Véhicules autonomes : les données, carburant de demain
Les véhicules connectés aggravent les risques liés à la cybersécurité et il convient d'affronter cette difficulté pour que les véhicules autonomes puissent réaliser pleinement leur potentiel.
Les constructeurs envisagent aujourd'hui un avenir qui leur offre la possibilité d'analyser divers éléments d'information issus de systèmes de véhicules différents afin de mettre en évidence certains points - habitudes de conduite, lieux visités fréquemment, goûts musicaux et autres nombreux éclaircissements sur le comportement de leurs clients. Quant à l'automobiliste, à supposer qu'il ne s'oppose pas à cette démarche, les avantages susceptibles d'être retirés de cet accès organisé à ses données sont légion.
Depuis l'alerte sur de possibles problèmes de maintenance via un suivi à distance du diagnostic de son véhicule ou l'appel d'urgence automatique en cas de panne jusqu'aux offres et contenus ciblés des systèmes d'info-divertissement destinés à optimiser son expérience de conduite, il ne manque pas d'exemples d'utilisation, pilotés par des données et centrés sur la mise à disposition de fonctionnalités et services inédits aux automobilistes et à leurs passagers.
Pour autant, comme le fait observer une étude de 2017, signée McKinsey & Company, sur la monétisation des données automobiles, « Quelles que soient les fonctionnalités auxquelles les données automobiles donnent le jour, il est matériellement impossible d'en retirer une quelconque valeur ajoutée si les clients ne perçoivent pas l'intérêt de celles-ci » et, c'est peut-être là le point le plus important, « les clients doivent être convaincus que les données communiquées de la sorte seront stockées et exploitées de manière responsable ».
Face à une économie des données dont nous mesurons inévitablement les conséquences, nous abordons aujourd'hui un tournant dans l'ordre moral, la responsabilité éthique et l'action publique. La manière de décider collectivement des règles du jeu à appliquer à cette économie des données est l'une des plus grandes difficultés auxquelles se heurtent les décideurs aujourd'hui.
Sans doute les automobilistes auront-ils prochainement la possibilité d'acheter ou de louer pour le week-end des services pilotés par logiciels - outils de navigation enrichie, logiciels de détection des angles morts, voire de gestion de la motorisation et de la suspension - afin de préparer leur puissant bolide à une course sur circuit ou à un long trajet routier.
Les constructeurs, de leur côté, recueilleront tellement de données en provenance de leurs véhicules en circulation, en temps réel, qu'ils seront en mesure de perfectionner leurs futurs modèles, jusqu'à être capables d'isoler les manettes à évincer du tableau de bord puisqu'elles ne sont d'utilité pour personne. Sans doute est-ce difficile à croire mais aujourd'hui, les constructeurs disposent de très peu d'informations sur leurs véhicules, une fois sortis de concession.
Avec les véhicules connectés, les données remonteront vers les constructeurs automobiles, favorisant ainsi les mises à jour logicielles en temps réel.
À l'avenir, les données issues de véhicules connectés, truffés de capteurs, pourraient même être regroupées et partagées avec les municipalités. Et celles mettant en évidence l'utilisation intensive de la pédale de frein par une matinée glaciale, par exemple, pourraient ainsi alerter les édiles sur la présence de dangereuses plaques de verglas nécessitant le salage de la chaussée.
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Par tous les moyens, les constructeurs automobiles s'efforceront de tirer parti des données produites par leurs véhicules. Sachant que leurs volumes progressent de manière exponentielle à mesure que les logiciels et l'électronique deviennent les principaux équipements de différenciation entre des catégories de véhicules analogues.
Lux Research fait observer que, d'ici à 2030, l'électronique et les logiciels représenteront 50 % des coûts d'un véhicule, contre 30 % environ aujourd'hui, et ce alors que l'offre logicielle des véhicules autonomes sera revue à la hausse, passant de moins d'un milliard à 25 milliards de dollars.
Les voitures de luxe contemporaines sont d'ores et déjà des merveilles d'ingénierie logicielle et électronique, embarquant en moyenne plus de 100 millions de lignes de code et de six à huit systèmes d'exploitation.
De fait, un seul véhicule connecté génèrera davantage de recettes que dix modèles traditionnels. En outre, huit cadres sur dix dans le secteur automobile affirment que les données alimenteront leurs futurs modèles économiques et 83 % sont convaincus qu'ils gagneront de l'argent à partir de ces données.
Ces informations étant très convoitées - nombre de géants de la technologie fondant leurs modèles économiques sur la monétisation de celles-ci - il convient de noter que le transfert en toute sécurité et non l'exploitation des données pour en tirer profit sera certainement l'une des priorités des consommateurs et l'un des enjeux majeurs de notre société à l'avenir.
En dépit des formidables perspectives offertes, les véhicules connectés aggravent les risques liés à la cybersécurité et il convient d'affronter cette difficulté pour que les véhicules autonomes puissent réaliser pleinement leur potentiel.
De nouvelles surfaces d'attaque viennent sans cesse se greffer sur les véhicules au travers d'éléments divers tels que capteurs, directions, freins, accélérateurs automatisés, systèmes d'info-divertissement, applications mobiles et systèmes de verrouillage à distance. À l'instar de tout autre produit ou écosystème, à mesure que le nombre « d'objets » connectés augmente dans l'habitacle, il en va de même de la surface d'attaque et des risques de menaces.
Au cours de ces dernières années, la quasi-totalité des équipementiers ont été victimes de piratage, nous faisant comprendre que la sécurité ne peut s'envisager après coup, et est tout sauf une option. Elle doit être intégrée aux véhicules et à leurs composants à chaque stade du processus.
Concrètement, cela revient à sécuriser la chaîne logistique, à utiliser uniquement des composants fiables, à assurer un suivi sur le terrain et à réagir rapidement aux menaces.
Charles Eagan, Directeur des nouvelles technologies (CTO) - BlackBerry.
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