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No-Code : beaucoup de promesses...et des limites

Le no-code accélère les développements tout en réduisant fortement les coûts. Quels sont les cas d’usage éligibles ? Quelles entreprises ont recours à cette approche ? Quels sont les freins à lever ? Éléments de réponse.

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No-Code : beaucoup de promesses...et des limites

Le no-code est appelé à rebattre les cartes du développement. En évitant le recours aux langages informatiques traditionnels, cette approche permet d’élaborer des sites et des applications web jusqu’à trois plus rapidement, pour un coût divisé au moins par deux.

Le no code constitue une des réponses à la pénurie de développeurs et à la volonté de réduire le
« time to market », facteur clé de la transformation numérique. Il participe, par ailleurs, à la digitalisation des TPE et PME aux budgets contraints.

Selon le cabinet d’études Gartner, 80 % des produits et services technologiques pourraient être conçus par des non-informaticiens à l’horizon 2024. Depuis une interface 100 % graphique, un
« maker » ou un « product builder » assemble des briques fonctionnelles pré-paramètres à la manière d’un Lego, établit le workflow de la future solution, puis la relie à une base de données.

En soi, la volonté de créer des applicatifs en utilisant le moins de code possible n’est pas nouvelle. Le phénomène remonte à quelques dizaines d’années avec les environnements de développement intégré (EDI) et les ateliers de génie logiciel comme Visual Basic de Microsoft ou WinDev.

Comment, dès lors, expliquer l’explosion du no code ? Pour Maxime Topolov, cofondateur de l’agence code.store, « le phénomène profite de la multiplication des APIs permettant à des applications front end ou à des tableaux de bord d’interagir avec les applications et les données de l’entreprise. »

1 No-code :  combler les lacunes des CRM

Quels sont les cas d’usage éligibles ? De la simple feuille de calcul au CRM sur mesure en passant par l’automatisation des processus métiers, le spectre est large.

« Dans le domaine de la gestion de la relation client ou de l’e-commerce, il y a beaucoup de niches verticales qui ne sont pas complètement couvertes par les solutions du marché comme Salesforce ou HubSpot, poursuit Maxime Topolov. Le no-code va, par exemple, permettre à un barbier de disposer d’un CRM dédié. »

Un des premiers projets no-code sur lequel a travaillé Christelle Curcio, cofondatrice et Chief makers officer du groupe Alegria, portait également sur un CRM destiné à un cabinet d’avocats.
« Il s’agissait de déterminer quels étaient les trois prospects les plus pertinents à inviter à déjeuner au cours du mois. Aucun logiciel du marché ne répondait à cette question. »

Le no-code permet aussi de pallier les lacunes fonctionnelles des progiciels métiers et autres ERP.

« Pour combler les trous dans la raquette, les opérationnels emploient, faute de mieux, Microsoft Excel ou Google Sheets », note Maxime Topolov.

Christelle Curcio­ abonde dans son sens. « Une solution sur étagère ne couvre pas 100 % des besoins d’une entreprise et celle-ci n’utilise vraiment que 10 % de ses fonctionnalités. L’éditeur déroule sa feuille de route produit et ne peut se permettre du faire du sur-mesure. »

Le recours au no-code favorise également l’automatisation de tous les processus manuels en particulier dans les métiers support de la finance, du marketing, de la communication, de l’IT ou des RH. Une entreprise se dotera, par exemple, d’un outil de réservation de salles de réunion ou d’un workflow interne pour valider les notes de frais.

« Cela permet à la fois de réaliser des gains de productivité et de libérer les énergies en déchargeant les collaborateurs qui effectuaient ces tâches répétitives et chronophages », observe Christelle Curcio.

Maxime Topolov cite comme autre exemple le cas d’une application développée pour gérer les petits-déjeuners au sein d’une chaîne d’hôtels. « Au lieu d’imprimer tous les matins une feuille A4 et de barrer les noms des clients présents, le personnel hôtelier utilise une tablette. Le nom du client associé à son numéro de chambre remonte automatiquement depuis l’ERP. »

Cofondateur et P.-D.G. de Cube, Pierre Launay s’est, lui, mis à Airtable et Make (ex-Integromat) en souhaitant justement maximaliser les processus de son agence. « J’ai rapidement perçu la valeur de ces outils. Une fois que l’on a goûté au no code, on cherche à optimiser toutes les tâches à faible valeur ajoutée comme réconcilier une facture et un devis. »

Le no code permet aussi, selon lui, de tester l’appétence d’un nouveau marché à un produit ou à un service. Il cite le cas de l’agence d’intérim Gojob qui souhaite exporter son modèle. « Elle a pu rapidement voir que le marché américain répondait favorablement à son offre, mais pas le marché britannique. »

2 Compléter le « vrai » code

Plus généralement, Christelle Curcio estime que la culture no code libère le potentiel de créativité. « Combien de fois j’ai entendu : si je savais coder, je ferais plein de choses. Designer de formation, j’étais, à titre personnel, frustrée de devoir m’arrêter au stade de la maquette. Aujourd’hui, je peux aller jusqu’au bout de mes idées sans dépendre du service IT. »

En ce sens, le no-code représente, à ses yeux, une vraie révolution technologique et sociétale. « Les ingénieurs ne sont plus les seuls à régir le monde numérique. Tout le monde peut devenir acteur de sa vie digitale. » Elle y voit aussi un levier d’inclusion et de féminisation.

