Internet est-il prêt pour l'Internet des Objets ?
L’Internet « des machines » n’a pas concerné que l’industrie informatique. L’Internet des Objets non plus. Son avènement annoncé – « aussi important que l’arrivée du train, de la vapeur ou de l’électricité [et] qui va rendre la terre plus verte » pour Jean-Luc Beylat – risque de changer tous les secteurs économiques. La question est de savoir comment.
Dans les années 90, Internet véhiculait principalement du texte et quelques images. Le surnom donné au réseau était on ne peut plus clair. Il était « une autoroute de l’information ».
Après l’éclatement de la bulle du même nom, Internet a connu une première mutation. Les contenus sont devenus plus lourds (vidéos, jeux en flash, etc.). L’infrastructure a suivi. Mais il lui reste cependant un point commun avec la décennie précédente : le réseau connecte toujours – principalement – des ordinateurs (fussent-ils mobiles ou non).
À l’aube des années 2010, un autre monde s’est annoncé. Un Internet où ce ne sont plus des PC, des Mac, des smartphones et des tablettes qui communiquent, mais où tout, absolument tout, est susceptible de recevoir et de produire de l’information. Cette mutation a un nom – plus ou moins polémique : l’Internet des Objets (« The Internet of Things »).
Pure science-fiction ? Loin de là. Les grands de l’IT – d’IBM à Microsoft en passant par SAP ou Alcatel-Lucent – travaillent déjà dessus. Certains objets connectés (ou « communicants ») sont d’ores et déjà fonctionnels, d’autres sur le point de le devenir comme le Linky d’ERDF.
Cette nouvelle vague n’a rien de futuriste. Elle est là. Le lapin Nabaztag fait déjà figure de dinosaure et Cisco anticipe que le nombre d’objets connectés à Internet sera multiplié par 10 en à peine 8 ans. En 2020, ils seront 50 milliards. Ericsson avance exactement les mêmes prévisions.
Résultat, de nouvelles contraintes pour l’infrastructure du réseau (d’après Cisco, le volume des données mobiles sera multiplié, rien que cette année, par 66), une explosion des données produites, et des problèmes en perspective à résoudre pour l’infrastructure. Mais aussi de nouvelles applications pour les utilisateurs et des relais de croissance inespérés pour les entreprises de tous les secteurs.
Le tout dans un monde dont l’imagination a du mal à concevoir ce qu’il sera dans 10 ans, tant il pourrait avoir changé avec ces objets. Un constat que fait, Jean-Luc Beylat, le très sérieux président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France, pour qui l’Internet des Objets est ni plus ni moins « la première vraie révolution technologique du 21e siècle ».
1 Quand tous les objets seront connectés à Internet
Le téléphone était un objet inerte. Connecté, il est devenu intelligent et a même changé de nom pour devenir « smartphone ». Beaucoup d’autres objets sont sur le point de suivre ce chemin.
Dans la maison, par exemple, la domotique passe à la vitesse supérieure. Elle sort de la phase d’exécution d’ordre à distance pour laisser place aux « smart houses » qui anticipent les actions à faire en fonction des données enregistrées automatiquement auparavant. L’habitant n’a même plus à créer des règles ou à appuyer sur des boutons pour mettre en marche les systèmes. Les compteurs connectés y débarquent (cf. le focus sur Linky d’ERDF). Et avec eux les réfrigérateurs communicants (le Samsung RF4289) – tant critiqués par rafi Haladjian, analyste averti – les machines à laver connectés (faites maison, par LG ou par Samsung – contrôlables à distance avec un smartphone ou un PC) et même des « smart fours ».
En janvier, LG a par exemple dévoilé une gamme (LG Smart) entièrement reliée à Internet lors du CES 2012. « Si un four LG Smart est connecté au réfrigérateur, les deux appareils sont capables de se parler. Si vous sélectionnez une recette, le réfrigérateur va prérégler le four selon le type de met à concocter », explique – certains diront « justifie » – le Sud-Coréen.
Dans le petit électroménager, une bouilloire prototypée par l’université de Stockholm augmente la force magnétique qui la relie à son socle quand le réseau d’alimentation électrique est chargé. Il devient plus difficile de la lever pour se faire un thé lors de ces pics. Intuitivement, l’utilisateur « sent » physiquement l’information.
