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Des grands projets aux enjeux d'avenir, une Dinum en manque de légitimité

La Cour des comptes estime que la Dinum doit construire sa légitimité, autant au vu de ses livrables que de son positionnement sur les nouveaux enjeux du numérique.

Publié par Clément Bohic le | Mis à jour le
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Des grands projets aux enjeux d'avenir, une Dinum en manque de légitimité

Qu’est-ce qui accusait un coût total de 15 millions d’euros minimum fin 2023, pour moins de 200 000 utilisateurs ? Une réponse possible : La Suite Numérique.

Offre peu lisible, inclusion insuffisante des destinataires, risque d’arrêt à défaut d’une diffusion plus massive de la brique SSO… Ce projet de suite collaborative interministérielle – qu’il est question de décliner auprès des collectivités territoriales – n’emporte pas l’adhésion de la Cour des comptes.

Cette dernière met plus globalement en doute la plus-value des produits numériques interministériels. Elle souligne l’arrêt de certains malgré des investissements importants. Entre autres, geo.data.gouv et MonFranceConnect (1,2 M€ chacun).

En toile de fond, un constat : la légitimité de la Dinum reste à construire. La contribution du numérique au redressement des finances publiques en est une autre facette. En la matière, il n’y a toujours pas de consolidation au niveau de l’État. Ce malgré de multiples alertes depuis 2016 (la Cour des comptes avait notamment proposé que la Dinsic ait accès à Chorus).

La nouvelle feuille de route de la Dinum n’a, par ailleurs, pas retenu l’objectif d’une optimisation des dépenses publiques grâce au numérique. C’était l’une des boussoles du programme TECH.GOUV, arrêté en 2022. La direction du budget a néanmoins récemment amorcé un travail de consolidation. La Cour des comptes le juge d’autant plus nécessaire que les dérives budgétaires des grands projets numériques demeurent importantes. En juin 2023, le taux moyen s’élevait à 16,7 % (pour 23,8 % de taux de dérive calendaire).

La légitimité par un exercice plus effectif des pouvoirs…

La loi définit comme « grands projets » ceux dont le coût complet dépasse 9 M€. Elle les soumet à une procédure d’avis conforme auprès de la Dinum.

Avec 8 agents, le pôle qui met en œuvre cette procédure n’est pas assez doté, estime la Cour des comptes. Surtout, la Dinum semble incapable de se saisir pleinement du pouvoir qui lui est conféré. Quand bien même elle émet quasi systématiquement des recommandations et assez régulièrement des réserves, la proportion d’avis défavorables apparaît faible.

La procédure en elle-même est lourde, sans modèles adapté à la taille des projets. Et les ministères ne comprennent pas toujours les recommandations formulées. Il leur arrive de faire remarquer qu’elles ne tiennent pas assez compte des enjeux liés à leurs métiers. Ou qu’elles portent sur des questions formelles (inscription dans la doctrine « cloud au centre », recours à la méthode agile) plutôt que sur des questions de fond.

C’est sans compter les multiples voies de contournement. Les ministères ne notifient pas toujours les grands projets à la Dinum. Ou ils le font tardivement, parfois après publication des appels d’offre. Voire après le lancement du dispositif audité. Illustration avec la plate-forme numérique nationale dédiée au dispositif expérimental du SAS (service d’accès au soin). Lorsque notifiée, elle était déjà en production dans 22 départements.

Autre écueil : les projets que portent les opérateurs de l’État n’entrent pas dans le champ de la procédure d’avis conforme. Or, ils représentent une part croissante des « grands projets ». En outre, les ministères confient parfois certains de leurs projets aux opérateurs. Ce qui brouille la distinction. Témoin la refonte du SI de gestion des aides à l’emploi du ministère du Travail.

… et par la prise en compte des nouveaux enjeux

La Dinum doit aussi, du point de vue de la Cour des comptes, construire sa légitimité sur de nouveaux enjeux comme l’IA, le numérique écoresponsable et l’évaluation de la dette technique des acteurs publics.

IA : mieux coordonner l’action publique

Sur le premier volet, les initiatives s’articulent trop faiblement avec les réalisations du Lab IA, moteur de la nouvelle stratégie axée sur la réutilisation des données publiques plus que sur leur production. En première ligne, la coopération publique-privée AllIAnce. Constituée en incubateur, elle doit porter l’expérimentation de la GenAI au sein du service public.

La Cour des comptes souligne, de manière plus générale, la nécessité d’une coordination de l’action publique quant aux recherches, expérimentations et déploiements. Elle prend pour exemple le modèle du coordonnateur national pour l’intelligence artificielle. Hébergé au sein de la DGE, il est chargé de l’action de l’État en ce qui concerne l’IA du secteur privé.

La MINumEco, peu visible et d’une organisation complexe

Sur le deuxième volet, on avait franchi un cap en 2020 avec la création de la MINumEco (mission interministérielle pour le numérique écoresponsable). Elle rassemble la Dinum, la direction numérique du ministère de la Transition écologique et le Commissariat général au développement durable.

Sous son impulsion, des pilotes ont bien été identifiés, mais le taux d’actions réalisées reste très faible (1 sur 23). La MINumEco dispose encore de peu de visibilité et l’organisation est complexe entre les parties prenantes. Ce qui freine le déploiement et le suivi des actions. En parallèle, la nouvelle feuille de route de la Dinum ne fait pas du numérique responsable une priorité, alors que cet enjeu fait l’objet d’une circulaire de 2020.

Des occasions manquées sur la dette technique

Pour ce qui est de la dette technique, les coûts qu’elle engendre sont mal connus à ce jour. Bercy et les ministères chargés des affaires sociales ont commencé à prendre la question en compte, mais leurs actions restent très incomplètes.

En 2023, l’actualisation des plans de transformation numérique des ministères de la Justice et de l’Intérieur auraient pu être l’occasion d’intégrer la résorption de la dette technique. Ce ne fut pas le cas.
La Cour des comptes perçoit un palliatif dans la migration des applications vers un cloud souverain. Mais elle juge que la Dinum ne s’est pas positionnée comme pilote de ce chantier.

Illustration générée par IA

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