et l'appelle à réfléchir à « des alternatives ». En ligne de mire évidemment, les principes architecturaux défendus par la CNIL, la Conseil constitutionnel mais aussi les députés PS quand ils s'opposaient au projet de fichier biométrique du gouvernement Fillon : à savoir, des systèmes où les données biométriques sont stockées dans le document d'identité lui-même et non dans une base centralisée. C'est par exemple ainsi que fonctionne le système Parafe de contrôle automatisé aux frontières. Le Conseil national du numérique annonce son intention de contribuer à la réflexion sur ces architectures alternatives et appelle le gouvernement à consulter d'autres experts, comme la Dinsic (Direction interministérielle du numérique et des systèmes d'information et de communication).
Axelle Lemaire : un « dysfonctionnement majeur »
Si les avis du Conseil ne sont que consultatifs, c'est un nouveau revers pour le gouvernement, qui avait déjà essuyé les rebuffades de la CNIL sur le projet TES. Contrairement à ce qu'affirment les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas, l'avis de la Commission sur ce projet est en effet très critique. Plus grave encore, la ligne de fracture passe au sein même du gouvernement.
Dans un article publié par l'Opinion ce lundi, Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat chargée du Numérique et de l'Innovation, ne prend pas de gant pour dire tout le mal qu'elle pense de TES. Et parle d'un décret « pris en douce par le ministère de l'Intérieur » et d'un « dysfonctionnement majeur ». La ministre, qui dit avoir découvert le fameux décret en lisant le Journal Officiel le 1er novembre, y voit l'oeuvre d'une administration déconnectée de la volonté politique. « L'oeuvre de la technostructure : l'administration a son propre agenda, elle se contrefiche du moment politique », dit-elle. Publié en catimini, sans concertation préalable, le projet de fichier TES contraste en effet avec la concertation en ligne menée autour du projet de loi pour une République numérique. Et fait un peu tâche à l'heure où Paris s'apprête à accueillir un sommet sur l'Open Governement, un mouvement que la France a rejoint en 2014 et qui promeut la transparence de l'action publique et la gouvernance ouverte.
A lire aussi :
Fichier TES : pourquoi le gouvernement s'est trompé sur la forme et sur le fond
Projet de loi sur le renseignement : les 5 sujets qui fâchent
Loi sur le renseignement : pour les opposants, un parfum de NSA