Le virage de la connectivité à l’œuvre dans le mobilier domestique l’est également dans le mobilier urbain. Un bon exemple est « Only Girls Allowed », une campagne de sensibilisation de Plan UK qui ciblait en priorité les femmes. Un abribus a été inauguré pour l’occasion à Londres (sur Oxford Street). Cet abri est équipé de panneaux publicitaires tactiles capables, grâce à une caméra et un logiciel de reconnaissance faciale, de déterminer le genre du passant. Il affiche ensuite un contenu différent en fonction du sexe identifié : une vidéo entière pour une femme, une simple URL pour un homme.
« C’est comme un iPad géant croisé avec un Kinect » compare Neil Chapman, Président du groupe Clear Channel, multinationale américaine spécialisée dans la publicité urbaine qui a piloté le projet.
Les applications sont multiples et pour la plupart à inventer. « En utilisant ce panneau, les marques peuvent inciter les consommateurs à regarder, naviguer, créer, partager, télécharger des contenus HD, se connecter à un média social, interagir en touchant l’écran tactile ou en bougeant, et même s’immerger dans la publicité grâce à la réalité augmentée » s’enthousiasme Neil Chapman. On imagine aisément que les très nombreuses informations générées par ces interactions – et potentiellement enregistrées et transmises par le panneau – intéresseront fortement les marqueteurs.
Cette évolution de la connectivité est encore plus flagrante dans l’univers des voitures. Les automobiles ont commencé à recevoir des informations d’Internet de manière passive à la fin des années 2000. En 2009, Mercedes présente son système « MyCOMMAND ». En 2010, Toyota imagine une « LTE Connected Car » (voiture connectée avec un très haut débit via l’Internet mobile). En 2011, une Yaris propose un autoradio évolué (le Toyota Touch) qui permet d’accéder aux services Touch & Go (recherche locale avec Google Maps, trafic, radars, prix de l’essence dans les stations proches, et même places de parking disponibles).
Depuis avril 2011, toujours chez Toyota, un projet de 12 millions de dollars est en cours avec Microsoft, pour équiper les véhicules de la marque japonaise avec des services cloud et les transformer en véritables « smart cars ».
Les gigaoctets de données que chaque voiture va produire, leur stockage et leur traitement seront pris en charge par Microsoft avec sa plateforme hébergée Windows Azure. Un exemple de la puissance du cloud computing, selon Julien Lesaicherre, responsable de la plateforme chez Microsoft France, qui montre aussi le lien intime qui existe entre le Cloud et l’Internet des Objets.
Concurrent allemand de Microsoft, SAP a présenté lors du CeBIT 2011 un projet qu’il a mené en collaboration avec le Nomura Research Institute pour une compagnie de Taxis tokyoïte. Le NRI enregistre en temps réel les données de circulation grâce au GPS des 12.000 taxis affiliés, données auxquelles s’ajoutent des informations issues d’une application spécifique développée pour les smartphones. L’institut les agrège – toujours en temps réel – et fait des projections sur le trafic en s’appuyant sur les nouvelles technologies de l’éditeur (notamment le « In-Memory Computing » qui permet d’accélérer le traitement de très gros volumes d’informations).
Résultat, le système ne se contente plus de tracer la carte des embouteillages. Il est capable de prévoir de manière proactive, et en quelques secondes, où et comment vont se déplacer ces bouchons. L’information est ensuite renvoyée aux chauffeurs qui peuvent choisir le trajet le plus rapide, non plus avec une information statique, mais avec une projection dynamique.
Jumelé au prototype de voiture sans conducteur de Google (une Prius connectée modifiée) présentée en 2011 lors d’une intervention au TED, on imagine les chambardements que cet « Internet des Objets » va provoquer dans nos véhicules, sur le trafic (en intégrant des systèmes connectés collaboratifs comme Coyote par exemple), et chez les constructeurs, qui prennent la mesure de ces changements en cours.
Dans un tout autre domaine, la médecine quotidienne connait des avancées intéressantes grâce à l’Internet des Objets. Microsoft, par exemple, travaille actuellement avec l’Université de Washington sur un projet de lentilles de contact « intelligentes ».
