Concurrence : Orange condamné à 350 millions d'euros d'amende
La sanction était attendue depuis quelques semaines, elle vient de tomber. L'Autorité de la concurrence condamne Orange à 350 millions d'euros d'amende pour abus de position dominante sur le marché entreprise.
L'enquête de l'Autorité de la concurrence a été lancée à la suite des plaintes de Bouygues Telecom en avril 2008 et de SFR en juin 2010. Ils accusaient Orange de profiter de sa position dominante pour appliquer des pratiques anticoncurrentielles (remises tarifaires injustifiées, prix bradés.). A l'époque, les agents de l'Autorité décidèrent d'effectuer une perquisition dans quatre sites de l'opérateur visé, dont le siège parisien et celui d'Orange Business Services (OBS) à Saint-Denis. Les ordinateurs du PDG Stéphane Richard, de la directrice opérationnelle Delphine Ernotte-Cunci et de Vivek Badrinath, alors directeur d'OBS étaient notamment saisis. Orange avait contesté cette procédure ce qui avait eu pour conséquence de retarder un peu l'enquête. Le travail de l'Autorité continue néanmoins et en mars dernier elle transmet ses griefs à l'opérateur.
Un pot-pourri de pratiques anti-concurrentielles
Dans sa décision du 17 décembre 2015, l'Autorité pointe plusieurs pratiques contraires au droit de la concurrence. Certaines sont même encore appliquées aujourd'hui. Parmi elles, on retrouve une discrimination dans l'accès aux informations relatives à la gestion de la boucle locale, pratique qui avait déjà été condamnée pour le grand public, il y a quelques années. D'autre part, l'opérateur propose un programme de remise complexe aussi bien sur l'abonnement (privilège) que sur le volume (parc). Cette politique de fidélisation entraîne selon l'Autorité, un effet de « foisonnement » car en cumulant des remises le client ignore la date de fin d'engagement. Elle a aussi un effet d'éviction de la concurrence en imposant aux opérateurs alternatifs des frais supplémentaires pour récupérer un client. Les autres griefs concernent un programme « changer de mobile » qui a été arrêté en 2010 et une politique de remise sur les VPN (Virtual Private Network) qui s'est terminée seulement en juillet 2015.
L'ensemble des infractions sont suffisamment graves et répétées sur une longue durée (pendant près de 10 ans) pour avoir eu une influence sur le marché entreprise. L'Autorité parle dans sa décision de « rigidifier le marché ». Selon les données compilées par l'Idate, Orange occupait 63% du marché des offres entreprises en 2011, contre 25% pour Numericable-SFR (21% pour SFR Business Team, 4% pour Completel à l'époque), 6% pour Bouygues Telecom, 3% pour Colt, le reste étant réparti entre les autres acteurs d'un marché évalué à 12 milliards d'euros par an en France.
Des injonctions et une acceptation totale de la sanction
Orange n'a pas contesté les griefs et la sanction pécuniaire, annonce l'Autorité. L'opérateur historique a même choisi de collaborer et de se soumettre aux injonctions du régulateur. En premier, Orange a 18 mois pour mettre en place un dispositif garantissant l'accès aux opérateurs alternatifs des informations sur la boucle locale cuivre. Par ailleurs, l'opérateur devra cesser les différentes pratiques de remise et s'abstenir de créer des offres similaires ayant les mêmes effets. L'Arcep sera amenée à contrôler la bonne exécution de certaines injonctions.
En infligeant cette amende record, l'Autorité de la concurrence vient donc au secours du marché entreprise qui a longtemps été oublié de la régulation des télécommunications. Pendant que l'activité grand public a connu un foisonnement d'opérateurs portés par le dégroupage de la boucle locale, la branche entreprise patinait et consacrait la suprématie absolue d'Orange. On se souvient que sur le mobile, l'Autorité était déjà intervenue pour condamner l'entente entre les 3 opérateurs de l'époque, Orange, Bouygues Telecom et SFR.
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On peut être étonné de l'acceptation d'Orange des griefs et des sanctions. Les juristes de la place d'Alleray auront pesé le pour et le contre d'un appel. Ou alors, l'opérateur a décidé de faire profil bas dans l'optique de discussions avec le régulateur de la concurrence pour un éventuel rachat de Bouygues Telecom. Une diplomatie qui vaut bien une amende.
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