Etat des lieux du marché de la gestion des processus métier (BPM)
Avec un contexte économique incertain, la pression concurrentielle, la demande pressante des clients, l’accélération du time-to-market …. plus que jamais l’entreprise doit être réactive tout en réduisant ses coûts. Pour maîtriser et piloter l’ensemble de ses activités, l’approche par les processus métiers fournit une réponse stratégique et opérationnelle. État des lieux du BPM en France et perspective par Pierre TRAN
Sommaire
Définir la stratégie commerciale de l’entreprise, embaucher un collaborateur, administrer les flux logistiques, traiter les factures… les entreprises exécutent des processus métier à tous les niveaux, parfois même sans le savoir. La Gestion des Processus Métier (ou BPM, Business Process Management) est un ensemble de méthodes et d’outils qui visent à gérer le cycle de vie des processus métier : conception, modélisation, simulation, exécution, automatisation, pilotage, diagnostique, optimisation…
Mettre en œuvre une solution de BPM consiste à modéliser et automatiser un ensemble d’activités en orchestrant les interactions humaines et les échanges de données avec le système d’information existant (ERP, CRM….).
Schématiquement, on distingue les outils de BPA (Business Process Analysis) qui permettent la cartographie, l’analyse et la modélisation des processus, et les outils de BPM (Business Process Management) qui traitent l’automation, l’exécution et la supervision des processus.
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L’amélioration des processus métier devient importante voire stratégique pour 91% des entreprises en France. C’est ce que révèle l’enquête menée par Le CXP sur les usages et les pratiques de la Gestion des processus métier en France en 2013. Ainsi 81 % d’entre elles ont déjà engagé une démarche d’amélioration de leurs processus métier.
Mais si l’importance de cette démarche est clairement perçue, les moyens mis en œuvre restent encore archaïques. Les processus sont encore souvent exécutés au moyen d’emails et de pièces jointes (fichiers Word et Excel). Seulement 23% des entreprises utilisent des outils BPA pour modéliser leurs processus et 17% des outils BPM pour en orchestrer le déroulement. Des chiffres confirmés par l’étude d’Ernst & Young « Panorama 2013 du Business Process Management. Le BPM en marche » : 23 % des répondants utilisent un outil de modélisation dans leur démarche BPM.
Comment expliquer cette ignorance des outils BPM en France ? Pour Capgemini qui a publié une version française de son rapport Enquête sur le marché du BPM en France, la faute reviendrait au manque d’implication des directions générales : seules 11 % des personnes interrogées affirment que le BPM est une préoccupation pour la Direction Générale et 54 % ont reconnu que la culture en silo des entreprises françaises est un frein à l’accomplissement des projets BPM.
Pour Ernst & Young et Le CXP, on retrouve le même son de cloche : direction peu impliquée, difficulté à mesurer le ROI, méconnaissance des outils, manque de compétences internes.
En France, les outils les plus populaires (en renommée et en utilisation) sont selon Le CXP les solutions de Microsoft, Software AG et Mega. En open source, on trouve surtout Bonitasoft.
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1 Microsoft
Curieusement, le principal vendeur d’outils BPM en France ne propose pas de suite BPM, mais un ensemble d’outils qui, mis bout à bout, permettent de réaliser du BPM. De ce fait, l’éditeur ne fait pas partie du fameux Forrester Wave BPM Suites Q1 2013. Pour faire du BPM, on pourra utiliser selon les cas Visio, SharePoint Server, SQL Server, Project Server…
Destiné à l’origine à dessiner des diagrammes, Visio s’est mué progressivement en outil de modélisation et de de validation de processus métier. C’est aujourd’hui l’outil le plus utilsé en France (58 % selon le CXP). Visio permet de déployer les workflows dans SharePoint. Ce dernier n’est pas à proprement parler un outil BPM, SharePoint est plutôt une plate-forme de collaboration permettant de capturer la connaissance de l’entreprise, de partager des documents, de créer des processus de gouvernance en utilisant les fonctionnalités de workflow.
