Orange empoisonné par ses fonctionnaires
Orange vient de se prendre une nouvelle volée de bois vert à Bruxelles. Ou plus exactement au Luxembourg où statue la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE). Celle-ci vient de conforter une décision de la Commission européenne estimant que l'opérateur bénéficiait d'une aide de l'Etat dans le traitement du régime des retraites des fonctionnaires d'anciennement France Télécom. Décision qu'Orange contestait depuis 2012. « La Cour rejette le pourvoi de France Télécom contre l'arrêt du Tribunal », confirme le communiqué de la CJUE.
5,7 milliards pour les retraites
L'affaire remonte à 1996, époque où l'entreprise nationale de télécommunications France Télécom a vu son statut transformé pour répondre à l'ouverture du marché à la concurrence imposée par Bruxelles. Une loi française est taillée pour transformer l'institution en société anonyme afin d'ouvrir une partie de son capital et y préparer son entrée en bourse. Au passage, le système de financement des retraites des salariés, bénéficiant alors du statut de fonctionnaires, est modifié afin de placer l'opérateur au même régime que celui de ses futurs concurrents. Sauf que ce «?taux d'équité concurrentielle?» excluait certains risques non communs entre les salariés du public et ceux du privé tels que le chômage et les créances des salariés en cas de liquidation de l'entreprise. Différence justifiée par l'Etat français par la garantie de l'emploi des fonctionnaires qui, donc, ne peuvent pas se retrouver sans emploi (et n'ont dans ce cadre aucune raison de cotiser). France Télécom versait alors 5,7 milliards d'euros (37,5 milliards de francs à l'époque) à l'Etat pour assurer la charge des futures retraites de ses 66?000 fonctionnaires (sur 100?000 salariés environ).
En 2011, la Commission européenne valide cette mesure de financement tout en y voyant une aide de l'Etat. Selon elle, la participation de France Télécom au financement des retraites était sous évaluée et, de fait, n'égalait pas les charges sociales dues par les concurrents du futur Orange au risque de créer un déséquilibre concurrentiel comme l'avait pointé Bouygues Telecom qui avait porté plainte. La Commission demandait alors à la France de modifier la loi de 1996 afin de prendre en compte les risques non communs aux salariés privés et aux fonctionnaires publics. Autrement dit, d'intégrer de nouvelles cotisations.
150 millions supplémentaires à payer
Analyse contestée par l'Etat français et l'opérateur historique qui, en 2012, se tournaient vers le Tribunal de l'Union européenne pour demander l'annulation de la décision de la Commission. Demande rejetée, trois ans plus tard, par le tribunal qui voit lui aussi une aide d'Etat à travers le système de financement des retraites des fonctionnaires de France Télécom. Ne voulant pas en démordre, l'opérateur introduit un pourvoi devant la Cour de justice pour en demander l'annulation.
C'est ce pourvoi que la Cour vient de rejeter. Elle estime que « le régime de retraite des fonctionnaires de France Télécom est juridiquement distinct et clairement séparé du régime applicable aux salariés de droit privé des concurrents de France Télécom ». Par ailleurs, dans son rejet, la Cour entérine le fait que l'avantage économique constaté par la Commission est bien « susceptible de fausser la concurrence ». Orange devra donc payer bien plus cher pour assurer la retraite de ses fonctionnaires. Une somme estimée à 150 millions d'euros en 2011. En 2015, l'effectif d'Orange se composait encore de 45?200 fonctionnaires. Le dernier d'entre eux devrait avoir quitté l'entreprise en 2042.
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