L'Amérique numérique, selon Donald Trump
Malgré la défiance, voire la franche opposition, de la Silicon Valley et des marchés, c'est bien Donald Trump qui a été élu 45e président des États-Unis dans la nuit du 8 au 9 novembre. La candidate démocrate, Hillary Clinton, a reconnu sa défaite. Son rival républicain va pouvoir s'appuyer sur une majorité au Congrès pour soutenir une politique numérique aux accents protectionnistes. Florilège :
Moins de visas pour les talents étrangers
Celui qui succédera à Barack Obama à la Maison Blanche, le 20 janvier prochain, prévoit de réduire le nombre de visas H-1B délivrés aux immigrants qualifiés. « Je connais très bien le H-1B. C'est quelque chose que j'utilise et je ne devrais pas être autorisé à l'utiliser », a déclaré Donald Trump en mars lors d'un débat de campagne. « C'est très mauvais pour les entreprises, c'est très mauvais pour nos travailleurs et c'est injuste pour nos travailleurs. Nous devrions y mettre un terme », a-t-il ajouté.
Pour les opposants au visa H-1B, ce dispositif est un moyen de niveler par le bas les salaires locaux en faisant appel à une main d'oeuvre étrangère qualifiée, qui peut être moins bien payée. Pour ses partisans, parmi lesquels Microsoft, Intel et Qualcomm, l'offre de profils qualifiés, notamment techniques, n'est pas suffisante pour répondre à la demande. Par conséquent, il est nécessaire de faire appel aux compétences étrangères. Mais l'immigration divise.
Boycott d'Apple
Le président élu veut édifier un mur à la frontière mexicaine pour endiguer l'immigration clandestine. Il rejette également plusieurs accords de commerce international, accusés de détruire l'emploi aux États-Unis. Le milliardaire envisage aussi d'augmenter les taxes sur les produits importés, électroniques et chinois en particulier. Et certains craignent une réduction drastique des investissements publics dans la recherche scientifique. Trump dénonce le consensus international sur le réchauffement climatique, qui servirait la Chine et d'autres économies, au détriment de l'industrie américaine. Et remet en cause l'accord de Paris sur la question.
Donald Trump exhorte aussi les grands groupes américains à fabriquer et assembler leurs produits aux États-Unis. En début d'année, le magnat de l'immobilier a appelé au boycott (qu'il n'a pas respecté lui-même) de la firme de Cupertino et de ses produits, après que Apple a refusé d'aider le FBI à casser le chiffrement d'un iPhone d'un des auteurs de la tuerie de San Bernardino.
Cybersécurité offensive renforcée
En matière de cybersécurité, le président élu s'est prononcé le mois dernier pour « l'examen immédiat de l'ensemble de la cyberdéfense et des vulnérabilités des États-Unis, y compris des infrastructures critiques, par une équipe (Cyber Review Team) composée de militaires, de membres des forces de l'ordre et du secteur privé ». La sensibilisation des agents du gouvernement à ces problématiques est aussi au menu.
Plus largement, Trump souhaite que des groupes de travail fédéraux et locaux permettent de « développer les capacités cybernétiques offensives dont [les États-Unis ont] besoin pour décourager les attaques d'acteurs étatiques et non-étatiques, si nécessaire ». Durant la campagne, Donald Trump avait pourtant appelé les hackers russes « à trouver 30 000 courriels manquants » d'Hillary Clinton, mise sur la sellette pour avoir utilisé un serveur de mails privé alors qu'elle était secrétaire d'Etat.
Fermer en partie Internet
Donald Trump s'oppose à l'abandon par les États-Unis du contrôle des fonctions techniques d'Internet à un Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) réformé, porté par une communauté multipartite internationale. Mais le transfert a été officialisé par l'administration Obama, le 1er octobre dernier, au terme du contrat liant le Département américain du Commerce à l'Icann. Reste à savoir si le prochain dirigeant de la Maison Blanche pourra revenir sur cette décision.
La neutralité du Net est un autre dossier sensible. Lorsqu'il était candidat à l'investiture républicaine, Donald Trump déclarait déjà : « nous perdons beaucoup de gens [radicalisés] à cause d'Internet. Il faut que nous voyions Bill Gates et d'autres gens qui comprennent vraiment ce qui se passe. Il faut leur demander, peut-être dans certains endroits, de fermer Internet en partie, d'une manière ou d'une autre ».
Trump a également promis « un moratoire temporaire sur les nouvelles réglementations du régulateur » américain des télécoms, à savoir la FCC (Federal Communications Commission), observe Asrtechnica. Les règles de neutralité du Net, confortées par une décision de justice en juin dernier, pourraient donc être révisées. Les opérateurs Verizon et AT&T, sans oublier le câblo-opérateur Comcast, le souhaitent.
Pratiques fiscales d'Amazon ciblées
Si l'industrie des télécoms peut se réjouir de l'arrivée au pouvoir de Trump, ce n'est pas le cas d'Amazon et de son dirigeant Jeff Bezos. « Le Washington Post est la propriété de Jeff Bezos qui contrôle Amazon et utilise le média comme son jouet. Amazon s'en tire si facilement avec les taxes parce qu'il utilise l'influence du Washington Post afin que les politiciens ne taxent pas Amazon comme l'entreprise devrait l'être », déclarait le candidat en mai dernier. Une enquête fiscale sur le géant du commerce et des datacenters du Cloud serait envisagée par Donald Trump. On notera que, selon le New York Times, le milliardaire aurait lui-même évité, de manière légale, de payer l'impôt fédéral pendant vingt ans.
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Les serveurs de mails de Donald Trump utilisent Windows Server. 2003
crédit photo de une : Gage Skidmore via Visualhunt.com / CC BY-SA
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