Ces lentilles (encore au stade expérimental) sont capables de mesurer la glycémie d’une personne sans prélèvement sanguin. Finies les lourdes piqures à répétition. Le taux est établi par des capteurs électroniques lacrymaux qui transmettent instantanément les données au patient (pour vérifier son état en temps réel) ou au médecin traitant (en cas d’anomalie).
Ces données sont envoyées en deux temps. Elles transitent d’abord par « un agent intelligent » (smartphone, tablette, ordinateur) qui les analyse et qui se charge dans un deuxième temps de l’envoi (ou non) des résultats. Dans le même ordre d’idée, Covertis commercialise des moniteurs cardiaques qui communiquent sans fil avec les médecins.
La maison, l’industrie automobile ou la médecine ne sont pas les seules concernées. Le textile pourrait lui aussi être changé comme jamais avec les vêtements connectés dont les débouchés touchent aussi bien la médecine (outil de diagnostic), que le sport (cardiogramme, mesure de vitesse et de distance) ou la vie de tous les jours (téléchargement d’illustrations sur un t-shirt modifiable).
Pour Kevin Dallas, directeur général de Microsoft Windows Embedded (la version embarquée de Windows pour les objets connectés), les systèmes d’exploitation ont atteint un point de maturité et suffisamment de souplesse pour transformer quasiment tous les types de dispositifs en systèmes intelligents.
« Dans l’environnement d’une entreprise, des milliards de dispositifs peuvent recueillir dans le monde entier des données et produire un effet profond sur sa façon de s’organiser, d’agir et travailler », prévenait-il l’année dernière lors de la conférence mondiale technologique SMART.
« Aujourd’hui, nous avons des dispositifs dans les véhicules, les points de ventes, des équipements de production, etc. Cet univers ne fera que croître » estimait pour sa part Yousef Khalidi, Ingénieur « distingué » sur Windows Azure, lors du même évènement. « Un jour, chaque petite ampoule dans chaque pièce aura une adresse IP et enverra des données sur son état ».
Un point de vue partagé par IBM. Dans son rapport annuel 2010 « Next Five in Five » sur les tendances IT, « Big Blue » prévoit que tous les citoyens du monde seront des capteurs ambulants potentiels d’ici 2015. Les données recueillies par ces citoyens permettraient par exemple aux scientifiques d’avoir une idée plus précise et plus réactive (en fait en temps réel) de l’environnement et de pouvoir mieux appréhender les questions climatiques.
Cette analyse s’appuie sur le constat que le nombre de récepteurs présents dans les objets (voitures, téléphones, etc.) ne cesse de croitre. Et de croitre de plus en plus vite. Le mouvement va s’amplifier de manière quasi exponentielle avec l’arrivée de nouvelles technologies, encore plus variées.
Ninja Blocks par exemple, est un produit très simple composé d’un petit bloc électronique open source (dont les plans sont librement accessibles) et d’une plateforme Web à laquelle il peut se connecter.
Imaginée par trois « geeks », il est difficile de dire si cette start-up – lancée grâce à un financement collaboratif record sur KickStarter – sera pérenne. Une chose est sûre, elle n’est pas seule à croire et à parier sur ce créneau.
rafi Haladjian – le serial-entrepreneur à l’origine du lapin Wifi Nabaztag (« un manifeste qui montre que si on peut connecter des lapins on peut connecter n’importe quoi », déclarait-il en 2011), du FAI franceNet et du réseau Ozone – s’est lui aussi lancé dans cette aventure avec Sen.se, une plateforme back-end qui se propose de connecter « machines, humains, natures, espaces virtuels » et de stocker les données de ces objets pour les traiter et les rendre intelligibles (lire : les objets communicants concernent tout le monde, une interview de rafi Haladjian).
Même si sa vision va à l’encontre de bon nombre d’idées reçues, sa société montre que la prédiction de Kevin Dallas d’un monde presque entièrement connecté est parfaitement crédible et qu’il ne concernera pas que les informaticiens. Bien au contraire.
L’internet des objets : des défis technologiques à relever pour l’infrastructure
D’après Cisco, il y aurait plus d’objets connectés à Internet dans le monde que d’êtres humains sur terre. Et ce depuis déjà 4 ans.
