Comment l'Etat achète mieux son informatique
Depuis plus d'un an, la Dinsic et la Direction des achats de l'Etat (DAE) définissent des stratégies communes pour les achats informatiques de l'Etat. Vincent Marchal, de la Dinsic, détaille les premiers résultats de ce travail commun. Et les perspectives qu'il ouvre.
Mieux acheter, acheter ensemble, peser davantage face aux fournisseurs, réduire les dépenses. Les achats informatiques de l'Etat ont une teinte de plus en plus interministérielle. Précisément depuis que deux services de l'Etat ont accentué leur collaboration : la Dinsic (Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication) et la nouvelle Direction des achats de l'Etat, ou DAE (crée en mars 2016, anciennement SAE).
La première porte la convergence technologique sur le périmètre du SI de l'Etat créé par le décret du 1er août 2014. La seconde s'appuie sur ces orientations techniques pour concevoir des stratégies et des supports d'achat interministériels. Renforcée, cette répartition des rôles porte aujourd'hui ses fruits.
Vitam et Cloud de l'Etat : deux chantiers emblématiques
Plusieurs grands marchés illustrent ainsi cette approche concertée. Citons parmi eux Vitam, futur socle d'archivage électronique interministériel. Pour ce programme, rattaché à la Dinsic, des accords cadres innovants ont été signés, alignés sur le besoin des équipes de disposer d'une organisation souple, agile et ouverte sur des compétences Big Data. Des compétences qui sont la plupart du temps concentrées au sein de petites ESN spécialisées, principalement des PME.
Autre marché interministériel innovant : le Cloud externe de l'Etat. Là encore, une répartition précise des rôles a permis, sur la base d'un besoin technique clairement défini, d'initier un processus d'identification des fournisseurs potentiels (sourçage), pour au final aboutir à une mise en concurrence réussie. Ce marché interministériel a aussi été proposé à plusieurs établissements publics. Le tout, sur un domaine, le Cloud, nouveau pour l'Etat.
Les couches basses du SI, cible des achats mutualisés
Au-delà de ces deux chantiers, c'est bien l'ensemble du périmètre SI que couvre le tandem Dinsic-DAE. A commencer, dès 2012, par le RIE (réseau interministériel de l'Etat) dont les deux entités ont bâti les marchés. Reposant une massification des accès et une très forte mise en concurrence des opérateurs, ils ont permis de faire baisser les coûts, notamment sur le périmètre des réseaux capillaires.
Plus récemment, c'est la modernisation de la téléphonie qui a fait l'objet de nouveaux supports d'achats mutualisés (équipements IPBX, services opérateur et mobiles). Ces derniers seront prochainement adossés à une doctrine technologique visant à orienter la transition des réseaux de l'Etat vers la téléphonie sur IP.
Le segment des matériels d'infrastructure (serveurs et systèmes de stockage) sera quant à lui couvert d'ici 2018 par un seul support d'achat interministériel. A noter que ce support unique existe déjà depuis fin 2015 pour les mainframes avec, à la clef, une économie d'environ un million d'euros par an.
Logiciels : priorité au « top 10 »
L'autre champ d'intervention de la Dinsic et de la DAE concerne logiquement les achats de logiciels. L'objectif : réduire autant que possible les négociations bilatérales engagées avec les éditeurs, lesquelles aboutissent la plupart du temps à des contrats désavantageux pour les ministères, en dépit de conditions initiales pourtant alléchantes. Dans ce contexte, une priorité a été donnée à la mutualisation des acquisitions de licences et des services associés sur le périmètre des 10 premiers fournisseurs de logiciels de l'Etat.
Les premiers résultats visibles de cette stratégie concernent Oracle. Fruit d'une négociation d'un an, l'accord cadre signé courant 2015 avec l'éditeur repose notamment sur une portabilité des licences entre ministères. Ainsi, chaque fois qu'un ministère se désengage de la base Oracle, il offre la possibilité à un autre de récupérer ces licences. Dans la foulée de cette première réussite, la DAE et la Dinsic se concentrent aujourd'hui sur les enjeux de support personnalisé pour les solutions de Microsoft.
Gestion des actifs logiciels
Par ailleurs, pour renforcer cette stratégie sur le « top 10 », les deux directions engagent de concert une démarche de gestion des actifs logiciels (ou SAM pour Software Asset Management). Ce chantier de longue haleine consiste à cartographier le patrimoine logiciel des ministères pour mieux le piloter, avec une attention toute particulière portée à la gestion des licences. En maitrisant les contours de son parc applicatif et en connaissant le poids de chaque fournisseur, l'Etat sera dans une meilleure position pour entamer d'éventuelles négociations avec eux. Il saura également anticiper les risques, quelle que soit leur nature : techniques, RH ou juridiques.
Ces derniers englobent en particulier les procédures d'audits menées par les éditeurs, lesquelles donnent parfois lieu à de lourds contentieux. La Dinsic et la DAE sont d'ailleurs en train de finaliser un guide pour aider les ministères engagés dans ces procédures d'audit à adopter les bons réflexes.
Dernier grand chantier : les prestations intellectuelles
Reste un dernier grand chantier à investir : les prestations intellectuelles informatiques. Pesant pour un quart des dépenses d'achat sur le SI de l'Etat, elles se prêtent moins naturellement à la mutualisation contractuelle que les sujets d'infrastructure et de logiciels, plus sensibles au volume d'achat. Et pour cause, ces prestations dépendent fortement des organisations et des stratégies des DSI ministérielles. Elles exigent ainsi une forte prise en compte de leurs
spécificités. Pour autant, les sujets candidats à la mutualisation ne manquent pas : développements, tests, expertises pointues. Autant de thèmes qui, dans une vision interministérielle, vont dans le sens d'une convergence des pratiques et de l'unification du SI de l'Etat.
Par Vincent Marchal, en charge de la stratégie et de la performance des achats IT de l'Etat à la Dinsic (Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication).
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