La réforme territoriale, frein au déploiement du très haut débit ?
La question de la réforme territoriale sous-tendait le premier débat des 8e Assises du très haut débit qui portait sur les financements des infrastructures très haut débit («?Argent public ou privé?: quels investisseurs pour quels investissement?») et particulièrement celle du plan Très Haut débit pour tous du gouvernement et le déploiement de la fibre optique à domicile (FTTH). Un plan estimé à 20-25 milliards d'euros pris en charge pour un tiers par les opérateurs privés (sur les zones denses) et deux-tiers par les investissements publics. La question avait déjà jeté le trouble sur l'action numérique lors d'un colloque de la FNCCR (Fédération Nationale des collectivités concédantes et régies), organisé début juin.
Arrêtons de nous faire peur et avançons
Pour Xavier Vignon, président de la société Sogetrel et vice-président de la Firip (Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique), « il y a un vrai risque [avec la réforme territoriale] car cela crée de l'insécurité et de l'incertitude, et les entreprises en ont horreur car cette incertitude nuit au chiffre d'affaires qui empêche les investissements et les embauches ». Pour lui, la dynamique de déploiement du très haut débit (THD) dans les territoires repose sur la stabilité de l'article L1425-1 du code général des collectivités territoriales (qui encadre la création et l'exploitation des infrastructures et réseaux de communications électroniques). « De ce que l'on voit, l'Etat n'a pas pu s'empêcher de rajouter des petits codicilles à droite et à gauche qui créent le trouble et vont freiner les investissements dans les RIP [réseaux d'initiative publique) », estime-t-il. Le responsable craint aussi la période de transition inévitable dans le transfert des responsabilités aux régions. « Qui va gérer l'intérim en attendant que la région prenne le contrôle des projets. On a besoin d'avoir des réponses à ces questions comme les élus. Or je pense que dans les 6 mois ce ne sera toujours pas résolu et ça c'est très inquiétant. »
Une vision que Hervé Rasclard, vice président de l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel), et président du syndicat mixte Ardèche-Drome Numérique (qui déploie depuis 5 ans un réseau en fibre optique), se refuse de partager. S'il reconnaît qu'il est effectivement « vraiment temps d'orienter le pays pour construire l'économie du savoir et de la connaissance [.] il est faux de dire qu'il ne se passe rien. » Pour lui, l'impulsion a été donnée il y a un an et il faut la saisir. « Il y a une orientation aujourd'hui essayons de l'accompagner au-delà des rendez-vous et des courants politiques. Il y a un grand réseau très haut débit à construire de 20-25 milliards, c'est le chantier de relance dont le pays a besoin. Aujourd'hui on a des industriels et des collectivités prêts à investir, l'Etat qui va annoncer dans quelques temps que les financements sont au rendez-vous. Arrêtons de nous faire peur et avançons. »
L'extinction du cuivre en question
Pour avancer, au-delà de la réforme territoriale et des financements de l'Etat, « il faut qu'un vrai modèle économique soit au rendez-vous en donnant de la visibilité, notamment par l'extinction du cuivre. C'est le seul sujet qui me préoccupe aujourd'hui, pour le reste, je suis confiant pour avancer. »
Une vision dans laquelle Christophe Genter, chef du service Investissements et gestion des actifs numérique de la Caisse des dépôts (CDD), abonde. « Les investisseurs ont besoins de visibilité en termes de revenus, donc du risque commercial sur le FTTH. » Ce qui ramène à la coexistence entre cuivre et fibre sur laquelle la mission Paul Champsaur doit prochainement rendre ses conclusions. « Si on pouvait imaginer avoir un horizon de bascule du cuivre vers le FTTH dans les région déployées, cela permettrait aux investisseurs de fiabiliser les revenus et le business plan. On attend la conclusion de la mission. »
Incertitudes du secteur
Mais selon le responsable, les investisseurs sont également freinés par les incertitudes du secteur des télécoms en pleine restructuration en France (avec le rachat de SFR par Numericable et l'incertitude autour de Bouygues Telecom) et leurs difficultés à investir à la fois dans les réseaux mobiles et fixes. « La situation engendre des doutes du côté des investisseurs. » Enfin, Christophe Genter partage l'analyse de ses voisins sur la réforme territoriale. « Le chantier de la réforme pas de nature à rassurer les investisseurs. » Pas plus que l'instabilité du régime réglementaire. « Il faudra peut-être faire quelques efforts en France pour le figer. »
Un avis que partage Xavier Vignon. « Les opérateurs privés n'investissent plus car ils perdent de l'argent. A cause du cadre réglementaire qui n'arrête pas de bouger depuis 4 ans. Donc la question n'est pas quels investisseurs mais qu'est-ce qu'il faut faire pour que les investisseurs aient envie d'investir », conclut-il.
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