D’ici 2020, ces objets devraient être 10 fois plus nombreux et avoisiner les 50 milliards. Le Dr Stefan Ferber, directeur des communautés & des réseaux de partenaires chez Bosch Software Innovations, estime lui que ce chiffre sera atteint encore plus rapidement, en 2015.
Mais ce monde où tous les objets sont communicants pose aussi des problèmes et de nombreuses questions. Le réseau tiendra-t-il le choc ? Comment traiter ces informations pour les rendre pertinentes ? À qui appartiennent les données générées ? Qui va les stocker ?
Les défis que posent ces objets sont d’autant plus grands que les masses d’informations en jeu pourraient être gigantesques. D’après Jim Cicconi, vice-président de l’opérateur américain AT&T, une vingtaine de « smart houses » banales pourraient rapidement produire autant de données que… la totalité d’Internet en 2008. La prédiction n’est certes pas encore réalisée – elle est même relativisée par d’autres experts – mais elle a le mérite de rappeler que derrière le potentiel des objets, il y a aussi une infrastructure à prendre en compte et des défis techniques à relever.
Le premier tient au nombre d’adresses disponibles. L’explosion du nombre d’objets est incompatible avec le protocole IPv4 (limités à environ 4 milliards d’adresses différentes). Grâce à des adresses de 128 bits au lieu du 32 bits de l’IPv4, l’IPv6 dispose d’un espace d’adressage bien plus important parfaitement capable de tout interconnecter.
Malheureusement, en 2012, son déploiement est encore limité. La proportion d’utilisateurs Internet en IPv6 est aujourd’hui estimée à à peine 0,6 %.
Mais la solution existe, et avec ses 667 millions de milliards d’adresses IP potentiellement disponibles il ne reste plus qu’à lever les freins et à changer l’infrastructure de routage. Néanmoins, comme avec tous les « il n’y a plus qu’à », le changement risque de ne pas se faire aussi simplement ou aussi rapidement faute de réelle volonté des acteurs du marché, qui pour certains ne montrent pas une réelle motivation à investir.
C’est par exemple ce que vise Zigbee, une technologie WLAN sans fil à faible consommation électrique qui se positionne en concurrente du Wifi et du Bluetooth. Promue par la ZigBee Alliance (composée de plus de 400 entreprises dont General Electric, Osram, Philips ou Texas Instruments), cette norme IEEE 802.15.4 vient de connaitre une avancée avec la ratification de ZigBee Light Link, sa déclinaison dans l’univers de l’éclairage.
Avec elle, « les ampoules […], les capteurs, les minuteries, les télécommandes et les interrupteurs […] se connecteront facilement à un réseau, sans dispositifs spéciaux pour les coordonner », explique l’alliance. Ces appareils basse consommation pourront « être contrôlés sur Internet grâce aux ordinateurs, aux tablettes numériques et aux smartphones. Et les consommateurs pourront […] combiner des produits de diverses marques ».
La norme a déjà convaincu des FAI. Résultat, on la retrouve dans la télécommande de la dernière Freebox ou chez Orange pour les futures fonctionnalités domotiques de la nouvelle Livebox Pro.
La technologie de la ZigBee Alliance n’est pas la seule à vouloir s’imposer. Des alternatives existent comme Z-Wave (un protocole radio sans fil bidirectionnel adapté pour les appareils électriques domestiques qui évite de refaire les câblages). Ou la technologie 6LoWPAN, particulièrement appropriée pour les « systèmes contraints » (avec énergie, CPU, RAM et stockage limités), des systèmes qui ont du mal à prendre en charge les paquets IPv6 et leurs en-têtes volumineux. Sans oublier bien sûr le Bluetooth, le courant porteur (CPL), ou le NFC (Near Field Communication), tous peu gourmands en énergie.
Bref, la concurrence fait rage entre les différents réseaux, protocoles et les technologies embarquées qui permettent les communications entre machines (ou M2M, pour « machine to machine », première brique de l’Internet des Objets) et aujourd’hui il est bien difficile de dire lesquelles sortiront vainqueurs, ni même s’il y aura des vainqueurs.
