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Steve Ballmer : 5 questions autour d'un départ

En pleine transformation, Microsoft doit se trouver un nouveau leader. Et combler le vide que laissera un dirigeant à la personnalité aussi affirmée que Steve Ballmer. Autant dire que le départ annoncé de Steve Ballmer suscite plus de questions qu'il n'apporte de réponses.

Publié par La rédaction le | Mis à jour le
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Steve Ballmer : 5 questions autour d'un départ

Steve Ballmer a-t-il été poussé vers la sortie ?

Selon les sources anonymes interrogées par la presse américaine, c'est Ballmer lui-même qui aurait planifié son départ. Des réflexions qui remontent à 18 mois ou deux ans, selon Reuters. Le New York Times confirme d'ailleurs que Ballmer en personne a rencontré au cours des 8 derniers mois des profils susceptibles de lui succéder, des dirigeants ayant une expérience de la transformation d'entreprise. Dans l'industrie IT et en dehors.

Mais, pour AllThingsDigital, Steve Ballmer n'avait toutefois pas prévu de quitter si vite la société qu'il a rejointe dès 1980, après avoir fait la connaissance de Bill Gates sur les bancs de Harvard. Une hypothèse des plus probables : si Ballmer avait préparé l'annonce de son départ de longue date, Microsoft aurait certainement, comme il est d'usage en pareil cas, annoncé le nom de son successeur dans la foulée. Or, dans le cas présent, l'éditeur s'est donné un an pour donner le nom du remplaçant de son actuel PDG.

S'il avait planifié son départ à cette date, on voit également mal pourquoi Ballmer aurait annoncé une réorganisation majeure de la firme (avec l'organisation Microsoft One) il y a seulement quelques semaines. Dans son mémo adressé aux employés de la société, le PDG écrit d'ailleurs : « à l'origine, mon idée était de prendre ma retraite au milieu de notre transformation vers une entreprise focalisée sur les services et les devices (le but affiché de la restructuration, NDLR) ». Preuve que quelque chose ou quelqu'un a accéléré le processus.

Pourquoi maintenant ?

Mis sous pression par la chute des ventes de PC - auxquels les consommateurs préfèrent désormais les terminaux mobiles -, Microsoft traverse une passe difficile : la perspective de résultats trimestriels (le premier trimestre fiscal 2014 de l'éditeur, qui sera publié le 23 octobre) encore peu brillants et le ralentissement des ventes de Windows 8 (voir le graphique produit par l'analyste Horace Dediu) auraient précipité la décision du conseil d'administration et de Steve Ballmer d'amorcer une nouvelle ère, selon AllThingsDigital.

Au-delà, Steve Ballmer semble payer une addition bien longue de diversifications et d'offensives stratégiques ratées ou inabouties : incapacité à concurrencer réellement Google dans la recherche (alors que Microsoft a dépensé environ 3 Md$ dans son moteur Bing), rachat de la régie publicitaire aQuantive (pour lequel l'éditeur a passé une charge exceptionnelle de 6,2 Md$), acquisition avortée de Yahoo!, perte du leadership dans les navigateurs Internet, rachat de l'éditeur de réseaux sociaux Yammer (pour 1,2 Md$), une tendance que Microsoft a laissé passer sans réellement réagir malgré la proximité de ses outils (Office, SharePoint.) avec ce type de fonctionnalités.

Mais, plus que tout, Steve Ballmer paye le leadership perdu de Microsoft dans la mobilité. L'année de la mise sur le marché de l'iPhone - en 2007 -, le premier éditeur mondial contrôlait en effet 60 % du marché des OS mobiles. Pris de court par l'offensive d'Apple - dont Ballmer a alors publiquement nié la pertinence - puis par la réponse de Google avec Android, Microsoft n'a répondu à la percée des smartphones modernes, dotés d'écrans tactiles, qu'en fin d'année 2010, avec l'arrivée de Windows Phone 7. Malgré l'accord avec Nokia, Redmond ne contrôle aujourd'hui que 3,7 % du marché mondial des smartphones, selon IDC. Loin derrière Apple (13,2 %) et surtout Android (79,3 %).

Qui pour succéder à Ballmer ?

Si le conseil d'administration s'est donné un an pour choisir le futur PDG de la société, c'est aussi parce qu'aucun dauphin ne se dégage clairement en interne. Certes quelques candidats (surtout Tony Bates, l'ex-patron de Skype, et surtout Satya Nadella, responsable du Cloud et des offres aux entreprises) apparaissent crédibles, mais les analystes penchent majoritairement pour un recrutement externe.

