RH, finances, stratégie... Les complexités de la Dinum
De l’organisation administrative à la construction budgétaire, la Cour des comptes pointe le fonctionnement complexe de la Dinum.
La complexité, trait caractéristique de la Dinum ?
La Cour des comptes emploie ce terme pour caractériser la chaîne de dépense de la DSI de l’État. Elle fait de même concernant la chaîne RH.
La première fait intervenir de nombreuses délégations de gestion, note-t-elle. Ainsi que de multiples acteurs entre les prestataires et les responsables des achats (chef de produit, responsable d’incubateur, responsable de portefeuille ministériel…).
La seconde apparaît insuffisamment réactive compte tenu des profils visés (contractuels recrutés sur des métiers numériques en tension). En particulier au vu des délais entre la sélection des candidats et la signature du contrat.
Complexe, la construction budgétaire
La Dinum tire ses financements de 4 programmes relevant de 3 missions différentes.
À l’origine, la Dinsic avait un budget opérationnel au sein du programme 129 – Coordination du travail intergouvernemental. Celui-ci comporte une action consacrée à la coordination de la politique numérique.
En 2019 s’y ajouta un programme budgétaire propre (352 – Innovation et transformation numérique). Créé au sein de la mission Transformation et fonction publiques, il devait financer l’accélération des start-up d’État et le soutien au recrutement de profils rares dédiés à l’innovation numérique.
En 2021, un budget opérationnel supplémentaire fut confié à la Dinum au sein du programme 363 – Compétitivité de la mission Plan de relance. Ses crédits ont financé la modernisation, par le numérique, de l’État, des territoires et des entreprises.
Le quatrième budget opérationnel se trouve depuis 2023 au sein du programme 349 – Transformation publique. Il fait partie de la mission Transformation et fonction publiques.
Complexe, le pilotage des dépenses
La tendance à la sous-exécution des crédits met en évidence les difficultés de pilotage des dépenses, explique la Cour des comptes. L’éclatement de la gestion budgétaire n’aide pas. Elle associe deux responsables de la fonction financière ministérielle et trois responsables de programmes. La Dinum s’appuie par ailleurs sur la DSAF (Direction des services administratifs et financiers), qui gère sa masse salariale et certains aspects de sa commande publique.
Les ressources de la Dinum subissent en outre des évolutions importantes en cours de gestion. Cela tient à des transferts ou à des restructurations qui « faussent la lecture de la consommation budgétaire ».
La multiplicité des sources de financement fait quant à elle peser un risque d’erreurs d’imputation. Celui-ci a pu apparaître d’autant plus saillant avec l’organisation matricielle qui « opacifiait le suivi » depuis 2019.
Concernant les délégations de gestion sus-évoquées, il en a existé jusqu’à 55 en 2021. Or, les dispositifs de contrôle interne restent insuffisants pour prendre en compte les risques juridiques et financiers que pose un recours important aux marchés et à diverses formes de convention.
Complexe, la gestion des ressources humaines
En dépit d’une croissance des effectifs, la Dinum n’a jamais atteint, sur l’intervalle examiné, ses schémas d’emplois. Il faut dire que le renouvellement annuel est fort. Sur la période 2019-2022, le taux de rotation moyen s’est élevé à 33 %.
Comme sur le volet financier, la Cour des comptes relève un certain éclatement. La chaîne RH se partage en l’occurrence entre une fonction de proximité (qu’exerce la Dinum) et la DSAF.
La principale difficulté réside dans les modalités de détermination des propositions salariales. Insuffisamment claires, elles nuisent aux processus de recrutement.
Concernant les délais entre la sélection des candidats et la signature des contrats, elle peut atteindre 3 ou 4 mois. S’y ajoute la reconduction fréquente, voire systématique, des périodes d’essai. Y compris pour des agents confirmés. Quant à la communication à l’égard des candidats, elle suggère l’absence de perspectives de passage en CDI.
Complexe, l’organisation administrative
La Dinum pâtit aussi d’une instabilité organisationnelle. Depuis 2011, sept décrets l’ont restructurée. Ce qui ne participe pas à la clarté de son rôle et de son positionnement.
2011 : création de la Disic (Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication de l’État). Elle est rattachée aux services du Premier ministre et au Secrétariat général du Gouvernement.
2012 : création du SGMAP (Secrétariat générale pour la modernisation de l’action publique), qui reprend la tutelle de la Disic.
2015 : avec la réforme du SGMAP, la Disic devient Dinsic (ajout de la dimension « numérique ») et Etalab la rejoint.
2017 : avec la suppression du SGMAP, la Dinsic passe sous l’autorité du ministère chargé du numérique, « par délégation du Premier ministre ».
2019 : la Dinum remplace la Dinsic. Elle est à nouveau rattachée aux services du Premier ministre.
2020 : création du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. Il « a autorité sur la Dinum », sans mention de la délégation du Premier ministre.
2023 : un nouveau décret complète les missions de la Dinum. Il fixe le rattachement ministériel et administratif actuellement en vigueur.
Pas d’impulsion politique durable
Autre problème : un défaut de pilotage ministériel. Confiée au secrétaire d’État au numérique entre mai 2017 et mars 2019, la Dinum s’est ensuite retrouvée sans ministère de tutelle, ledit secrétaire d’État ayant été placé auprès des ministres de l’Économie et des Finances et des Comptes publics. À partir de juillet 2020, ce furent ministres successifs chargés de la transformation et de la fonction publiques qui eurent autorité sur elle.
Faute d’impulsion politique durable, la stratégie numérique a été, de fait, confiée aux directeurs eux-mêmes. Directeurs dont la position administrative a fréquemment fait l’objet de modifications. Entre 2011 et 2012, le directeur de la Disic était adjoint au secrétaire général du Gouvernement. Il fut ensuite ajoint au secrétaire général de la modernisation de l’action publique. Un titre perdu avec la suppression du SGMAP, sans retrouver l’autre.
Complexe, la stratégie
De 2015 à 2018, la Dinsic mit en œuvre la stratégie d’un « État-plateforme ». Un projet centré sur l’ouverture de la donnée et le déploiement des start-up d’État.
Lui succéda, entre 2019 et 2022, TECH.GOUV. Un programme « non conventionnel » au sens où ses contenu et calendrier s’adaptaient en continu. L’organigramme, matriciel, reposait sur des projets prioritaires avec des départements ad hoc pour les gérer. Et sur une affectation plurielle des agents.
Un département dédié à TECH.GOUV fut créé. L’adjoint au directeur interministériel du numérique en fut le responsable à partir d’octobre 2020. Un fonctionnement qui a entraîné d’importantes redondances, regrette la Cour des comptes. Et de donner l’exemple de la mission DATA, qui recoupe en grande partie les missions d’Etalab.
En janvier 2022, avec le départ du directeur ministériel, le programme s’arrêta de facto, signe d’une appropriation limitée.
La feuille de route établie au printemps 2023 le fut sans bilan préalable des stratégies précédentes. Elle a écarté certains objectifs de TECH.GOUV. Parmi eux, la réduction de la fracture numérique, l’optimisation des dépenses publiques et le développement de partenariats avec la société civile.
La fluctuation dans les priorités et l’organisation tient en partie à la méthode de désignation de chaque directeur. Cela s’est fait sur la base d’une vision très personnelle du rôle de la direction, sans explicitation prélable de l’impulsion (inter)ministérielle en amont.
Illustration © kwanchaift – Adobe Stock
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