Quelquefois, le simple fait d’alimenter un objet pour le rendre connectable pose problème. Typiquement, la lentille de Microsoft nécessite des trésors de R&D.
Enfin, l’Internet des Objets exige le même niveau de robustesse et de sécurité que des applications critiques d’entreprise. Si un pacemaker est connecté, le réseau peut encore moins se permettre la moindre coupure ou interruption temporaire. Les connexions doivent fonctionner coûte que coûte. Et être parfaitement sécurisées. Est-ce le cas aujourd’hui ? Pas vraiment.
Les risques de déni de service (DDoS) qui planent sur les réseaux mobiles seraient particulièrement importants et la disponibilité des services mobiles serait plus que jamais menacée. Or les deux sont des piliers sur lesquels repose également l’Internet des Objets.
Sur ce point, Eric Michonnet, directeur d’Arbor Networks pour l’Europe du Sud explique à Silicon.fr que « la prise en compte des menaces […] varie beaucoup d’un opérateur à l’autre. Elle est parfois sous-estimée par les opérateurs dont les services sont majoritairement orientés ‘mobiles’ ».
L’Internet ne serait donc pas tout à fait prêt pour les objets connectés, surtout ceux dans un contexte critique ? « Je dirais que notre inquiétude ne se situe pas tant au niveau du volume de données à transporter que sur la garantie de disponibilité des services internet. Et dans le cas d’infrastructures critiques, dans la mise en place de dispositifs efficaces pour lutter activement et efficacement contre les attaques de plus en plus fréquentes visant ces infrastructures, notamment les serveurs vitaux pour ce type de services. »
Pour Eric Michonnet, une telle protection devrait être évaluée dans le cadre d’un « plan de continuité » plutôt que dans un cadre uniquement « sécurité ». Un défi qu’il semble possible de relever avec « des technologies spécialisées et dédiées, implantées à la fois dans le cloud et sur les sites critiques, qui doivent agir de concert pour neutraliser les attaques ». Et avec un solide travail de R&D pour avoir une connaissance approfondie et à jour des menaces.
« La lutte contre les attaques DDoS n’est pas une science exacte, c’est la combinaison d’une technologie éprouvée et d’une R&D forte agissant rapidement en cas de besoin », conclut l’expert d’Abor Networks.
Autre question que pose cet Internet des Objets, au-delà de cette problématique de sécurité que les opérateurs mobiles ne prendraient pas tous suffisamment au sérieux, le réseau dans son ensemble est-il vraiment prêt, aujourd’hui, à supporter ce déluge de données ?
Qui était mieux placé qu’Alcatel-Lucent, Cisco et Ericsson pour répondre à ces questions sur l’infrastructure d’Internet ? Silicon.fr a donc fait le point avec Olivier Seznec, CTO chez Cisco France, Viktor Arvidsson, directeur de la stratégie d’Ericsson, et Jean-Luc Beylat, président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France.
Conclusion, les vrais défis ne se trouvent pas nécessairement là où l’on pense.
Focus sur Linky d’ERDF, le compteur connecté qui rend les bâtiments plus « Green »
Un des enjeux majeurs de l’Internet des Objets est effectivement l’écologie (le « Green IT ») et l’efficience énergétique. En rendant le réseau électrique plus intelligent, la consommation peut-être considérablement lissée, voire réduite.
Le « smart grid » (réseau électrique intelligent) est simple sur le papier. Mais il est nettement plus compliqué à mettre en place. Ce qui explique pourquoi un agent d’EDF doit, aujourd’hui encore, relever manuellement les compteurs ou que l’énergie est facturée à l’utilisateur en s’appuyant sur des estimations et pas sur une consommation réelle.
Linky, le nouveau compteur d’ERDF, est cependant en train de faire évoluer les choses.
« Linky c’est un compteur, mais c’est aussi un système d’information associé », précise Électricité Réseau Distribution France, filiale à 100 % du groupe EDF en charge des réseaux de distribution d’électricité pour 95 % du territoire métropolitain. Avec ce nouvel Objet connecté « les interventions comme le relevé des compteurs, le changement de puissance ou la mise en service peuvent désormais être réalisées à distance. La facture est calculée sur la base de consommations réelles […] Le client est libéré de la contrainte du rendez-vous ».
