IA et propriété intellectuelle : la vision du Cigref
Le Cigref propose un tour d'horizon des textes et de la jurisprudence susceptibles de guider l'application du droit de la propriété intellectuelle à l'ère de l'IA.

Un comics composé de texte rédigé par un humain et d'images générées par une IA peut-il être protégé par le droit d'auteur ?
Voilà deux ans que l'US Copyright Office a répondu par l'affirmative. Tout en expliquant que les images, cependant, ne pouvaient être protégées individuellement.
Le Cigref fait référence à cette décision dans un recueil de notes thématiques sur les enjeux juridiques de l'AI Act. Parmi eux, le secret d'affaires, la protection des données, la cybersécurité... et donc la propriété intellectuelle.
Données d'entraînement : la quête d'un "résumé détaillé" idéal
Dans le règlement, il est rappelé, en regard de diverses dispositions, qu'elles s'appliquent sans préjudice des droits de propriété intellectuelle. Par exemple, celles relatives aux responsabilités sur la chaîne de valeur (article 25(5)) et à la documentation des modèles d'IA à usage général (53(1)).
L'article 53(1) affirme plus précisément la nécessité, pour les fournisseurs de ce type de modèles, de se conformer au droit d'auteur et aux droits voisins. Cela implique notamment de publier un "résumé suffisamment détaillé" des données d'entraînement. Une obligation qui doit s'appliquer en août 2025. D'ici là, le Bureau de l'IA aura élaboré un modèle de résumé.
En France, le CSPLA (Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique) s'est vu confier deux missions. L'une sur la mise en oeuvre de l'AI Act. L'autre sur la rémunération des contenus culturels utilisés par les systèmes d'IA.
La première a donné lieu, en décembre 2024, à la publication d'un rapport qui propose une approche de "résumé détaillé" par type de contenus, avec un degré de détail fonction de leur sensibilité.
Le rapport sur le deuxième volet est attendu pour 2025. Le CSPLA a présenté, en décembre, des notes d'étape juridique et économique.
Des décisions éclairantes en Chine et aux États-Unis
Hors AI Act, plusieurs décisions ont déjà tranché la question de la protection d'oeuvres générées par IA. Outre l'US Copyright Office, la cour de district du district de Columbia s'est prononcée en août 2023. Elle a jugé qu'une oeuvre générée exclusivement par un système d'IA sans intervention humaine n'était pas éligible au droit d'auteur. Le plaignant avait cherché à citer un système informatique comme auteur et à obtenir le transfert du droit d'auteur en qualité de propriétaire de ce système.
Le Cigref mentionne aussi des affaires en Chine. Dont des décisions des cours d'Internet de Pékin et Guangzhou. La première, de novembre 2023, affirme en substance que la précision des prompts ayant mené à une image apporte la preuve d'un investissement intellectuel suffisant pour revendiquer la titularité du droit d'auteur. La seconde, de février 2024, s'inscrivait dans un dossier de contrefaçon des oeuvres japonaises Ultraman. Elle a abouti à la condamnation d'un fournisseur de services d'IA générative pour manquement à son devoir de vigilance.
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Dans ce contexte, on analysera attentivement les CGU des outils d'IA générative - en particulier les droits sur prompts et outputs. On documentera par ailleurs le processus créatif en apportant des preuves d'intervention humaine (temps passé sur les prompts, utilisation de logiciels de retouche...).
Point d'interrogation sur les bases de données générées par IA
En matière de propriété industrielle, l'Office européen des brevets n'a pas émis de lignes directrices. La question est ainsi du ressort des États contractants de la Convention sur le brevet européen. On pourra se référer aux orientations de l'USPTO (US Patent and Trademark Office). Lequel dit, entre autres, qu'une personne physique créant une invention assistée par l'IA ne voit pas remises en cause ses contributions comme inventeur.
La Chine a récemment rappelé que pour le dépôt de brevets, la signature de l'inventeur doit être celle d'une personne physique. Lorsqu'il y a assistance par une IA, il est nécessaire pour cette personne d'apporter une contribution créative aux caractéristiques substantielles de l'invention.
L'Afrique du Sud fait figure d'exception, ayant accordé un brevet à une IA qui avait réalisé seule des inventions. L'Europe, les États-Unis et le Royaume-Uni ont quant à eux refusé. L'IA en question, portée par un groupe de chercheurs britanniques, aurait inventé un contenant alimentaire et un dispositif lumineux d'alerte innovants qui mettent en oeuvre des principes de géométrie fractale.
Le Cigref évoque aussi le droit des bases de données. Il souligne les possibles difficultés à venir pour déterminer les titulaires des droits sur les bases que l'IA aura créées de manière autonome. En l'état, le Code de la propriété intellectuelle protège celles qui "par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles".
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Illustration générée par IA
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