Consolider les processus métier avec Project Server
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DSI chez Solairedirect, premier producteur indépendant français d’électricité solaire, Benjamin Drieux-Falgon avait besoin de gérer des projets (documents juridiques, fiches techniques, études… ) en s’interfaçant avec l’ERP et la GED sous SharePoint. Il a choisi Project Server. « La combinaison Project Server, SharePoint et SQL Reporting Services apporte une gestion centralisée des projets, où chaque projet a son propre espace collaboratif. (…) Entre les efforts d’analyse et de remise à plat de nos processus consentis en amont et les fonctions avancées de Project Server, nous allons gagner en productivité et en sérénité » déclare Benjamin Drieux-Falgon.
2 Bonitasoft
Les administrations privilégient les solutions open source et Bonitasoft s’impose sur ce marché, mais également sur celui des PME avec peu de moyens. Patrice Salsa, DSI de la CFDT, avait besoin de revoir entièrement la gestion des 800 000 adhérents du syndicat, répartis aux quatre coins de la France, souvent en situation de mobilité. « Les enjeux étaient d’optimiser le temps des militants, de partager les outils informatiques et d’intégrer la génération Y. » déclare-t-il. Le choix s’est porté sur la solution Bonitasoft, capable de s’interfacer avec les applications Java existantes, mais aussi de permettre une démarche de prototypage/POC (Proof Of Concept). « Bonitasoft nous a permis d’offrir une meilleure expérience utilisateur dans la validation des données, une unification dans la présentation […] Au final, nous avons gagné en productivité, mais surtout une unification, une fiabilité et un pilotage centralisé des processus, avec une réduction de notre empreinte carbone » conclut Patrice Salsa.
Aux États-Unis, le BPM semble être entré dans les mœurs. Le rapport de Capgemini Global Business Process Management Report révèle que 82 % des sondés au niveau mondial déclarent avoir à la fois une connaissance et une expérience pratique du BPM. L’optimisme est de mise pour les cabinets d’analystes américains comme Winter Green Research qui prévoit une croissance du marché des logiciels de BPM jusqu’à 7 milliards de dollars en 2018.
Le BPM a lui aussi son modèle de maturité, le BPM Maturity Model décrit par Gartner. On constate qu’il reste encore du chemin à faire pour atteindre le niveau 5 des processus maîtrisés.
Avec le Web 2.0, les entreprises commencent à intégrer le social dans leur stratégie : placer le client au cœur de la stratégie, être à l’écoute et réagir sur les réseaux sociaux. Les processus et les outils de BPM commencent à intégrer des foncions sociales (collaboration via messagerie instantanée, flux de statuts, partage de documents…). C’est le Social BPM.
Les solutions commencent à prendre en compte aussi
- le mobile : les collaborateurs sont de plus en plus mobiles et utilisent leurs appareils personnels au bureau (BYOD, Bring Your Own Device)
- les analytiques : de plus en plus de données temps réel (Big Data) provenant des réseaux sociaux, des objets connectés, des applications nécessitent des analytiques et de la Business Intelligence
- l’intelligence : pour gérer la complexité croissance des processus métier, utilisation d’agents intelligents (composants logiciels autonomes et apprenants)
- le cloud : de plus en plus les données et les applications sont déportées dans le cloud pour les rendre accessibles à tous et partout, et aussi pour faciliter la maintenance de l’infrastructure matérielle et logicielle de l’entreprise
C’est ce certains appellent le new business MoSAIC (Mobile, Social, Analytics, Intelligent and Cloud). Challenge : organiser la chorégraphie des processus de l’entreprise.
Malgré les quelques rares cas de projets BPM outillés menés à bien, le marché français reste timide et surtout pragmatique. Faute de pouvoir en mesurer le ROI, la gestion de processus peine à convaincre les entreprises françaises. Peut-être l’occasion de sauter le pas et d’entrer directement dans l’ère du New Business.
Pierre TRAN
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