En cas de panne sur le réseau, Linky facilite aussi le diagnostic et devrait ramener le délai d’intervention, selon ERDF, de 5 jours à moins de 24 heures.
D’ici 2018, ce sont 35 millions de compteurs communiquant Linky qui doivent être installés, pour un coût total de l’opération estimée à 4 milliards d’euros. « C’est une première mondiale », se félicite la filiale d’EDF. « Le projet Linky en France, par son ampleur et ses ambitions, est suivi avec attention par le reste du monde ».
Mais pour arriver à cette optimisation, ERDF a également dû mettre en place toute une infrastructure autour du boitier pour faire transiter les informations. Le premier niveau de communication part du compteur Linky (chez le client) et arrive au poste de distribution local. Les informations sont transmises via un courant porteur (CPL) sur le réseau électrique public.
Elles sont ensuite prises en charge par un concentrateur qui ouvre la deuxième phase de communication en les envoyant, via un réseau sans fil Telecom (GPRS), vers l’agence centrale de supervision d’ERDF, en contact direct avec le fournisseur d’électricité.
Toutes les données de consommation sont chiffrées à la source pour garantir la protection des informations personnelles. « Elles restent la propriété du client », anticipe ERDF qui prend les devants sur la question de la confidentialité.
L’expérimentation de Linky et de cette infrastructure s’est terminée le 31 mars 2011. Plus de 250 000 compteurs ont été déployés en milieu rural (en Indre-et-Loire) et urbain (à Lyon). Le 7 juillet 2011, un avis favorable de la Commission de Régulation de l’Énergie a donné le feu vert pour la généralisation du projet, suivi d’une confirmation par arrêté le 4 janvier de cette année.
Les opérations de remplacement commenceront d’ici 2014 et s’étendront jusqu’en 2020.
« Cette innovation est la première étape des réseaux intelligents (smart grids) », conclut ERDF. Qui rappelle que cette première étape vise aussi, pour la Commission européenne, à favoriser l’ouverture à la concurrence.
2 Des nouveaux défis pour les entreprises
Comment répondre à cette interrogation ? En imaginant aujourd’hui les nouveaux besoins auxquels les futurs produits vont bien pouvoir répondre. En évaluant les impacts potentiels des objets communicants sur chaque marché, sur l’organisation des entreprises ou sur la relation client. En gardant à l’esprit qu’il y a à la clef beaucoup de valeur à créer. Et en n’oubliant pas que l’Internet des Objets pose aussi – quoi qu’en disent certains – des questions morales à ne surtout pas négliger.
Les objets communiquent entre eux – sur eux- et donc sur nous. Certains fonctionneront de manière autonome, sans demander l’avis de leur possesseur (le diagnostic d’une panne envoyé à un concessionnaire signifie aussi que le prestataire peut géolocaliser en permanence son client).
Sans aller jusqu’à invoquer Michel Foucault qui aurait certainement vu dans cette « smart planet » (pour reprendre la terminologie d’IBM) un « Smart Big Brother » en puissance, la Commission européenne et son « European Group on Ethics » se sont inquiétés de ces questions dans un rapport de 138 pages (PDF).
« L’Internet des objets peut signifier des vies plus heureuses et plus saines. Mais ces capteurs collectent aussi d’énormes quantités de données, ce qui pose un défi éthique – tout particulièrement quand elles concernent la vie privée et notre identité », résume Nelly Kroes, vice-présidente de la Commission. « Nous devons nous intéresser aux implications morales, sociales, légales et environnementales de ces technologies ». Des questions que les professionnels intégreront certainement eux aussi à leurs réflexions (comme ERDF et Alcatel) pour éviter tout retour de bâton.
Pour le reste, les objets sont (presque) prêts. Le réseau aussi (même s’il reste des chantiers en cours pour accompagner la montée en puissance de ces objets). Ne reste donc plus aux entreprises qu’à se préparer à tirer le meilleur parti de la vague d’informations à venir en mettant notamment en place une stratégie autour du Big Data. Car sans création suffisante de sens et donc sans réelle intelligence, les objets peuvent être connectés autant qu’ils le veulent, ils resteront inutilisés. Et tout aussi inanimés que ceux qui les ont précédés.
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