IBM Watson fait son entrée dans les applications d'entreprise
En moins d'un an, IBM a doté son génie du Jeopardy d'une plate-forme complète et mis sur pied un écosystème de partenaires. La concrétisation de sa stratégie d'informatique cognitive pour les SI d'entreprise. Un pari de plusieurs milliards à suivre avec attention.
Désormais, c'est clair : Watson vient bousculer ses camarades dans la cour des applications d'entreprise. IBM confirme sa détermination en annonçant « apporter Watson au marché pour transformer les secteurs économiques et leurs professions, avec une informatique cognitive généralisée automatisant des solutions personnalisées et contextuelles à grande échelle, et en accélérant l'essor de Watson via un écosystème de partenaires.» En janvier dernier, IBM a annoncé qu'elle consacrerait un milliard de dollars à Watson, et lui a octroyé une division spécifique située à New York.
Watson s'équipe pour l'entreprise
« Les entreprises ont exprimé de fortes attentes pour favoriser l'accès de tous les utilisateurs métier aux informations, de la manière la plus simple. En effet, les employés passent un temps incroyable à rechercher la bonne information, et ne sont pas toujours sûrs que celle qu'ils utilisent finalement soit fiable. C'est à partir de ce constat et de ces attentes qu'a été conçu Watson », expose Alistair Rennie, directeur général Business Analytics chez IBM. « Depuis, nous l'avons doté de nouveaux outils pour interagir simplement, mais aussi pour visualiser simplement des scénarios et des schémas d'information complexes. En pensant également à la sécurité avec des fonctions de chiffrement ou de masquage de données, par exemple.»
En tant que système cognitif, Watson peut apprendre, naviguer et classer automatiquement de grands volumes d'information selon plusieurs approches, proposer une interrogation en langage naturel grâce à des fonctions linguistiques évoluées, etc.
Si l'interface de Watson existe en plusieurs langues, la recherche en langage naturel n'est disponible qu'en anglais. Or, ce sont justement ces capacités linguistiques (rapprochements et corrélations, synonymes, analyse syntaxique.) qui génèrent des résultats étonnants pour un utilisateur qui saisit ses demandes en langage naturel. Cependant, IBM annonce déjà travailler sur l'implémentation de ces requêtes en langage naturel pour l'espagnol, le japonais ou le portugais dans un premier temps.
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« En novembre 2013, nous avons initié un programme à destination d'un écosystème de partenaires afin d'ouvrir l'informatique cognitive de Watson au Cloud, aussi bien pour de nouvelles applications que pour les applications existantes », rappelle Stephen Gold, vice-président Watson Group chez IBM. «La réponse du marché a été formidable. Aujourd'hui, plus de trois mille applications participent à ce programme.» Lors de son événement Insight, qui se tenait cette semaine aux Etats-Unis, IBM a martelé ce message : « 26 secteurs d'activités, 6 continents, des milliers de possibilités ! »
Du cognitif, pour quoi faire ?
« Chaque employé d'une entreprise dispose de son propre corpus de connaissances, avec ses référents et le langage associé. Imaginez que chacun dépasse ses référents et puisse compléter son expertise avec celle des autres départements de l'entreprise (sans forcément connaître leurs langages) pour obtenir une vision globale », propose Mike Rodhin, senior vice-président, Software & Solutions chez IBM (en photo ci-dessus). « L'informatique cognitive propose justement un partenariat d'un nouveau genre entre les personnes et les ordinateurs pour améliorer l'expertise humaine et la faire accéder à un stade supérieur. Ainsi, chacun peut dépasser ses propres limites et assimiler simplement les expertises des autres. Bien au-delà des moteurs de recherche traditionnels, Watson utilise tous les contextes linguistiques et les référents multiples sans limites de volume, de mémoire ou de format d'information. Une approche qui favorise la démocratisation de la connaissance, indispensable à tout processus d'innovation.»
Belle promesse ! Cependant, pour espérer parvenir à ce résultat, Watson doit être épaulé par un écosystème de spécialistes pouvant créer des applications et des solutions complètes. D'où la présence d'APIs (librairies de fonctions) ouvertes et documentées à destination de ces partenaires.
