Nicolas Sekkaki, IBM : « Watson entraîne toute notre activité »
En amont de l'événement qu'organise IBM France le 18 octobre (Business Connect), Nicolas Sekkaki, le président de la filiale depuis juillet 2015, a détaillé, lors d'un point presse, la transformation de l'activité de la deuxième société de services informatiques en France. « Nous savons que nous sommes mortels, c'est ce qui nous rend paranos », ironise le dirigeant. Plutôt monomaniaques, aurait-on envie d'écrire, tant IBM semble jouer son avenir sur une technologie centrale, Watson, sa plate-forme d'intelligence artificielle (IA). Un domaine que Big Blue a investi très tôt (dès 2011, avec le jeu télévisé Jeopardy), et sur lequel il est aujourd'hui rejoint par les Google, Microsoft et autre Salesforce.
Selon Nicolas Sekkaki, IBM France serait engagé dans une dizaine de projets faisant appel à Watson. « Soit des pilotes déjà en production, soit des processus d'examen des champs d'application de la technologie. Les entreprises se tournent vers Watson comme support de leur transformation. Par exemple, une banque qui développe une activité d'assureur », illustre-t-il. Les grandes entreprises de la finance semblent d'ailleurs figurer parmi les précurseurs sur la technologie. Notamment pour des applications de recommandation des produits les plus adaptés à tel ou tel client. Ou pour bâtir des robots conversationnels, permettant d'interagir avec les clients. C'est par exemple la voie choisie par la banque écossaise Royal Bank of Scotland (RBS), qui utilise Watson pour répondre aux questions de ses clients en ligne (les demandes les plus complexes restant réorientées vers des opérateurs). Cette automatisation des échanges figure également parmi les premiers usages imaginés par le Crédit Mutuel CIC, qui travaille avec IBM France sur des assistants virtuels pour les produits d'assurance et d'épargne, mais aussi sur une application d'analyse des e-mails entrants. Des projets qui suscitent des inquiétudes sur l'emploi en interne.
Watson : pas de réaction de rejet
Nicolas Sekkaki reconnaît que cette question de l'impact sur l'emploi n'est jamais très loin et fait partie des problématiques abordées par les organisations françaises au moment de se pencher sur l'IA : « Est-ce que les technologies cognitives vont détruire certains emplois donnés ? Oui, peut-être. Mais est-ce qu'elles vont changer des industries entières et créer de nouveaux emplois ? Sûrement. Au passage, la France est très bien placée sur ces nouveaux métiers où les maths jouent un rôle central », plaide le dirigeant. Et d'assurer que Watson ne suscite pas de réaction d'hostilité sur le terrain : « les gens y contribuent de façon très volontaire ».
Si Watson et ses 32 modules (disponibles sous forme d'API) sont souvent associés à la finance, ils ne se limitent pas à ce seul champ. Nicolas Sekkaki cite notamment le cas de start-up qui ont bâti des produits sur la technologie de Machine Learning d'IBM, comme MediaWen (sous-titrage et traduction automatique de vidéos) ou Ross (analyse de la jurisprudence américaine). Mais aussi des applications plus génériques, comme la gestion des mots de passe et de la messagerie. IBM France explique avoir ainsi développé en 3 mois une solution Watson centrée sur ces usages pour une entreprise semi-publique. Une application qui a coûté 200 000 euros.
Un euro sur deux sur l'IA et le Cloud.
Un chiffre qui illustre à lui seul toute la difficulté de la transition d'IBM France, qui a bâti son expansion dans les années 2000 - l'époque glorieuse d'IBM Global Services - sur de grands contrats d'externalisation, se chiffrant en centaines de millions d'euros, voire en milliards. « D'abord l'activité d'infogérance ne s'est pas effondrée », assure Nicolas Sekkaki, qui reconnaît toutefois que les grands projets d'externalisation ne sont plus légion dans l'Hexagone. « Ensuite, Watson génère des questions sur un grand nombre d'autres sujets : l'accès au patrimoine de données, la sécurisation ou l'industrialisation. Au global, ces dossiers de transformation numérique se chiffrent en dizaines, voire en centaines de millions d'euros », dit le président d'IBM France, qui assure qu'une technologie comme celle-là lui ouvre les portes des conseils d'administration des plus grandes entreprises françaises.
L'ambition d'IBM au niveau global est de réaliser 50 % de son activité sur le Cloud et les applications cognitives d'ici 5 à 10 ans. Le chemin reste long pour la filiale, son président reconnaissant que ces deux sujets naissants ne pèsent pour l'heure que « quelques dizaines de millions d'euros ». A comparer aux 1,7 milliard d'euros de chiffre d'affaires de l'activité services d'IBM France en 2015 (selon les estimations de Pierre Audoin Consultants).
Si Big Blue prévoit bien d'investir sur le Machine Learning en France (avec l'ouverture d'un Fab Lab dédié aux applications cognitives attendu en région parisienne au cours du premier semestre 2017), pas sûr que la filiale en ait fini avec ses cures d'amaigrissement successives. En mars dernier, pour la première fois de son histoire, la société américaine annonçait un plan de départs, se traduisant par des licenciements secs dans l'Hexagone. Un plan auquel s'ajoutent plusieurs projets d'externalisation. Les effectifs d'IBM France ont chuté de 63% en une vingtaine d'années.
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