Le groupe Alegria emploie 30 % de femmes et sa filiale formation, Alegria Academy, propose des promotions composées pour moitié d’étudiantes. L’apprentissage est à la fois plus facile et moins long.
« Il ne s’agit pas d’apprendre un langage, mais de comprendre les principes de modélisation et de base de données, la logique d’interface et d’intégration. »

Pour autant, le no-code n’est pas appelé à se substituer au codage en dur, mais à le compléter. Il y aura toujours besoin de développeurs traditionnels, ne serait-ce que pour maintenir des systèmes critiques de type ERP, reposant sur un existant fort (legacy).

À défaut de tout basculer en no-code, la méthode low code permet d’introduire un peu de code traditionnel dans un ratio de 90/10 ou de 80/20. « Il est plus facile de mettre un bout de JavaScript que de tout coder en dur », poursuit la dirigeante.

Autre avantage du no-code : sa capacité à transposer rapidement un besoin utilisateur en solution applicative. Pour Maxime Topolov, l’approche est inhérente aux procédés agiles. « En supprimant beaucoup d’étapes, le no code permet d’avoir des itérations de l’ordre de la journée. Il est, par ailleurs, possible de concevoir une application in situ à côté des utilisateurs. Cette co-construction éradique les erreurs de communication, les phases de formation et de conduite du changement. »

Pour Jean-Michel Maillet, User eXperience Digital Officer chez Colas Digital Solutions, l’approche low code-no code permet d’aller rapidement sur une maquette. « Proposer une restitution visuelle est beaucoup plus parlant pour l’utilisateur final. Il est aussi plus facile de se tromper. Si on fait un mauvais choix, on ne perd qu’une semaine et non pas des mois de développement. Revers de la médaille, il faut freiner les ardeurs du métier qui multiplieraient sinon les réajustements. »

3 Cœur de cible du  no-code : les PME

Quel est le profil type de l’entreprise qui a recours au no-code ? « Les start-up sont très au fait des possibilités des technologies du low/no-code, juge Maxime Topolov. Mais elles les utilisent parfois de manière anarchique et il faut les freiner. À l’inverse, les DSI des grands comptes sont encore réticentes et se posent pas mal des questions en termes de sécurité et de conformité. »

Entre les deux, « les PME voient, depuis la crise sanitaire, les bénéfices de la digitalisation et souhaitent optimiser leurs process tout en ayant des contraintes de coût. Pour de 3 à10 K€, elles peuvent avoir une application sur mesure pour traiter les tickets de support ou superviser leur workflow financier. »

Le premier obstacle sur le chemin d’une entreprise qui s’initie au no code porte sur le choix d’outil. Comme toute industrie naissante, il existe une multitude de solutions – Alegria en a recensé plus de 800 ! – ce qui poste question de leur pérennité.

« Tous les éditeurs ne vont pas survivre », estime Maxime Topolov qui conseille de privilégier les systèmes bien installés. « En même temps, la solution peut se faire racheter et le coût de migration d’un outil à un autre est relativement faible. »

En attendant qu’un mouvement de consolidation s’opère, quelques noms se détachent comme Webflow pour la conception de site web, Adalo ou Bubble pour le développement full stack d’applications web, Notion pour la gestion de contenu, Shopify dans l’e-commerce, Make et Zapier pour l’automatisation des processus.

4 Airtable ou Smartsheet : des  Excel 2.0

Se présentant comme des Excel 2.0, Airtable ou Smartsheet permettent, eux, de créer des tableaux de bord personnalisés et d’automatiser les flux de travail.

Une entreprise sélectionnera le meilleur outil en fonction de la typologie de projet ou de la présence ou non de compétences internes. Elle tiendra aussi compte de ses contraintes en termes de sécurité et de conformité. S’agissant de solutions cloud distribuées par des éditeurs pour la plupart américains se pose, en effet, la question de la confidentialité des données personnelles au regard du RGPD.

Si Bubble ou Airtable proposent, moyennant un coût supplémentaire, de basculer sur la région Europe de leur cloud provider, d’autres éditeurs comme Retool ou n8n permettent d’héberger les données dans un serveur d’entreprise.

Il est aussi possible de recourir à une solution open source comme Appsmith et BaseRow ou de faire le choix du made in France avec des acteurs tels que WeWeb ou Fortia, dédié au monde de la finance.

5 Poser un cadre de gouvernance

Enfin, il convient pour une entreprise de poser des règles de gouvernance. En fonction de l’existant et du niveau d’intégration au système d’information, quels projets sont éligibles ou non au low code-no code ?

Pour répondre à cette question, le groupe Colas a fondé un centre d’excellence dédié et ouvert une usine de développement consacré au low code-no code à côté de celles pour les environnements PHP et. Net. Colas mène, en parallèle, une politique en faveur des citizen developers, ces experts métiers qui, grâce au low code-no code, créent en toute autonomie leurs applications.

Le leader mondial du BTP identifie les collaborateurs qui ont conçu des applications utilisées par plus d’une personne afin de les accompagner, les guider dans leurs choix, mais aussi les sensibiliser aux risques. « Quand une application devient critique, il faut pouvoir la reprendre en central afin de la maintenir en cas de départ ou de congé de son créateur », avance Jean-Michel Maillet.

Un projet low code-no code reste un projet comme les autres avec ses exigences de qualité et de maintenabilité.

Illustration : @Adobestock

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