Christophe Charbonnier, DSI de MPSA : « Nous achevons la migration de nos VM et de nos conteneurs applicatifs dans le Cloud ».

Christophe Charbonnier, DSI de MPSA, retrace les évolutions de son système d’information aux défis de la logistique, du négoce de pneus et de pièces techniques automobiles avec les garagistes.

Créé en 1908 à Cannes, le groupe familial MPSA distribue 3,5 millions de pneumatiques par an, soit près de 12% du marché français. Il réalise un chiffre d’affaires de 270 millions € avec un effectif de 350 salariés.

Son DSI Christophe Charbonnier, revient sur ses choix technologiques – dont le cloud hybride et le réseau SD-WAN – et les résultats obtenus.

Quel a été votre parcours jusqu’au groupe MPSA dont vous êtes le DSI ?

J’ai rejoint Massa Pneus il y a 25 ans, juste avant le passage en l’an 2000. À ce moment-là, le réseau  comptait 25 agences. Il a compté jusqu’à 120 agences en 2014, année de sa cession au groupe Continental qui pouvait ainsi gonfler son enseigne Best Drive.

Depuis dix ans, l’activité de grossiste en entretien automobile de MPSA se développe via Internet au service de 13 000 clients garagistes. Notre plateforme logistique de Beaune emploie 100 salariés qui livrent ces professionnels à j+1 ou j+2. Sa superficie de 40 000 m2 comprend un dépôt en six cellules dont cinq sont consacrées au stockage de pneus et de pièces auto. De plus, 9 dépôts régionaux de plus petite taille traitent les commandes deux fois par jour, assurant des livraisons éloignées plus rapidement.

Quels sont les défis principaux à relever pour répondre aux exigences du métier ?

Nos services informatiques, composés de 22 collaborateurs et de quelques alternants, doivent être réactifs et interopérables pour répondre à la fois aux attentes des visiteurs du site Avatacar et à celles des professionnels exploitant notre plateforme logistique.

Notre stock national, nos dépôts régionaux et nos délais de livraison courts contribuent à bâtir ces prestations. MPSA demeure néanmoins un groupe familial avec encore peu de sous-traitance. Nous conservons un héritage d’applications Windev et de logiciels d’émission et d’archivage des factures développés avec API (ex-Prologue numérique). Nos programmes conçus pour le Web, en langage php le plus souvent, sont hébergés dans le cloud et ne représentent pas plus de 20% de nos traitements.

Quelle est l’évolution principale du métier de DSI au niveau de l’organisation  ?

Avec le web, puis le cloud, les responsabilités des partenaires IT évoluent. L’externalisation d’infrastructures et de services devient la règle. La mise en place de réseaux exigeait autrefois plus de travail à mesure que le nombre d’agences à connecter augmentait. Ce n’est plus le cas à présent.

La DSI peut se consacrer pleinement aux projets business. Je travaille beaucoup avec les métiers, en phase avec la direction. Nous partageons avec le directeur général, Cédric Massa, des idées sur les transformations numériques à mener, puis dressons une stratégie. Ensuite, je priorise les projets pour mettre en œuvre cette stratégie.

Quels projets pilotez-vous actuellement  ?

Côté infrastructure,« Nous avions deux hébergeurs régionaux (Koesio Noeva et Monaco Telecom) et basculons vers le cloud AWS en mode VMware pour rationaliser nos traitements externalisés.

Orange nous accompagne dans cette migration cloud. Nous disposons encore d’une quinzaine de sites connectés en MPLS que nous allons regrouper derrière un réseau SD/WAN.

En 2024, il nous faut amener de la cybersécurité partout ; l’approche Zero Trust devient incontournable. Et nous démarrons la transformation de nos services web éligibles vers des applications cloud natives, de sorte à pouvoir équilibrer les workloads sur plusieurs centres de données.

L’IA figure-t-elle à votre agenda ? Comment préparez-vous votre système d’information ?

Dans ce domaine, les applications de logistique devraient être servies en premier.

Une prédiction optimale des ventes à partir d’un datalake pourrait nous aider à déterminer un stock type par saison, à le mettre en place pour mieux servir 13 000 comptes clients aux profils distincts, tout en affinant nos tarifs.

Actuellement nous stockons environ 600 000 pneus sur 5 000 références, toutes marques confondues. Plutôt que de foncer vers les IA génératives souvent biaisées, j’envisage la mise en œuvre du Machine Learning au service du négoce de pneus.

Par ailleurs, pour soutenir notre expansion internationale, l’IA pourra nous aider à automatiser la collecte de fiches marketing et d’argumentaires commerciaux, ce qui optimisera notre position sur les moteurs de recherche.
Mes techniciens évaluent l’apport de l’IA au développement, lors des revues de codes. Les administrateurs s’y penchent aussi, mais je leur recommande la plus grande prudence lorsqu’on ignore la politique d’alimentation des données.

Au CIP Med,  dont je suis vice-président, nos réflexions sur le low code et l’IA nous amènent à constater l’ampleur des changements en cours et la nécessité de partir sur de bonnes données.

Du code plus simple à créer et des infrastructures externalisées procurent l’opportunité de nous rapprocher davantage des métiers. Mais le risque de shadow IT augmente avec des bouts d’IA et de low code assemblés par des stagiaires durant l’été, encouragés par les métiers. On ne va pas manquer de travail à la rentrée ! C’est inévitable.

De nouvelles compétences doivent-elles rejoindre votre équipe ?

On s’acculture aux hyperscalers AWS et Azure, à leur scalabilité.

À mesure que nous montons en compétences sur le Cloud, FinOps compris, je note que notre informatique devient plus attractive.

Nous attirons de jeunes talents de Sophia-Antipolis, prêts à s’atteler à la création de tenants (NDLR : nuages privés pour stocker les données des locataires). En outre, nos premières migrations vont retirer des freins à l’émergence de l’IA et à d’autres services évolués. Elles encouragent l’optimisation de notre chaîne CI/CD et de nos pratiques DevOps, alors que je prévoyais de les faire progresser avant de migrer vers le cloud.

J’évalue à deux ans le délai requis pour maîtriser l’écosystème d’un acteur comme AWS ; il y a bien une courbe d’apprentissage. Depuis notre choix de migrer notre bureautique sous Office 365, nous sommes déjà en multicloud.

Les containers d’AWS et l’IA vont nous conduire vers davantage de clouds hybrides. Mais nous devons veiller aussi à ne pas laisser sur le bord de la route des informaticiens expérimentés sur des technologies plus anciennes.

Comment parvenez-vous à rendre les garagistes moins hermétiques au numérique ?

Depuis 2020, notre socle cloud hybride soutient les échanges numériques d’un réseau de 13 000 garagistes, dont 1500 partenaires monteurs et près de 300 franchisés.

Notre rôle consiste à aider les mécaniciens réparateurs automobiles à se numériser. Ces dépanneurs de proximité sont appréciés pour leurs compétences et leur sens du service, mais le numérique les rebute parfois encore.

Grâce à notre webapp, fonctionnelle sur mobile comme sur desktop, ils peuvent suivre toute la prestation commandée en ligne par le client final. Ils disposent d’une gestion d’agenda et reçoivent une notification de rendez-vous lorsqu’un devis est accepté. Des photos captées par un simple smartphone peuvent aider le garagiste à vérifier l’état du véhicule. De plus, il obtient une liste de points de contrôle facilitant le suivi de leurs prestations et fournit toutes les données utiles au back-office jusqu’à la restitution du véhicule au client.

Photo : Christophe Charbonnier © DR Olivier Bouzereau