Sopra - Steria : Pierre Pasquier grossit et pense à sa succession
Le rapprochement des deux SSII permet au co-fondateur de la Sopra, Pierre Pasquier, de garder la main sur le capital du futur ensemble. Tout en se trouvant - enfin - un successeur désigné en la personne du gérant de Steria, François Enaud.
Dans un communiqué diffusé ce matin, Sopra (1,35 milliard de chiffre d'affaires) et Steria (1,75 milliard d'euros) confirment leur intention de fusionner, pour créer un nouveau poids lourds dans les sociétés de services. Un poids lourd pesant 3,1 milliards d'euros et employant 35 000 personnes dans 24 pays. Sur le papier, les deux groupes affichent une certaine complémentarité. D'un côté, Sopra bénéficie d'une assise très solide en France ainsi que d'activités logicielles (notamment dans la banque) améliorant ses marges. La SSII de Pierre Pasquier possède surtout une expertise reconnue dans l'applicatif et la maintenance, notamment auprès du secteur public et de la finance. De l'autre, Steria a installé des implantations importantes en Grande-Bretagne et en Allemagne, via des rachats, ainsi que des bases arrière low cost notamment en Inde (où la société compte plus de 6 000 salariés). La SSII dirigée par François Enaud est très présente sur l'outsourcing de processus entiers ou BPO (via notamment la signature de méga-contrats avec le secteur public outre-manche) et l'infrastructure. Son expertise dans le secteur des transports ou des télécoms est reconnue.
Ensemble, les deux SSII doivent se hisser dans le Top 10 européens des services IT, en s'intercalant entre Fujitsu (9ème) et CSC (actuel 10ème). En France, le nouvel ensemble resterait au pied du podium, où Capgemini devance IBM et Atos. Les difficultés que connaît ce dernier dans l'Hexagone peuvent toutefois constituer une opportunité pour Sopra+Steria. Sur la base de chiffres Gartner, les deux sociétés estiment qu'elles disposeraient d'une part de marché de 5,5 % dans l'Hexagone, contre 5,7 % pour Atos. Les deux groupes se fixent comme objectif d'atteindre un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros et une marge opérationnelle voisine de 10 %. Sans toutefois se fixer d'échéance. Rappelons que Sopra affichait en 2013 une marge de 8,1 %, contre 6,3 % pour Steria.
Capital : Pierre Pasquier garde la main
Voilà pour la belle histoire, celle d'une fusion entre égaux complémentaires. Dans les faits, l'opération n'est ni plus ni moins qu'un rachat de Steria par Sopra. Le deal - qui prend la forme d'une offre publique d'échange initiée par Sopra - permettrait en effet à Sopra GMT, la holding des fondateurs de Sopra, Pierre Pasquier et François Odin, associée à des managers de la SSII, de s'octroyer 22 % du nouvel ensemble. Geninfo, société détenue à 100 % par la Société Générale et déjà présente au capital de Sopra (où elle agit de concert avec Sopra GMT), conserverait 7 % du nouvel ensemble. Tandis que les actionnaires salariés de Steria ne pèseraient que 10 % au total (dont 7 % pour le fonds commun de placement interne). Clairement donc, ce sont les actionnaires de Sopra qui prennent la main. D'autant que Sopra GMT, Geninfo et Soderi, la société de gestion du fonds des salariés de Steria, sont liés par un pacte d'actionnaires de 5 ans, par lequel ils s'engagent à se concerter sur les « décisions structurantes ». Le projet est toutefois séduisant pour les actionnaires de Steria, qui recevront une prime de 40 % par rapport au dernier cours de l'action.
Pour Dominique Raviart, directeur de recherche ITO au cabinet d'analyses NelsonHall, ce rachat est avant tout dicté par l'opportunité qui se présente à Sopra : « l'accord valorise Steria à environ 730 millions d'euros. Les ratios ne sont pas très élevés pour une acquisition, Steria est clairement sous-évalué. D'ailleurs, Pierre Pasquier avait maintes fois répété qu'il n'irait pas dans le BPO ou l'infrastructure. En rachetant Steria, c'est pourtant ce qu'il fait ». De son côté, Steria trouve là une issue à l'impasse stratégique dans laquelle il se trouve. « Jusqu'au rachat de Xansa (société anglaise disposant d'une forte base arrière en Inde rachetée en 2007, NDLR), Steria était une belle success story. Mais ce rachat a été réalisé dans un mauvais timing, juste avant la crise financière. Et surtout, les offres reposant sur les implantations en Inde n'ont pas fonctionné ni en France, ni en Allemagne », remarque Dominique Raviart. Ajoutons que l'image de Steria a récemment été écorné dans l'Hexagone par sa participation aux projets écotaxe et Louvois.
La question de l'âge du capitaine
Si Pierre Pasquier apparaît donc comme le nouvel homme fort du groupe, capitalistiquement parlant, le rapprochement avec Steria lui permet aussi de répondre à une question qui préoccupe le marché depuis des années : sa succession. Agé de 78 ans, le co-fondateur de Sogeti puis de Sopra adoube en effet François Enaud comme directeur général du nouvel ensemble. Pierre Pasquier conservant la présidence du conseil d'administration, un conseil où Steria héritera de 4 sièges d'administrateur, le même nombre que Sopra.
Signalons qu'en 2007 déjà, Pierre Pasquier était allé se chercher un successeur en externe, en allant débaucher Dominique Illien chez Atos. Mais la greffe n'avait pas réellement pris, Illien claquant la porte en 2010. Dans les faits, le super numéro 2 alors choisi par Pierre Pasquier n'a jamais réellement occupé le plein périmètre des fonctions qu'on lui avait dessiné. Atteint par la limite d'âge (il avait alors 75 ans), Pierre Pasquier avait alors bénéficié d'une prolongation de ses mandats, votée en assemblée générale.
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« Ce rapprochement devrait se concrétiser au troisième trimestre 2014. Nous entrons aujourd'hui dans un processus long et je suis conscient des questions que ce projet peut susciter », écrit Pierre Pasquier dans un mail aux salariés de Sopra. Pas sûr toutefois que les salariés de Steria aient à s'en plaindre : Pierre Pasquier ayant annoncé ce matin suspendre le plan social touchant la filiale française de la SSII et envisager de remplacer les sous-traitants actuels de Sopra par ces équipes aujourd'hui sur la sellette. En 2013, Steria France a dégagé un chiffre d'affaires de 555 millions d'euros, en décroissance de 5,6 % sur un an. De son côté, Sopra France a généré 828 millions d'euros l'année dernière, en progression de 4,1 %.
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