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La Suite Numérique : les errements d'un projet d'État

La Cour des comptes pointe les résultats insuffisants de La Suite Numérique (ex-SNAP) et évoque l’éventualité d’un arrêt du projet.

Publié par Clément Bohic le - mis à jour à
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La Suite Numérique : les errements d'un projet d'État

Le sort de La Suite Numérique, suspendu au déploiement d’AgentConnect ?

La Cour des comptes considère qu’à défaut d’une diffusion plus massive de cette brique d’authentification (le « France Connect des agents publics »), le projet aura peu de chances d’être rapidement adopté par les ministères. Dans un tel cas, il faudra envisager son arrêt…

La Suite Numérique a fait ses débuts l’an dernier. À travers cette initiative, la DINUM a lancé un chantier d’interconnexion et d’extension du SNAP (sac à dos numérique de l’agent public).

À fin 2023, le coût total atteignait 15 M€, pour moins de 200 000 agents utilisateurs. Tchap consomme l’essentiel (60 %) des coûts de déploiement, qui représentent environ 9,3 M€. Et une grande partie (40 %) des coûts de maintenance. La Cour des comptes évalue ces derniers à 5 M€ par an. Estimation qui ne comprend pas les astreintes sur certains projets (100 k€/an, par exemple, pour l’astreinte 24/7 des infrastructures de Resana).

AgentConnect, peu utilisé… comme le reste de La Suite Numérique

Le nombre d’utilisateurs d’AgentConnect a très fortement diminué entre mars et décembre 2023 (passage de 22 043 à 8015 utilisateurs). Entre juin 2021 et décembre 2023, le taux d’usage du système fut de 13 % pour les accès à Osmose ; 12 % pour les accès à Resana. La Cour des comptes l’explique en partie par une disponibilité doublement limitée. D’une part, sur le plan des entités (9 ministères et organismes publics). De l’autre, sur les services (16).

Pour Resana comme pour Osmose, le taux de non-utilisation chez les publics destinataires dépasse 75 % (source : baromètre de l’agent public 2022). Il est élevé pour les principales autres composantes de La Suite Numérique (61 % pour Audioconférence et Maïa ; 53 % pour Webconférence ; 52,8 % pour Tchap).

La « circulaire Olvid », reflet de la réalité de Tchap

« Moins de 190 000 agents » utilisent activement Tchap. Le volume de messages envoyés a atteint un pic à 4,8 millions en janvier 2022. Il s’est stabilisé autour de 3 millions fin 2023. Son moindre usage à l’extérieur de l’administration (3,3 % des utilisateurs actifs) rend difficile la communication hors de ce périmètre. La Cour des comptes y voit une explication à la « circulaire Olvid » émise en novembre dernier. Par cet intermédiaire, la Première ministre a demandé aux membres du Gouvernement et des cabinets ministériels de privilégier une alternative privée (Olvid, donc).

Le logiciel Audioconférence a connu une trajectoire comparable à celle de Tchap. Il a soutenu « à peine 8000 réunions » en novembre 2023, loin du pic à 18 500 en janvier 2022.

L’offre est par ailleurs parfois peu lisible. La coexistence d’Osmose et de Resana, relativement similaires, l’illustre. La situation remonte à la crise sanitaire. La DINUM avait ouvert en urgence plusieurs services pour le télétravail des agents. Aucune des deux plates-formes ne pouvait accueillir tout le monde sans risque opérationnel majeur. On a donc proposé les deux services, avec une orientation des utilisateurs en fonction des usages (animation de communautés pour Osmose, groupes de travail/projet pour Resana).

Une affaire de choix politique ?

L’invitation à massifier le déploiement d’AgentConnect entre dans le cadre d’un appel plus large à se concentrer sur des investissements à forte valeur ajoutée. En toile de fond, des effectifs et des moyens qui « ne permettront probablement pas d’aboutir, dans des délais raisonnables, à des outils susceptibles d’être facilement adoptés par les agents ».
La Cour des comptes recense environ 13 ETP pour gérer Tchap. Ils sont 5 pour AgentConnect, 4 pour Webconférence, 3 pour Webinaire et 0,5 pour Audioconférence.

L’initiative La Suite Numérique s’est accompagnée de la création d’un département chargé des produits interministériels. Celui-ci doit rapidement faire la preuve de sa plus-value, déclare la Cour des comptes. Pas tant à l’aune du développement de produits que de la réponse à des besoins interministériels.

Excepté les « clubs utilisateurs » pour certains produits, aucun véritable comité de pilotage n’a été formalisé avec les ministères. Ces derniers devraient, nous explique-t-on, se voir proposer de devenir « chef de file » du déploiement d’un produit, avec l’appui de la DINUM. À défaut, le département OPI (opérateur de produits interministériels) pourrait en reprendre la gestion.

Il faudra plus globalement porter et valider au niveau politique les choix dans la diffusion de La Suite Numérique. Tout en permettant aux ministères de revoir régulièrement la stratégie et les gammes de produits.

Illustration générée par IA

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