IBM propose d'ailleurs déjà de nouvelles applications Watson depuis plusieurs semaines. La première fut Watson Oncology pour la recherche contre le cancer. Désormais, on trouve également Watson Wealth Management pour la gestion de patrimoine ou encore Watson Chef pour des recettes de cuisine. Autant d'applications prépackagées et personnalisables.
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Une architecture modulaire complète
Pour offrir tant de possibilités et de simplicité, Watson repose évidemment sur une architecture complète et modulaire. Au coeur de l'offre, on retrouve la logique consistant à proposer une solution accessible à tous avec les Advisors (conseillers ou guides).
Outre Watson Analytique, on trouve Watson Explorer et Watson Curator. Ce dernier est un service SaaS favorisant la gestion du cycle de vie de l'information afin que l'utilisateur dispose de la bonne information au bon moment et au bon endroit. Watson Curator assiste les spécialistes de l'entreprise pour trier et classifier les documents et autres informations afin d'améliorer la pertinence des résultats.
« Avec Watson Explorer 10, l'utilisateur obtient bien les réponses à 'Qui' et 'Quoi' comme avec un moteur de recherche traditionnel, mais la partie cognitive (corrélations, dépendances, linguistique évoluée.) permet de répondre aussi aux questions 'Pourquoi' et 'Comment'. Car l'exploration cognitive peut intégrer tout type d'information, analyser les contenus structurés ou non, et les interpréter grâce aux possibilités de Watson Developer Cloud », affirme Michelle Unger, vice-présidente des ventes du Watson Group chez IBM.
Ces services peuvent être utilisés par Watson Explorer, et par les développeurs, comme l'extraction de relations entre entités (concepts, individus, objets.), ou l'élaboration automatique de questions-réponses par Watson. Quatre nouveaux services aux noms très explicites sont annoncés en bétâ : Concept Expansion, Language Identification, Machine Translation et Message Resonance.
Les développeurs sont aussi de la fête, mais attention.
« Il y a un an, Watson ne disposait pas réellement d'outils permettant à des développeurs de l'exploiter. Les choses ont rapidement évolué. Non seulement, il existe des outils de découverte et d'interrogation, mais les fonctions de Watson sont aussi accessibles via des API documentées », explique John Gordon, vice-président au sein du IBM Watson Group.
Ces nouvelles technologies restent accessibles à tout développeur, car l'utilisation des API Watson est semblable à une intégration classique en programmation. « Toutefois, l'approche est différente. En effet, les informaticiens nécessitent des compétences sur la manière de traiter les retours (feedbacks) des utilisateurs et des systèmes, et sur la façon dont fonctionne le machine learning, au coeur même du système,» précise John Gordon.
Un modèle économique simplifié ?
Reste à décrypter le modèle financier mis en place par Big Blue autour de Watson. A entendre ses porte-parole, IBM miserait sur le long terme.« Aujourd'hui, l'utilisation des API Watson est gratuite. Lorsque le développeur souhaite créer son application, nous lui fournissons une instance dédiée sur notre Cloud, et mettons en place un modèle de revenus partagés. Sans autre paramètre de facturation », avance John Gordon.
Toutefois, Alistair Rennie précise: « À côté du modèle Freemium, un modèle Premium Services donne aussi accès aux connecteurs, au stockage évolué, à la collaboration et à la possibilité de disposer de son Cloud privé au sein du Cloud IBM Watson. » Plus étonnant, IBM n'écarte pas la possibilité de proposer Watson sous forme logicielle dans un datacenter privé. « Pour le moment, Watson est uniquement disponible sur le Cloud d'IBM, avec la possibilité de disposer d'instances privées. Cependant, nous travaillons aussi sur la possibilité de proposer une version logicielle sur site [on premise] », assure Steve Mills, senior vice-président Software & Systems chez IBM. « Toutefois, les technologies utilisées par Watson nécessitent des compétences très pointues, aussi bien pour les aspects logiciels que matériels », prévient-il.
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