Le rapport cybercriminalité préconise un « Schengen du numérique »
Commandé par quatre ministères, ficelé depuis février 2014, le rapport sur la cybercriminalité a été officiellement remis lundi à la Chancellerie. Protéger davantage les internautes, encadrer les fournisseurs et affûter la réponse répressive sont au menu.
Éventé avant sa diffusion officielle, le rapport sur la cybercriminalité a été remis, lundi 30 juin, à la garde des Sceaux Christiane Taubira, aux ministres Arnaud Montebourg (Économie) et Bernard Cazeneuve (Intérieur), et à la secrétaire d'État Axelle Lemaire (Numérique). Pour mieux protéger les internautes, adapter la réponse répressive à l'évolution du marché et clarifier le droit relatif aux prestataires techniques, le groupe de travail interministériel présidé par Marc Robert, procureur général près la cour d'appel de Riom, formule 55 recommandations.
Un « Schengen du numérique »
Le rapport de 277 pages - complété de 207 pages d'annexes - prévoit notamment la création d'une Délégation interministérielle à la lutte contre la cybercriminalité, placée directement sous l'autorité du Premier Ministre. Le groupe de travail préconise également la création d'un Centre d'alerte et de réaction aux attaques informatiques (CERT). Ce dernier aurait pour mission de sensibiliser le public, les entreprises et les collectivités, et travaillerait avec les CERT existants, dont le CERT-FR animé par l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (Anssi). L'institution chargée du plan cybersécurité français.
Le rapport met aussi l'accent sur la sensibilisation des utilisateurs et la formation des agents d'investigation et des magistrats. Marc Robert se prononce pour le renforcement de la coopération pénale internationale et la création, dans l'espace européen, d'un « Schengen du numérique ». Celui-ci permettrait une coopération simplifiée « pour l'obtention des données de contenu comme pour la mise à exécution des décisions propres à mettre un terme à des activités ou contenus illégaux via Internet ».
Les fournisseurs encadrés
Le groupe de travail présidé par Marc Robert recommande de mobiliser les professionnels dans le cadre d'une « norme à vocation universelle qui doit concerner aussi bien les prestataires étrangers que français ». Sont ciblés : les moteurs de recherche comme les hébergeurs et fournisseurs d'accès - pour lesquels l'irresponsabilité de principe au regard du contenu est réaffirmée -. Tous seraient appelés à contribuer à la surveillance préventive de contenus illicites et à y mettre un terme à la demande d'un juge. Le magistrat serait le seul à l'initiative du blocage d'un site Internet, sauf en cas de pédopornographie.
Le rapport propose aussi qu'une agence de régulation assure l'interface avec les prestataires techniques. Elle veillerait à la cohérence et à la mise en oeuvre des normes applicables les concernant. Et disposerait « du droit de les sanctionner administrativement en cas de non-respect de leurs obligations légales aux lieu et place des sanctions pénales en vigueur ».
Cybercriminalité et sûreté nationale
Outre l'ouverture d'une plateforme centralisée permettant aux internautes victimes de cyber-escroqueries de signaler l'infraction, le rapport recommande « la création d'une mission de médiation entre internautes et prestataires, la reconnaissance du droit à l'oubli pour les mineurs, et la mise en oeuvre de processus destinés à assurer l'effectivité de l'exécution des décisions, y compris contre l'effet miroir (reprise massive en ligne d'un préjudice) ».
Les pouvoirs des forces de l'ordre seraient également renforcés. L'enquête en ligne sous pseudonyme serait généralisée à l'ensemble des crimes et délits passibles d'une peine d'emprisonnement. Par ailleurs, les infractions en ligne mettant en péril un mineur seraient assorties d'une « peine complémentaire » de suspension temporaire de l'accès à Internet. Enfin, le droit de perquisition et de saisie des terminaux et supports informatiques serait étendu et la police des noms de domaine renforcée.
Hier soir, Bernard Cazeneuve a fait savoir que des mesures inspirées du rapport sur la cybercriminalité devraient être intégrées au projet de loi « anti-jihad » qui sera présenté en Conseil des ministres le 9 juillet prochain. De son côté, Axelle Lemaire a signalé que des propositions du rapport pourraient alimenter le projet de loi numérique. Retardé, ce texte axé sur la compétitivité et les libertés numériques devrait être examiné en 2015 par le Parlement.
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