L'analyste Jack Gold, de F. Gold Associates, résume assez bien le sentiment général : « ce dont ils ont besoin, c'est d'un leader donnant un cap nouveau, un visionnaire capable de ramener l'innovation et de fournir aux consommateurs des produits pour lesquels ils ont envie de dépenser de l'argent. Faute d'un leader de ce type, Microsoft poursuivra son déclin continu, même si ce dernier est lent. » Les analystes évoquent diverses hypothèses : le recrutement d'un dirigeant externe à l'industrie high-tech ou le retour d'un ex-Microsoft parti sous d'autres cieux (Stefen Elop chez Nokia, Paul Maritz, PDG de VMware jusqu'à l'année dernière, ou encore Kevin Johnson, qui vient de quitter Juniper).

Le retour de Bill Gates ?

C'est l'hypothèse (un peu folle) dont plusieurs journaux américains se font l'écho. Assurément, le fondateur, déchargé de toute fonction opérationnelle depuis 2008 et qui se consacre officiellement à sa fondation, serait bien accueilli en interne et par le conseil d'administration, dont il reste le président.

L'hypothèse séduit en tout cas David Cearley, un analyste de Gartner. Chez nos confrères de Computerworld, il explique : « nous sommes au début d'un processus de recherche et bien des choses peuvent se produire en un an. Si les choses s'effondrent, si l'entreprise va mal ou si la réorganisation ne fonctionne pas, le scénario du retour de Gates, comme facteur de stabilisation, apparaît crédible. »

Ce dernier possède toujours 4,8 % de la société qu'il a cofondé en 1975. Soit près de 14 Md$. Une bonne raison de mouiller la chemise. D'autant que des rumeurs internes ainsi que divers indices attribuent à Bill Gates un rôle dans le lâchage de Steve Ballmer, qu'il avait jusqu'alors toujours soutenu. Les observateurs s'étonnent par exemple de ne pas voir Ballmer citer son habituel compère dans son mémo aux employés les informant de son départ.

La stratégie Microsoft One va-t-elle perdurer ?

En juillet, Steve Ballmer a annoncé la mort de l'organisation traditionnelle de Microsoft, fondée sur des divisions travaillant de façon autonome. Une organisation qui a permis à Microsoft de défendre les vaches à lait que sont Office et Windows, mais pas de sauter dans le bon wagon quand le marché s'est orienté vers les terminaux mobiles. La réorganisation dessinée par Ballmer désolidarise le développement produits (éclaté au sein de quatre structures) des autres fonctions (marketing, finance.).

Reste que, si cette nouvelle organisation est appuyée par le conseil d'administration, on voit mal le nouveau PDG épouser purement et simplement les plans de son prédécesseur. Nul doute que le futur dirigeant du premier éditeur mondial, particulièrement s'il vient de l'extérieur, voudra imposer sa marque sur l'organisation.

Une stratégie purement financière ?

Le départ de Steve Ballmer a provoqué une euphorie boursière, le titre Microsoft bondissant à la bourse suite à l'annonce. Un signe qui ne trompe pas. Pour les investisseurs, la stratégie du futur ex-PDG se traduit surtout par un porte-feuille de produits trop hétérogènes (de la console de jeux à l'ERP), sans réelle cohérence et dont de nombreux pans ne sont pas suffisamment rentables.

Entre 2000 (première année du « règne » Ballmer) et 2013, le chiffre d'affaires de l'éditeur a certes été multiplié par plus de 3, mais le taux de profitabilité nette de l'entreprise a reculé nettement (de 41 à 28 %). Et Microsoft n'a plus l'image de cette société en pointe sur l'innovation technologique qu'elle avait encore quand Steve Ballmer a pris les rênes. Conséquence : en 13 ans de direction de Steve Ballmer, la capitalisation boursière de Microsoft est passée de 600 Md$ à moins de 270 Md$.

Les investisseurs mécontents espèrent donc voir Microsoft se délester de ses divisions les moins rentables - en les revendant ou en donnant leur autonomie à ces nouvelles filiales - et leur retourner une partie du trésor de guerre qu'il a accumulé (77 Md$) en dividendes ou en rachats d'actions. C'est un peu le sens de la démarche de ValueAct Capital Management LP, un investisseur qui a acheté pour 2 Md$ de titres de l'éditeur et qui réclame un poste au conseil d'administration afin de peser sur les décisions stratégiques de la société. Un fonds activiste dont les ambitions inquiètent les administrateurs de la société et dont l'offensive pourrait avoir précipité le départ de Ballmer.

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